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Govou : « Ça fait des années que Lyon se laisse aller »

Propos recueillis par Fabien Gelinat

Légende de l’Olympique lyonnais, Sidney Govou ne manque pas une miette de l’actualité de son club, frappé par les évènements survenus lors de l'OM-OL reporté dimanche dernier et par un début de saison catastrophique. L’occasion pour l'ancien international français de dresser un bilan qui laisse craindre le pire pour les Gones.

Govou : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Ça fait des années que Lyon se laisse aller<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Vous avez réagi sur Twitter après les incidents survenus en amont du match OM-OL, finalement reporté. Qu’avez-vous pensé quand vous avez vu les images ?

C’est déplorable, horrible, scandaleux. Je ne sais même pas comment le qualifier. Le football, c’est de la joie, et quand tu vois ça, tu te dis : « Merde, on a raté quelque chose. » On a laissé faire les choses. Après, tout le monde va dire : « Ce n’est pas ma faute, c’est celle d’untel ou untel. » Je pense qu’on arrive à une situation où il faut que ça évolue, que tout le monde parle et se réunisse. Il faut arrêter de faire comme si ces problèmes n’existaient pas.

Est-ce qu’il y a un responsable en particulier ou le mal est global ?

Tout le monde est responsable. L’organisation, les clubs, mais quelque part aussi la situation actuelle en France qui est très compliquée. Mais ne pas prendre conscience de ça… Tu organises un évènement à Marseille, Paris ou Lyon, des gros stades où tu rassembles plus de 40 000 spectateurs tous les quinze jours, forcément ce n’est pas facile.

 

Une fois le report annoncé, John Textor, le président de l’OL, a expliqué que les joueurs voulaient jouer la rencontre au départ, avant d’avoir des nouvelles de l’état de santé de Fabio Grosso, leur entraîneur. Vous comprenez cette réaction ?

Oui. Un joueur veut jouer. Il se prépare une semaine voire deux. Les joueurs sont hors sol dans ce genre de situation. Maintenant, pour moi, ce n’est pas aux joueurs de prendre cette décision. La gravité de la situation, ce n’est pas aux joueurs de la qualifier. Il y a des gens au-dessus. Un joueur joue, un dirigeant dirige, un arbitre arbitre. Il faut des responsables qui décident si on peut jouer ou non. Même Fabio, à mon avis, voulait être sur le banc. L’adrénaline d’un joueur à ce moment-là le pousse à vouloir y aller. Il se dit : « Ils nous ont fait ça, alors on va leur montrer. » Un débat se fait sur un terrain de foot, mais ce n’est pas aux joueurs de décider, ça doit se passer au-dessus.

Entre les incidents de dimanche dernier, l’affaire de la taupe quelques jours avant et les résultats depuis le début de la saison, l’OL subit une situation bien compliquée à laquelle personne n’est habitué…

C’est la vie, de temps en temps, t’as le karma qui n’est pas là. (Rires.) Mais sans parler de karma, tu as des moments où tout va mal. Les résultats, les embrouilles, la taupe. Il y a des saisons comme ça où il faut s’en sortir. Mais comment ? C’est un autre débat.

Qu’est-ce qu’il faudrait, à votre sens, pour que l’OL sorte la tête de l’eau ?

Objectivement, ça fait depuis 2019 que je dis « attention ». On ferme les yeux sur beaucoup d’aberrations footballistiques, il y a eu des précédents, et on n’est pas à l’abri d’un accident par rapport à ce qu’on voit sur le terrain. Mais ce qu’il se passe sur le terrain découle d’une organisation. Donc aujourd’hui, je ne peux pas dire que Textor a faux sur toute la ligne et qu’Aulas a eu raison sur tout. C’est une continuité. Ça fait des années que Lyon se laisse aller, sans que personne ne dise rien. Tout le monde dans le club dit : « On y va, on sait mieux faire que les autres. » On a été en avance pendant des années, mais les gens progressent autour de toi, le football évolue.

Et l’OL a stagné ?

Limite. Après avoir été si fort pendant tant d’années, tu as du mal à te dire que tu vas prendre des gens pour t’entourer mieux parce que tu es persuadé de détenir la vérité. Après, ça reste un club de foot, et si ça ne marche pas sur le terrain, il y a peu de chances que ça se passe bien autour. Et si ça se passe mal autour, ça n’ira pas sur le terrain.

Depuis qu’il est arrivé, Textor en fait plus devant les médias et sur les réseaux sociaux qu’en interne.

Sidney Govou

On est passé d’un cercle vertueux à un cercle vicieux en somme ?

