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- Les 100 meilleurs joueurs « So Foot »
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S’il ne devait en rester que 100… (6e)
Dans les kiosques, c'est le numéro 100. Alors sur le site, histoire de marquer le coup aussi, il n'y a pas de raison, So Foot a classé ses 100 meilleurs joueurs de l'histoire. Mais selon ses propres critères. Soit un peu d'objectivité, pas mal de mauvaise foi, beaucoup d'amour et même une dose de grâce. Au fur et à mesure du mois seront ainsi dévoilés, et de manière décroissante bien sûr, les heureux élus. Voici donc les meilleurs joueurs So Foot, avec aujourd'hui le joueur classé 6e : Pelé, le plus grand, éternellement.
#6 - Pelé
Pelé est le plus grand. Maradona revendique la place de Numéro 1 ? Qu’il la prenne… Mais Edson Arantes do Nascimento restera quand même le plus grand. En 1999, tous les lauréats du Ballon d’or France Football (sauf Yachine, décédé, ainsi que Mathews, Best et Sivori qui ne souhaitaient pas s’exprimer) eurent à donner dans l’ordre les 5 plus grands joueurs de l’histoire du foot. Pelé finit premier (112 points), Maradona second (65 pts) et Cruijff, médaille de bronze (62 points). Dans le détail, ceux qui mirent Pelé en tête : Kopa, Masopust, Eusébio, Albert, Rivera, Beckenbauer, Blokhine, Simonsen, Keegan, Rummenigge, P. Rossi, Platini, Van Basten, JPP, Stoichkhov, Weah, Rivaldo. Ceux qui votèrent pour Diego en numéro 1 ? Di Stéfano, Baggio et Zidane… Pelé vainqueur par KO : c’est les plus grands qui l’affirment. Même en demandant leur avis aux lauréats du Ballon d’or d’après 1999, la place de lider maximo n’aurait pas échappé à Pelé. Il faut vous faire une raison. Mais pourquoi Pelé est-il le plus grand ? Les stats, le palmarès et le talent parlent pour lui. Et la longévité. Pelé a traversé trois décennies au cours desquelles le foot s’est bunkerisé : il s’est adapté, passant de pur avant-centre buteur en stratège offensif, buteur toujours aussi létal et régulier et organisateur en sus.
Pelé aurait pu jouer la Coupe du monde 74 : il n’avait que 34 ans, physiquement crédible, les capacités offensives (19 buts en 45 matchs cette année-là) ou organisatrices (voir le Mundial 70, en 10, en neuf et demi ou deuxième attaquant) étaient encore correctes pour un Brésil 74 en panne d’inspiration. Mais el Rey stoppa sa carrière internationale en juillet 71 (sur une fâcherie avec la fédé brésilienne !). Là est la différence majeure entre Pelé et Maradona : le génie brésilien sut s’arrêter à temps pour ne pas plomber la Seleção et pour ne pas empêcher l’éclosion de nouveaux attaquants, quand le génie argentin joua la compète de trop en prenant le risque d’y aller « chargé » . Diego a fait très mal à l’Albiceleste, orpheline et complètement désintégrée après l’exclusion pour prise d’éphédrine de son « leader » à Dallas. Le plus par le moins : Pelé était moins narcissique. Maradona reconnaîtra indirectement la supériorité de l’aîné brésilien par une boutade : « Mon addiction à la drogue, c’est le seul avantage que Pelé a eu sur moi. » Traduction : l’image de marque entachée par le dopage et la drogue ainsi qu’une fin de carrière ratée pèsent lourd le jour du jugement dernier… Diego était un génie, certes, mais il a fini pathétiquement.
