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Siboy : « Le foot me permettait de penser à autre chose qu’à la guerre »
Le souci d'anonymat de Siboy est sans aucun doute sincère. Mais ce rire, qui fait régulièrement vibrer l'épaisse cagoule que le rappeur porte même en plein été, même face à un journaliste de presse écrite, est si typique qu'il le trahira forcément un jour. Et c'est tant mieux.
Comment t’es-tu retrouvé à vivre à Mulhouse ?Avec mes parents, on a fui le Congo en guerre, lorsque j’avais huit ans. On a débarqué à Tours, puis à Paris. Quand tu es immigré avec le statut de réfugié politique, l’État français essaie de te trouver un logement. Et ils nous en a trouvé un à Mulhouse, dans un foyer, tout simplement.
Tes morceaux sont remplis de références au foot. Comment as-tu appris à aimer ce sport ?Mon père m’a appris à kiffer le PSG, mais j’aimais déjà le foot. Cela ne s’apprend pas, c’est une passion. Petit, je jouais au ballon sans savoir que c’était du football. C’était au bled, à Brazzaville, pieds nus. Cela me permettait de penser à autre chose qu’à la guerre, même si mes souvenirs du Congo sont surtout liés à cela.
Plus tard, tu t’es mis au skate…Ouais, quand je suis arrivé à Mulhouse. J’aime bien tester des choses, jusqu’à avoir une certaine maîtrise. C’était cool, le skate, même si ça a une image un peu… Disons qu’il y a des gens de cité qui considèrent que ce n’est pas un sport pour nous. Mais moi, je kiffais.
Aujourd’hui, tu joues toujours au foot ?Ouais, ça m’arrive, avec les potes. On se donne rendez-vous au stade, et on se fait un onze contre onze. On a nos chasubles, c’est quand même un peu organisé. Ça se tacle, parfois ça se bagarre, c’est cool. En ce moment, avec le cardio que je me traîne, je joue défenseur central. Mais je préfère jouer sur un côté.
Dans le morceau « Ce n’était pas si simple » , tu dis que tu « veux quitter la France comme Ancelotti » . C’est paradoxal, après tous les efforts que tu as faits pour vivre ici…
C’est juste que parfois, quand c’est chiant, t’as envie de te balader. Mais après, tu reviens. Comme quand t’es au boulot et que t’as envie de te barrer, prendre l’air, partir en vacances.
Et tu irais te balader où ?Quelque part où je ne suis jamais allé. Je suis attiré par la culture américaine. Disons Los Angeles, ou Atlanta. Tout se passe là-bas, il faudrait que j’aille voir comment c’est.
Pour toi, le foot, c’est le PSG, pas Mulhouse ?Mulhouse, je les aime bien, mais ouais, je suis pour le Paris Saint-Germain à fond. Là, je suis content que Strasbourg monte en Ligue 1. Grâce à eux, j’irai voir jouer le PSG.
Comment es-tu tombé amoureux du Paris Saint-Germain ?Grâce à mon père, qui gueulait en levant les bras devant sa télé. Il m’a transmis ce truc. Quand le PSG perd, ma journée est gâchée, tandis que lorsqu’ils gagnent, tout va bien pour moi. J’ai l’impression d’être Nasser (Al-Khelaïfi).
Donc depuis quelques années, tu es plus souvent heureux que triste…Ouais ! Même si la deuxième place de la saison dernière m’embête un peu. Mais je félicite Monaco, c’est bien qu’ils soient là, ils rendent le championnat super intéressant.
Comment tu envisages la saison parisienne ?Tout dépendra du mercato, mais ça risque d’être le feu, si les joueurs annoncés débarquent (interview réalisée avant l’officialisation du transfert de Neymar, ndlr). Ce qui est certain, c’est qu’ils n’ont pas le droit de ne pas être champion deux années de suite. C’est interdit.
Le véritable objectif, c’est la Ligue des champions. Qu’est-ce qu’il manque à Paris pour passer ces fichus quarts de finale ?C’est mental. Si on passe les quarts, tout va se débloquer, on aura vaincu la malédiction. Je ne sais pas si on ira au bout, mais on saura que c’est possible. Et ça va forcément nous donner de la force. Après, ce qui serait marrant, ce serait d’éliminer le Barça en quarts, surtout avec Neymar de notre côté. En Leur mettant un bon petit 5-0 à l’aller.
