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Sidney Govou : « 2010, c’était le grand n’importe quoi, ça m’a dégoûté »

Propos recueillis par Maxime Brigand
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Il y a dix ans, Sidney Govou prenait l'avion et s'en allait en Afrique du Sud vivre sa quatrième phase finale internationale consécutive avec les Bleus. Mais au mondial 2010, l'ancien international français, désormais consultant pour Canal+, s'est surtout retrouvé aux premières loges d'un crash historique. Il raconte.

Tu as vécu l’intégralité du mandat de Raymond Domenech. Quelle était ta relation avec lui ?Je t’avoue qu’on n’a pas beaucoup parlé. En tout cas, avec moi, il a rarement discuté. Je l’avais déjà connu chez les Espoirs, donc je pense qu’il connaissait mon mode de fonctionnement et qu’il savait que je n’avais pas forcément besoin d’échanger avec mes entraîneurs. Il me prenait, il ne me prenait pas… Mais il savait qu’il pouvait me faire confiance.

Qu’est-ce qui lui plaisait dans ton profil ?Le fait que j’étais capable de jouer partout en attaque. J’avais aussi un gros volume de jeu, donc dans des équipes comme la nôtre, avoir un attaquant capable de faire les efforts défensifs, parfois, ce n’était pas négligeable. J’étais un joueur assez sérieux, dans le sens où quand on me donnait des consignes, je les respectais assez facilement. Je pense que je n’étais pas un mec qui posait de problèmes.

On l’a senti arriver dès 2008. Après l’Euro, c’était quasiment impossible de faire quelque chose de bien au mondial et on l’a rapidement compris, même si on avait envie d’y croire, même si on avait une bonne équipe… Il y avait trop de divergences avec le coach, avec les médias… Et on n’avait pas un groupe capable d’affronter tout ça.

Après le mondial 2006, Domenech a hésité à repartir. Il savait qu’une nouvelle génération arrivait, que ça serait plus compliqué, que l’Euro 2008 allait servir à préparer la Coupe du monde 2010… Comment il vous a présenté la chose, lui ?Ce n’était pas aussi clair, déjà… Mais en 2006, tu as beaucoup de joueurs qui arrêtent, et je me souviens que lors de l’un de nos premiers rassemblements, on a senti le début d’un changement et le départ d’un nouveau cycle. Pour ça, Raymond Domenech a voulu imposer une nouvelle façon de fonctionner. Je me souviens notamment qu’après un match, il avait réuni tous les joueurs, chacun devait dire ce qu’il avait pensé de son match, c’était assez bizarre… Un truc à la Raymond, quoi. Il cherchait à déstabiliser certains, et j’ai le souvenir que quelques mecs avaient fait les gros yeux. (Rires.) C’était assez lunaire.

On a beaucoup parlé de sa communication extérieure. Mais en interne, comment ça se passait ?Ce n’était pas vraiment quelqu’un qui communiquait énormément en interne, si ce n’est avec deux-trois joueurs qu’il avait identifiés. En fait, il parlait essentiellement aux joueurs le jour des matchs.

Sauf que le jour des matchs, on a le sentiment que vous ne saviez pas vraiment où vous alliez en matière de projet de jeu…C’est vrai que ça changeait beaucoup, que le onze variait énormément… Peut-être aussi parce qu’il n’y avait pas vraiment de joueurs qui émergeaient suffisamment bien pour prétendre à des places de titulaires indiscutables. Après, Raymond Domenech aimait bien s’adapter au profil de l’adversaire, donc il y avait un côté caméléon assumé. Le problème, c’est que pour s’adapter constamment, il faut avoir une équipe très intelligente tactiquement.

Ce que vous n’aviez pas. Comment l’expliquer ? Par l’impossible mariage entre les générations ?C’est clair que c’était compliqué… Les nouveaux avaient les dents longues, ce qui est louable, mais il fallait qu’ils aient envie de s’intégrer. Dans le même temps, il fallait que les anciens acceptent de les intégrer correctement aussi. Là, les jeunes avaient un caractère particulier, restaient beaucoup entre eux, ne s’ouvraient pas et ce qui devait arriver est arrivé…

Tu as essayé de leur parler à ces jeunes, toi ?Je connaissais Karim (Benzema, qui ne sera pas du voyage en Afrique du Sud, N.D.L.R.) parce que j’avais joué avec lui à Lyon, je n’ai eu aucun problème avec eux, personnellement… Mais après, je prends ces responsabilités quand on me les donne. Je ne réclame rien et si j’avais senti qu’il fallait le faire, je l’aurais fait, mais on n’est jamais venu me chercher. Je ne considérais pas que j’avais de l’influence, j’étais simplement un joueur de l’équipe de France, et ça m’allait bien.

