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Si Totti avait vraiment signé au Real
Fidèle à la Roma depuis toujours, Francesco Totti a pourtant eu plusieurs opportunités de la quitter, notamment en 2004 avec une offre du Real Madrid qu’il a d’abord accepté avant de se rétracter. Fiction.
La salle de presse du Santiago-Bernabéu est pleine à craquer, les photographes mitraillent, Francesco Totti et Alfredo Di Stéfano tiennent chacun une manche de la « camiseta blanca » sur laquelle est floquée le nom de l’Italien avec le chiffre romain X. « Comme ça, je conserve mon 10 » lâche-t-il avec un grand sourire. Pour la somme rondelette de 50 millions d’€, le Romain pur-sang a décidé de quitter son équipe de toujours et rejoint ainsi Raúl, Zidane, Figo, Beckham et Ronaldo pour une formation intergalactique.
Clin d’œil du destin
« Je suis venu ici pour gagner des titres, j’aime la Roma du plus profond de mon cœur, mais j’ai d’autres ambitions personnelles, et ici, je pense pouvoir couronner beaucoup de mes rêves. » Totti doit d’abord refaire une image ternie par le crachat sur Poulsen lors de l’Euro qui vient de se terminer. Malin, le service marketing madrilène lui dégote une publicité pour du bain de bouche. Tout est rentré dans l’ordre. Coach Camacho n’a que l’embarras du choix et opte pour un 4-2-3-1 composé de Casillas, Salgado, Samuel, Helguera, R. Carlos, Beckham, Zidane, Figo, Totti, Raúl et Ronaldo. Formation résolument offensive qui fonctionne, puisque c’est un 6-0 lors de la première sur le terrain de Majorque avec un but pour chaque star, comme ça pas de jaloux. Totti, lui, s’exécute d’une superbe feuille morte sur penalty et dédicace cette réalisation au « papy très gentil le jour de ma présentation. »
Les boules de l’UEFA sont d’humeur taquine et envoient le Real et la Roma dans la même poule de Ligue des champions. Dès la mi-septembre, Totti fait son retour à la maison. Problème, c’est la totale inconnue sur l’accueil qui lui sera réservé, mais le ton est donné avec le tifo de la Curva Sud, Totti y est représenté en Soupalognon y crouton, personnage d’ « Astérix en Hispanie » . Pour les ultras, ce départ est considéré comme une trahison, une banderole récite : « Ave Brutus » . Le reste du public est partagé, certains applaudissent, d’autres sifflent. Vers la fin de la première mi-temps, Totti s’apprête à tirer un corner lorsqu’une tranche de porchetta bien tendre lui est jetée. Tranquillement, il la déguste et envoie le coup de pied de coin sur la tête d’Helguera, qui décide de ne pas exulter par respect. En tribunes, tout le monde se regarde circonspect, personne ne se souvenant de son passage à la Roma sept ans plus tôt.
Zidanes y Pavones
Après une violente série de 15 victoires en autant de matchs, la première défaite arrive sur le terrain du Barça. C’est le début de la crise, la machine s’enraye, Camacho enchaîne quatre autres matchs sans recueillir sans le moindre succès. C’en est trop pour Florentino Pérez qui voit les ventes de maillot fléchir. Il le licencie et embauche Michel Pavon afin de rester fidèle à son slogan. L’ancien Bordelais applique ses méthodes et conseille à Totti de s’inspirer des mouvements de Laurent Battles. Surtout, il adopte une tactique plus équilibrée, Makelele fait son retour au mercato hivernal et compose le duo de milieux defs avec Gravesen. Il ne reste plus que quatre places devant, et Francesco se retrouve en concurrence avec Zidane, mais la fibre girondine l’emporte, et l’Italien est relégué petit à petit sur le banc. La saison du Real se termine avec une 3e place en championnat et un quart de Ligue déch’ contre le PSG de Semak.
Été 2005, énième révolution au sein de la Maison Blanche. Pavon est remercié et remplacé par Luis Aragonés, lequel est surpris par les caméras en train de chuchoter ceci à Totti lors du premier entraînement : « Tu vois Zidane ? T’es meilleur que lui, tu vaux quand même plus que ce marchand de tapis. » Dans un 4-4-2 très scolaire, le Romain est aligné en soutien de Raúl, et le duo fonctionne. Malgré quelques coups d’arrêt, les Madrilènes restent en course sur tous les fronts jusqu’au printemps. Francesco distribue les caviars et plante à tour de bras, c’est son année, on commence à parler de Ballon d’or jusqu’à une rencontre face à Getafe et une dure intervention de son compatriote Richard Vanigli. Fracture péroné-tibia, Zidane prend la suite, offre le championnat au Real, ainsi que la Coupe du monde à l’équipe de France. Retraite royale.
Tous les chemins (re)mènent à Rome
Après avoir rongé son frein, Totti retrouve les terrains durant l’été et s’apprête à disputer sa troisième saison madrilène, tout le monde s’est barré, Beckham au Vancouver Whitecaps, Raúl à l’OM, Figo au Benfica. Pérez n’est plus le président, Aragonés accepte un pont d’or qatari et Di Stéfano a passé l’arme à gauche le jour de la présentation de Planus. Capello débarque, le feeling est immédiat comme au temps de la Roma. Il a emporté Cassano dans ses valises. C’est une tuerie, buts à la pelle, spectacle et une Ligue des champions en battant le Barça en finale. Omar da Fonseca trahit son Barça bien aimé et chante, en transe, du Risoli après chaque réalisation madrilène : « Elles sont cuitas les bananas ! » Décembre 2007, cérémonie du Ballon d’or. Totti est grand favori, mais finalement devancé par le Blaugrana Alexander Hleb, élu en masse par les pays de l’Est.
Désabusé, il demande son transfert avec un seul objectif : retrouver la Roma devenue entre-temps une triste équipe de milieu de tableau. Le Real lui fait une fleur et le libère gratuitement à six mois de la fin de son contrat. Porteur du numéro 10, Gourcuff est refourgué aussi sec à Lorient pour faire place au retour de l’enfant prodigue. Ironie du sort, c’est un derby au programme pour son retour. Dans le couloir menant vers la pelouse, il croise Poulsen désormais pensionnaire de la Lazio. Les regards se croisent, pas un mot. Le match débute, le Danois pose ses boîtes, Totti ne bronche pas et plante ses pions. Triplé. 8 ans plus tard, il s’apprête à retrouver le Real en 8es de Ligue des champions, parce que même dans un monde parallèle, pour Totti, tous les chemins mènent à Rome.
Par Valentin Pauluzzi