Avant, quand tout se passait bien, tout le monde allait bien. Les joueurs sont contents, tu peux faire n’importe quoi, ça marche. Mais il faut savoir se regarder dans une glace et se dire la vérité en face. Et à Lyon, ça n’a pas été fait depuis X années.

Après la défaite contre Clermont, Textor s’était moqué d’une question à propos du maintien. Est-ce qu’il y a de l’inquiétude à avoir vis-à-vis de cette ligne de conduite ?

C’est un autre débat. Un président ne peut pas dire « on va descendre » devant les médias. La politique de Textor, aujourd’hui, je peux la comprendre. Mais je ne comprends pas qu’autour de lui, on ne tire pas la sonnette d’alarme. Depuis qu’il est arrivé, il en fait plus devant les médias et sur les réseaux sociaux qu’en interne. La direction qui change, c’est assez logique. Il achète un club à des centaines de millions, il va mettre des gens en qui il a confiance, c’est normal. Mais le timing n’est pas bon. Et quand tu fais tout à contretemps, il faut aussi te rendre compte que tu prends du retard.

Il faudrait que le club ait une vision à court terme ?

Pour moi, il faut voir à l’instant T, pas à deux ans. Il y a urgence. Et c’est là où j’ai un problème. Est-ce que les gens en interne gèrent l’urgence ? Je ne suis pas certain qu’ils prennent conscience de la situation. Le discours de recruter au mercato… Tu vas recruter qui ? Pour faire quoi ? Avec des mecs qui sont déjà dans la sinistrose…

En débauchant Fabio Grosso, malgré tout son potentiel en tant que coach, on a l’impression justement que l’OL mise sur la durée. Mais ne fallait-il pas plutôt un entraîneur habitué à cette situation ?

Je pense que Fabio est un bon entraîneur et qu’il peut apporter énormément, mais même lui doit comprendre qu’il faut aller sur du court terme. Aujourd’hui, il ne faut pas essayer de mettre en place, il faut agir match par match. Il faut gagner demain, puis la semaine suivante, puis celle d’après encore.

Il y a une vraie forme d’inquiétude pour vous ?

Je suis plus qu’inquiet. Je suis pessimiste, je n’arrive pas à voir la lumière. On se dit qu’à Marseille, un choc, on aurait pu faire un gros match et potentiellement gagner. Ça aurait pu lancer la machine, mais il se passe encore cet évènement, ce qui reporte le décollage à un autre moment. Aujourd’hui, c’est hyper complexe.

Je n’aime pas parler mal des joueurs parce que ce sont des bons joueurs de football, mais tu ne peux pas m’expliquer qu’avec cet effectif, l’OL va jouer les cinq premières places.

Sidney Govou

Ça paraît presque contradictoire malgré tout quand on regarde l’effectif de l’OL, on ne voit pas un potentiel relégable sur le papier…

Ça fait longtemps que, pour moi, on a un effectif de bons joueurs, mais pas du tout en adéquation avec ce qu’on leur demande. Je n’aime pas parler mal des joueurs parce que ce sont des bons joueurs de football, mais tu ne peux pas m’expliquer qu’avec cet effectif, l’OL va jouer les cinq premières places. Au mieux, tu vas te battre pour la cinquième ou sixième, comme ce qu’a fait Lyon ces dernières années. Mais tu ne joues pas pour la première, ni pour le podium. À un moment donné, il y a la réalité du football, et l’effectif lyonnais n’est pas calibré pour jouer les cinq premières places.

Sans qu’il soit calibré non plus pour jouer le maintien ?

Non, mais la problématique dans le football, c’est ça. Soit tu prends le bon wagon, et à la fin peut-être que tu arrives là où tu voulais être, soit tu prends le mauvais et tu es derrière. Et, à mon avis, il faut autre chose qu’un bon match pour basculer de l’autre côté. Il faut une autre mentalité, que les dirigeants prennent conscience, que les joueurs aient une ligne directrice qui ne vienne pas seulement du coach.

Vous souhaiteriez apporter votre aide à l’OL si c’était possible ?

Non, parce que ce n’est pas ma mentalité. Ce qu’il se passe aujourd’hui, je ne m’y reconnais pas. Et je ne dénigre pas ce qu’il se passe, je ne dis pas que c’est mauvais, mais j’ai un avis différent sur la manière dont le club doit fonctionner. Je suis très honnête avec moi-même, et ce que l’OL devient ne me correspond pas. Donc je ne peux pas aider. Quand tu as envie de faire quelque chose, tu le fais parce que les gens croient en toi et que tu crois en eux. Pour autant, je reste attaché au club, j’y ai vécu de belles choses, je serai toujours supporter de l’OL et j’irai toujours au stade. Mais cette façon de penser n’est pas la mienne.

L’OL bientôt devant la DNCG

Propos recueillis par Fabien Gelinat

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