Tu sais que t’es le PSG, que si t’en mets 5 à l’aller, t’es pas à l’abri d’en prendre 6 au retour ?Non, ils n’ont plus le droit, là. Sinon, ça s’appelle une malédiction.
Dans le morceau « Au revoir merci » , tu rappes : « Les rappeurs me sucent comme Da Fonseca devant Messi » . Donc tu regardes beaucoup les matchs du Barça ?
Omar da Fonseca est un personnage que je trouve super marrant. On sent son attachement à Barcelone. Quand il parle de Messi, tu sens qu’il y a de l’amour. Je voulais retranscrire ça en mode rap. Ce n’est rien d’autre que de l’arrogance.
Tu n’es pas dérangé, lorsqu’un commentateur n’est pas objectif ?Non. Je trouve même que c’est mieux. Au moins, il assume. Et puis quand ils essaient de cacher leurs préférences, cela se sent. Ils font semblant d’être objectifs, mais personne est dupe.
Dans le morceau « Bordel » , tu te définis comme un « talent précoce, négro, comme Mbappé » . Tu lui conseilles de faire quoi, en cette période de mercato ?
Le meilleur conseil que je puisse lui donner, c’est de venir à Paris. Mais c’est un conseil de supporter parisien, je ne suis pas objectif. Je ne sais pas s’il y a eu des joueurs aussi doués que lui à son âge. Ce qu’il montre est super impressionnant, il n’est déjà pas très loin de joueurs comme Neymar. En plus, on sent qu’il a une bonne mentalité. Il n’en rajoute pas, il est sobre. Il dégage une bonne énergie.
Quand tu as signé chez 92i, l’écurie de Booba, est-ce que tu as eu l’impression d’arriver dans un grand club ?Ouais, c’était quelque chose. Booba, c’est quand même quelqu’un, dans le rap. Je travaille avec un mec que j’écoutais quand j’étais plus jeune, c’est quand même une fierté qu’il reconnaisse mon talent. Après, je ne me suis pas dit : « ça y est, j’ai réussi ma vie » , parce que j’ai tout à prouver.
Shay fait toujours partie de l’équipe ?Ce qui se raconte sur elle, ce ne sont que des rumeurs (la rappeuse belge aurait été renvoyée du 92i pour avoir proposé un rapport tarifé à André Ayew, ce qu’elle dément, ndlr). Personne ne connaît la vérité. Moi, en tout cas, je ne suis au courant de rien. Pour l’instant, il n’y a aucun communiqué officiel qui annonce son départ du 92i.
Donc elle n’est pas écartée, ce n’est pas la Ben Arfa du 92i ?Non, je pense simplement qu’elle travaille de son côté. Et je pense que les rumeurs qui circulent sur elle sont fausses.
Justement, qu’est-ce que tu penses des mésaventures d’Hatem Ben Arfa ?Je ne sais pas ce qu’il se passe à l’intérieur du club. Mais vu de l’extérieur, ça a l’air d’être un mec sympa, et son traitement par les dirigeants du PSG semble injuste. Mais on ne sait pas tout. À titre personnel, j’ai du mal à me faire une opinion sur lui, parce qu’il a trop peu joué. Pour pouvoir le juger, il aurait fallu lui donner plus de temps de jeu. Et puis, il ne peut pas être en confiance en jouant si peu.
Tu n’es jamais allé au Parc des Princes. Qu’est-ce que tu attends ?Je ne sais pas. On m’a déjà proposé, mais pour l’instant, ce n’est pas ma priorité. Je suis un mec qui regarde les matchs à la télé, tout seul, en gueulant. Je m’énerve, je parle fort…
Et tu veux que personne ne soit témoin de ça…Bah ouais, c’est gênant. On va me prendre pour un mec bizarre. Souvent, je gueule sur les joueurs, je leur demande de faire des trucs, et ils ne m’écoutent pas.
Tu fais donc partie de ces mecs qui hurlent devant leur télé, en pensant que les joueurs vont les entendre…Carrément, je donne des instructions !
Tu sais qu’au Parc des Princes, il y en a plein des comme toi ?Justement, c’est ce qui me fait peur.
Propos recueillis par Mathias Edwards
Siboy sera en concert le 6 octobre à Mulhouse, le 26 octobre à Lyon, et le 2 novembre à Paris. Allez-y, il fera chaud.