- Ligue des champions
- Groupe C
- J6
- Monaco/Zénith (2-0)
Signé Jardim !
Ils l'ont fait, les cons ! En battant le Zénith 2-0 hier soir à Louis-II, les Monégasques se sont qualifiés pour les 8es en passant même leader devant Leverkusen. Une bonne occasion de rendre hommage au coach Leonardo Jardim. Et toc !
La revanche du « triste » …
On ne va pas se mentir : personne n’avait vu venir la qualif de Monaco en 8es de C1. Et encore moins à la première place. Même dans un groupe moins féroce que d’autres, on doutait que le figurant azuréen issu du quatrième chapeau ne parvienne à passer le premier tour après l’hémorragie estivale des départs. On doutait aussi et surtout de Leonardo Jardim, ce coach « non désiré » appelé à remplacer le bon Ranieri. On avait assisté alors dès son arrivée en Principauté à un « Jardim bashing » qui ne s’est jamais vraiment dissipé, et ce, jusqu’à hier soir… Sofoot.com n’a pas participé à ce dézinguage en règle. On a plutôt apporté un soutien critique au technicien portugais ramassé dans une formule simple : laissez-le bosser. On a souligné régulièrement le bon travail de fond que les résultats et le jeu pas souvent flamboyant ne traduisaient pas toujours. Après tout, le gars était porteur d’idées ambitieuses et il avait en outre une vraie réflexion sur le jeu. Alors pourquoi le descendre ?
Et puis Monaco s’est qualifié… Leonardo Jardim pouvait savourer hier soir en effectuant la mise au point qui s’imposait : « Cette qualification est importante pour moi. Mais plus importante encore pour le groupe, la Principauté et le football français. Deux équipes françaises sont qualifiées en huitièmes de finale, ce qui est rare. Et je rappelle que Monaco, au mois d’août, était considéré comme la pire équipe du groupe. Une revanche ? Non, je suis heureux, car nous avons réussi notre objectif. Le groupe a donné une franche réponse aux critiques, et spécialement des Français qui ont été les premiers à dire en début de saison qu’il n’avait pas le niveau pour se qualifier. (…) On a fini premiers, car on a marqué plus de points que les autres. C’est mérité, nous avons été la meilleure équipe. Cette qualification ne changera pas la saison sportive de Monaco. La saison sportive de Monaco a changé au mois d’août. Ce match va donner plus de confiance à notre équipe. Tout le monde l’a oublié : la saison de Monaco a changé en août. Cette victoire est d’abord la victoire des joueurs. Ensuite, c’est celle de l’entraîneur. Quand on arrive dans un nouveau pays, c’est difficile. Et lors de ces six matchs, nous avons réussi à terminer premiers d’une poule où il y avait des équipes de grande qualité avec de grands entraîneurs. »
Faussement défensif…
Mardi 23 septembre 2014, Stade de la Mosson, 7e journée de L1… On joue la 93e et Monaco ne se satisfait toujours pas de ce 0-0 en cours contre « Montpeul » . Alors Kurzawa décolle sur l’aile gauche à 100 km/h, il lève la tête et centre sur Germain entré à la 88e. Valère bazarde le cuir dans les buts de Jourdren : 1-0, match terminé, 3 points dans la besace. On sait désormais que l’ASM de Jardim ne lâchera jamais rien, comme il le prouvera au Parc des Princes deux semaines plus tard en finissant en trombe par une égalisation méritée de Martial à la 92e (1-1)… Un hold-up à la Mosson ? Pas vraiment : Monaco a contrôlé le match de bout en bout et s’est procuré des occases, alors que les gars de Courbis ne s’en sont procuré qu’une au maximum. Une purge ? Pas vraiment : Monaco a produit du jeu. Avec ses moyens limités, certes, mais il n’a pas dérogé aux principes de Jardim d’attaquer envers et contre tout. Mais Jardim joue pourtant bien « défensif » , avec ce 4-3-3 et ses trois milieux récupérateurs (Toulalan, Moutinho, Kondogbia) ? Pas du tout : ce système est le compromis entre les velléités offensives du coach et le besoin de sécuriser les bases arrières de ses joueurs (Subašić et Toul, notamment). Jardim n’est pas obtus : avec ses leaders, il a posé un socle plus solide derrière qui va lui permettre de prendre moins de buts (1-4 à Bordeaux), de rassurer une défense qui doute et de pouvoir mieux se projeter devant. Jardim a-t-il pour autant sacrifié ses ambitions conquérantes (bloc haut, possession dans le camp adverse, etc) ? Pour l’instant, oui. Mais le jeu plus chatoyant n’est que remis à plus tard. Avec le meilleur à venir ? Il y a des chances. On verra bien…