Mais avant de partir en Afrique du Sud, tu sens la chose arriver ?Oh, oui… En fait, on l’a senti arriver dès 2008. Après l’Euro, c’était quasiment impossible de faire quelque chose de bien au mondial et on l’a rapidement compris, même si on avait envie d’y croire, même si on avait une bonne équipe… Il y avait trop de divergences avec le coach, avec les médias… Et on n’avait pas un groupe capable d’affronter tout ça, même si on jouait tous dans des grands clubs. Ce n’est parce qu’on joue la Ligue des champions tous les quinze jours qu’on est capable de s’en sortir dans une telle situation.

Tu avais encore envie de jouer pour l’équipe de France malgré tout ça ?Oui, j’ai toujours eu l’envie, même si forcément, tu n’y vas pas de la même manière. J’étais content d’aller en Afrique du Sud, de jouer pour ce maillot… Il n’y a que les derniers moments au mondial où ça a été très compliqué dans la tête. J’espérais un électrochoc. Certains prétendaient à certaines responsabilités, mais finalement, ils voulaient ces responsabilités pour briller individuellement plutôt que pour créer un collectif. C’est ce qui nous a tués.

Ça, et la provocation médiatique permanente.Après 2008, ça a eu un impact énorme, oui. En 2008, il y a eu un acharnement médiatique sur lui, qui a forcément rejailli sur l’équipe.

Vous en parliez entre joueurs ?Forcément… Moi, ça ne m’affectait pas, mais je sais que le groupe ne comprenait pas toujours pourquoi tant de haine. Après, les journalistes étaient aussi dans leur rôle. Ils sentaient qu’il y avait une divergence entre les joueurs et le coach, donc ils cherchaient un petit peu le pourquoi du comment… Mais tout ça a pourri la préparation. C’était le cirque permanent. En fait, si on avait fait corps contre l’extérieur, ça n’aurait pas été dérangeant, mais là, certains trouvaient de l’intérêt à alimenter cette divergence. Tu avais des mecs qui soutenaient le coach, d’autres non, certains fustigeaient des coéquipiers…

Sportivement, la préparation a aussi été foireuse. Quand vous arrivez à Knysna, qu’est-ce que vous trouvez sur place ? On a beaucoup parlé de la pauvre qualité des installations…Ça, c’est des fausses excuses. Terrain flingué ou pas, on n’avait pas l’équipe pour faire quelque chose. La seule chose qui m’a surpris, en revanche, c’est l’altitude. Sur le premier match, j’ai pas mal souffert de ça. (Rires.) On redescendait de Tignes pourtant, mais lors du match contre l’Uruguay, l’altitude m’a coupé les jambes.

En revoyant la rencontre, ça se voit directement. Sur ce match, on était fatigués physiquement parce qu’on sortait d’une grosse préparation, mais on ne pouvait pas respirer. Je n’y étais pas du tout préparé.

Ce qui est bizarre, aussi, c’est qu’offensivement, il n’y a aucun plan. Rien. Nicolas Anelka te marche dessus à plusieurs reprises…Le problème, il est là : le coach avait donné des consignes, et les mecs ne voulaient pas les respecter. Le plan était pourtant clair, Raymond Domenech savait ce qu’il voulait mettre en place. Mais à un moment donné, Franck ne voulait pas jouer à droite, mais à gauche, Maloud’ voulait jouer à gauche, Nico voulait jouer en 10… Honnêtement, moi, ça m’a dégoûté parce que c’était du grand n’importe quoi. Chacun tirait dans son sens, et ce n’est pas ce premier match qui a montré notre incapacité à faire des choses ensemble. On le sentait venir depuis quelque temps déjà, notamment lors des matchs de préparation… Je suis quelqu’un d’assez organisé dans mon jeu, je sais quand je dois garder mon couloir, quand je dois rentrer à l’intérieur, compenser des déplacements, mais si autour, personne ne fait ce qui est demandé, ça ne rime à rien. Je pense d’ailleurs que Domenech m’a mis sur cette compétition pour compenser défensivement les faibles replis de Yo (Gourcuff) et Nico (Anelka). Après, quand tu n’as pas d’organisation… On parle quand même d’une Coupe du monde.