Des buts en rafale
Et le talent pur ? Pelé a TOUT fait en grand. Bien avant Maradona, Cruijff, Ronaldo (le vrai) ou Messi. En double ou en triple de tous ses concurrents : trois fois plus de buts qu’eux, en dribblant tout le monde, de la tête, du droit, du gauche, sur pénos, sur coups francs, sur bicyclettes (1089 pions en 1113 matchs !). La technique ? Pareil : Pelé réalisait tous les gestes inouïs et en improvisa plein d’autres, tout aussi inédits. Une vitesse folle, une détente incroyable pour 1m70 seulement (revoyez Air Jordan-Pelé marquer de la tête en finale 70 contre l’Italie !) et une faculté à être très rarement blessé, l’autre marque des grands : à l’instinct, il sentait les mauvais coups et les rendait sèchement en cas d’agression (il a pété sec une jambe à un gros salopard en Libertadores…). Pelé n’a pas joué en Europe, à la différence de Maradona ? D’abord Diego n’a pas remporté la C1 avec le Barça, ni avec Naples. Surtout, Pelé était interdit de quitter le territoire. Benfica, la Juve ou le Real voulaient bien évidemment le signer dans les années 60, avec succès continentaux quasi garantis à l’époque. Les militaires brésiliens au pouvoir l’avaient décrété « Trésor National » et donc inexportable… Diego a remporté le Mundial 86 à lui tout seul ? Pelé a légendairement marqué de son empreinte le Mundial 70 mais aussi et surtout le Mondial 58 : à 17 ans et demi, il plante le but du match en quarts (1-0 contre le pays de Galles), en demie (triplé contre la France, 5-2) et en finale (un doublé contre la Suède, 5-2). Et ça ne vaudrait pas Maradona 86 ? À 17 ans et demi ?
En 58, Feola avait laissé Pelé et Garrincha sur le banc lors des deux premiers matchs, ensuite avec eux deux, la Seleção décolla à la verticale. L’illusion de la supériorité de Maradona est en fait surtout visuelle. Télévisuelle, plutôt : Maradona a crevé l’écran à l’époque de l’explosion de l’image et de la com filmée, suivi et cadré par 15 caméras dont l’œil décortiquait sa technique (caméras à terre, en haut, devant, derrière, en gros plans, au ralenti). Pelé, c’était du noir et blanc, souvent en plan très large (deux caméras maxi) et une façon de filmer pas très dynamique qui « ralentissait » le jeu à l’écran. Revoyez certains buts de Pelé avec Santos ou quelques mouvements offensifs de la Seleção : ça va à 1000 à l’heure… Conscient d’être devancé en termes d’images par Diego, Pelé répliquera par un DVD « Pelé Eterno » sorti en 2004 et qui édifiera les nouvelles générations par les buts en rafale qu’il a inscrits. Petit problème : au moins 400 buts (notamment ceux de ses débuts) n’ont pas été filmés. Juste 400 buts manquants, une paille… Détail amusant : Maradona, roi de l’image TV, sombra dans la jalousie mortelle en voyant Messi sur le point de le dépasser. Comme avec Pelé en noir et blanc ringard, c’était au tour de Diego d’être dépassé par les technologies nouvelles : avec Internet (YouTube, Dailymotion, etc.), Messi a scotché le monde entier à la vitesse-seconde lors de son but inouï contre Getafe (2007), éclipsant le même but en slalom de Diego contre l’Angleterre au Mundial 86.
Poli, souriant… et vendu
Pelé n’était pas aussi rock’n’roll que Maradona ? Son statut de « gentil Noir » toujours souriant, émotif, propre sur lui et vecteur éducatif de l’enfance (UNESCO) avait et a toujours un côté énervant, d’autant plus qu’il s’est vendu à tous les annonceurs pub de la planète. Mais c’est oublier que Pelé est petit-fils d’esclave (au Brésil, l’esclavage ne fut officiellement aboli qu’en 1888)… Alors oui, quand il est devenu célèbre, il s’est efforcé de bien « représenter » son peuple en étant clean, poli et souriant, apolitique et sans jamais parler ouvertement de racisme (sans être dupe des discriminations trop souvent occultées là-bas). Plus tard, les footballeurs noirs et métis du Brésil ont pu se lâcher pleinement sur le terrain et dans la vie. Grâce à la reconnaissance sportive et « citoyenne » de leur sublime aîné qui avait déblayé pour eux la route encombrée de préjugés en affichant le profil forcément réducteur et neuneu du « gentil Noir » . C’est aussi ça le talent d’Edson Arantes…
Chérif Ghemmour