Car les faits sont là : Monaco a toujours produit du jeu. Toujours. Sauf une fois : en C1, à Leverkusen (1-0) où l’ASM s’était permis de blinder derrière pour mieux assurer la qualif en 8es. C’est la seule fois où Monaco a vraiment joué le contre à 100 %. Le reste du temps, l’ASM a toujours pris l’initiative. Y compris à Rennes où le résultat brut (0-2) avait masqué une domination globale et des occases très nettes en deuxième mi-temps. En C1, hormis au Bayer, Monaco a souvent pris plus de risques que ses adversaires : à dom contre Leverkusen (1-0), contre Benfica (un 0-0 difficile, mais avec des initiatives et malgré la sortie de Berbatov à la 35e) et enfin hier soir contre le Zénith (2-0). À Saint-Pétersbourg, l’ASM méritait mieux que le 0-0 décroché chez l’actuel leader du championnat russe. À Lisbonne (0-1), l’ASM avait manqué le coche d’un match bien géré et des pures occases (duel raté de Ferreira Carrasco) face au Benfica sur un but tardif et contre le cours du jeu de Talisca (82e). C’est vrai, Monaco ne joue pas « beau » . Pas encore. On ne va pas revenir sur le fameux « changement de projet » de Rybolovlev, les départs estivaux de qui vous savez et la jeunesse d’un effectif peu expérimenté (9 des 13 joueurs alignés à Leverkusen n’avaient jamais joué l’Europe). On va juste rappeler que Jardim a patiemment rebâti une équipe qu’il souhaite petit à petit rendre plus ambitieuse dans le jeu.
Work in progress
Dimanche soir au Canal Football Club, Pierre Ménès avait encore caricaturé le style « défensif » de Jardim. Désolé, Pierrot ! En ne jouant que « défensif » , on ne passe pas un premier tour de C1 en finissant premier avec 3 victoires, deux nuls et une seule défaite. OK, quatre buts, c’est un peu cheap. Mais l’ASM ne pouvait pas faire mieux en cet automne 2014… Mis à part l’incontestable Berbatov, Jardim a dû aussi d’abord procéder à une large revue d’effectif devant pour compléter son attaque. Il a dû prendre le temps d’essayer Ocampos, Germain, Martial, Traoré, Dirar ou Ferreira Carrasco au prix d’un turnover parfois déroutant d’où n’émerge régulièrement aujourd’hui que le dernier cité. Mais rien n’est figé et Berbatov ne jouera pas tous les matchs pendant 90 minutes. D’ailleurs, Prince Dimitar est sorti blessé hier soir… Au milieu, le jeune et talentueux Bernardo Silva, utilisé au coup par coup, sera sûrement amené à figurer plus souvent pour la suite de la saison. À l’image de son attaque, Jardim a constamment rebattu les cartes dans toutes les lignes en concernant la quasi-totalité de son effectif : chacun a eu sa chance. Hier, Abdennour n’a pas laissé passer la sienne. Bakayoko a profité de l’absence de Kondogbia pour faire un match abouti. Au prix d’un match enfin digne de sa réputation internationale, Moutinho a rendu au centuple la confiance parfois aveugle que lui vouait son coach.
La victoire d’hier soir apparaît donc comme un brillant « work in progress » de la part de Leonardo Jardim. Il continue d’assembler les pièces d’un puzzle qui commence à prendre forme. Au point d’avoir pu oser ce pari expérimental en défense contre le Zénith, hier soir : charnière axiale Toulalan-Wallace et Raggi le droitier en latéral gauche. Non seulement ça a tenu, mais ce sont les arrières Abdennour et Fabinho qui ont planté les deux buts du 2-0 ! La qualif en 8es lui a fait gagner du temps précieux. D’ici le mois de février, Jardim aura trois mois pour perfectionner le fonds de jeu d’une équipe projetée dans le rêve européen. Or, les places vont être chères pour pouvoir disputer ces futurs matchs de C1. C’est tout bénef pour Jardim qui voit croître aujourd’hui son autorité et la justesse de ses idées. À voir la liesse des joueurs monégasques hier soir sur la pelouse de Louis-II, l’adhésion au projet du coach portugais ne peut qu’en être renforcée. On avait fustigé Jardim lorsqu’il avait raillé le comportement pas toujours très pro des jeunes joueurs français de l’ASM. Ces derniers savent désormais ce qu’il leur reste à accomplir pour participer à l’aventure. Qu’ils prennent exemple sur Kurzawa… Voilà. Jardim n’est pas « génial » , mais il a su construire les six équipes en six matchs qu’il fallait pour passer un premier tour réussi qui va doper l’indice UEFA du foot français. Et doper aussi Paris, Guingamp, Sainté, Lille ?
Par Chérif Ghemmour