On peut me parler d’organisation, du coach… Mais les mecs n’acceptaient pas, de base, les consignes. Ça, dans le football, ça peut arriver, mais à une seule condition : il faut que derrière, il y ait une organisation commune. Là, chacun écoutait ses propres consignes…

Puis il y a le Mexique, qui est une tornade. Sur ton côté, Salcido sort notamment un match incroyable, mais ce qui choque, c’est le différentiel d’intensité entre les deux équipes. Ce match, c’est l’exemple concret de ce que je viens de te raconter. Tu as trop de joueurs qui faisaient ce qu’ils voulaient. Après, on peut me parler d’organisation, du coach… Mais les mecs n’acceptaient pas, de base, les consignes. Ça, dans le football, ça peut arriver, mais à une seule condition : il faut que derrière, il y ait une organisation commune. Là, chacun écoutait ses propres consignes… Tu avais donc mille approches au lieu d’une consigne générale. Personne ne s’écoutait parler. Résultat, ça ne ressemblait à rien.

Mais dans la vie de groupe, ça se passait comment ?Honnêtement, ça allait. C’était une grande compétition, donc c’est long, mais il y avait une bonne ambiance entre les joueurs. Il n’y avait pas de réelles tensions.

D’ailleurs, après l’embrouille entre Anelka et Domenech, on le sent : c’est votre seule action collective du mondial.(Rires.) Vu le caractère des mecs, ça n’a pas été surprenant. Là, on touchait à Nico, quelqu’un d’important dans le groupe, que tout le monde appréciait… Mais c’est ce qui est dommage. L’unité a été faite de mauvaise manière. Pour moi, la raison était louable, mais la manière n’était pas la bonne.

La question est toujours la même : qui prend cette décision ?Tu sais, généralement, sur un groupe de 23, tu en as 10 qui disent oui, quelques-uns qui disent peut-être et les autres, ils suivent…

Et tu n’as jamais pensé à descendre du bus ?Forcément, mais je ne l’ai pas fait, donc je fais partie de la chose. Sur le moment, c’est dur à comprendre, parce qu’on ne sait pas que c’est filmé en direct… Surtout, on ne voulait pas vraiment faire une grève. On voulait rentrer aux vestiaires, c’était un jour de décrassage, on pensait que ça aurait un autre impact. Ça a été mal fait aussi parce qu’on devait aller au stade, où il y avait des gamins à qui on voulait signer des autographes… En fait, c’est une succession d’événements qui a conduit à cette catastrophe.

Et derrière…(Il coupe) Derrière, ça ne ressemble plus à rien. Dans ma tête, c’est mort. On nous explique qu’on peut éventuellement se qualifier… Mais je sais que c’est foutu. On ne peut pas devenir du jour au lendemain une équipe capable de gagner un match par trois buts d’écart. Je n’ai même pas eu envie de jouer ce match. D’ailleurs, je ne l’ai pas joué. Honnêtement, je ne garde pas grand-chose de positif de cette aventure, si ce n’est peut-être la visite d’un township et quelques moments de vie commune.

C’est quoi la différence avec 2008 en fait ?2008, c’est le début des problèmes. À l’Euro, on avait fait un bon match contre les Pays-Bas, c’est peut-être même, malgré le score (1-4), mon meilleur match en équipe de France. Ce n’était pas le même style d’ambiance, c’était moins lourd psychologiquement, mais c’est le départ de quelque chose de mauvais.

Parce que tu as un sélectionneur qui veut mourir avec ses idées ?Oui, certains lui reprochent sûrement ça, mais moi, je lui reproche simplement de ne pas avoir donné les clés du camion aux bonnes personnes. Dans une compétition comme ça, c’est essentiel, sauf si tu as une équipe suffisamment intelligente qui peut s’auto-gérer. Et ça, on ne l’avait pas, on n’avait pas de joueurs capables de prendre leurs responsabilités pour unifier le groupe.

Ça t’a dégoûté des Bleus ?Non, je serais revenu si on m’avait rappelé (rires) et en rentrant, je n’avais pas peur. Je n’avais simplement qu’une envie : partir en vacances. Je n’ai pas suivi tous les débats, je me suis déconnecté de tout. Ça allait trop loin, il fallait tourner la page.

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