«Si on est bons, pas besoin de gardien»
Mercredi 16 avril 2008, 11h30. Domenech reçoit seize représentants de la presse quotidienne régionale au siège de la FFF. Les interlocuteurs de Raymond ont traversé la France dans un but commun : servir la soupe au sélectionneur national. Au cœur d'une bouillie de questions taillées sur mesure par ses convives, le coach des Bleus sera tout de même parfois obligé de se mettre les doigts au fond de la gorge et de recracher des grumeaux d'infos. Quatre ans de fonction auront suffi à balayer Domenech le révolutionnaire. Raymond, avant d'être le mari d'Estelle, est plus que jamais la progéniture d'Aimé. Extraits.
Avez-vous en tête les 23 chanceux qui partiront en Suisse cet été ? Oui, à l’heure actuelle, j’ai mes 23 noms. Mais tout peut changer. Chaque semaine, je mets à jour cette liste en fonction de l’évolution des choses […]
Vous avez évoqué la possibilité d’avoir recours à une liste élargie. L’expérience de 1998 a montré que les « écartés » de dernière minute, à l’instar de Nicolas Anelka, avaient du mal à s’en remettre… Mais de quoi se souvient-on de 1998 ? Que les Bleus ont conquis le titre de champions du Monde. Pas que certains ont vécu un moment dramatique de leur carrière. Et entre l’individu et le collectif, je ferai comme Aimé Jacquet, je choisirai le collectif.
Moi, quand j’étais joueur, si on m’avait parlé d’un groupe élargi, j’aurais été capable de couper l’autre en deux à l’entraînement, même si c’était un copain.
Chimbonda, Rami, Jurietti, etc. C’est très drôle, mais au fond, ça sert à quoi ? La convocation de Rami montre qu’il y a un vrai dialogue entre l’Equipe de France et tous les clubs français. La fonction des A’, c’est de faire des essais, de pouvoir trouver des solutions pour établir la liste du 18. Pour Chimbonda, ce n’était pas un mauvais choix. Il a rempli son rôle de remplaçant. Il n’y a qu’à voir ses performances en Angleterre…
Justement, son niveau ne semble pas avoir baissé. Quelles sont les raisons de sa brutale mise à l’écart post-Mondial ? Il y a d’autres solutions à son poste, d’autres joueurs se sont révélés.
Concernant le poste de gardien, Steve Mandanda a crevé l’écran cette saison. Cela lui permet-il de postuler à un billet pour l’Euro ? Les gardiens, j’m’en fous, c’est Bruno Martini qui s’en occupe. Il me donne son avis et ensuite on en discute. Actuellement (au 16 avril), l’ordre, c’est 1-Coupet 2-Landreau 3-Frey. De toute façon, si on est bons, on n’a pas besoin de gardien !
Seriez-vous capable d’emmener Thierry Henry sans en faire un titulaire ? Les bonnes saisons conjuguées de Benzema, Anelka et Trézéguet inciteraient en tout cas à l’écarter de l’axe de l’attaque des Bleus. A l’heure actuelle, Titi est irremplaçable. C’est le meilleur buteur de l’histoire et il a marqué des buts décisifs pendant les éliminatoires. Titi a besoin de courir, de se déplacer. C’est lui qui fait le plus de sprints dans un match. Le figer le long de la ligne, c’est un problème pour lui et pour l’équipe. Il n’est pas fait pour ça. Pas avec nous en tout cas.
Où se situe David Trézéguet dans tout cela ? Dans la liste des 43 que j’ai retenus pour le dernier rassemblement (contre l’Angleterre et le Mali).
Interlude : le président de la Fédé Jean-Pierre Escalettes se joint au déjeuner et pose son postérieur à la droite de Domenech. Un speech sur la perspective d’organiser l’Euro en 2016 en France, un grand verre de Roc de Calon 2004 (le vin du président de Libourne, Bernard Laydis), et la fête peut continuer.
Un mot sur la fameuse « affaire de la banderole » ? On lutte contre la connerie en général. Pour y parvenir, faut les (les auteurs, ndlr) sortir du stade. Le club ne doit pas être sanctionné, c’est une affaire de police. La police doit pouvoir rentrer dans les stades. Au-delà de ça, il y a également la responsabilité individuelle. Quand on rentre dans un stade, on a un devoir, c’est de dénoncer. Après, y aura plus besoin de la police.
Et les arbitres ? Les arbitres français ne sont pas pires qu’ailleurs… Enfin, ils sont « aussi bons » qu’ailleurs. L’arbitrage français est à l’heure actuelle victime de ses querelles intestines.
Quelle est votre principale qualité ? La ténacité, peu importe le contexte, je suis quelqu’un de persévérant.
Et votre plus gros défaut ? Je n’en ai pas, à moins que la mauvaise foi soit considérée comme un défaut.
On connaît votre penchant pour l’astrologie mais on ignore tout de votre rapport à la religion… La religion, c’est comme la politique, ça n’a rien à faire dans le football. Moi, mon Dieu, c’est le football.
Quels seront les objectifs de la France lors de cet Euro ? Il n’y a qu’un seul objectif : gagner. Tout ce qui n’est pas une victoire est un échec.
A titre personnel, que ferez-vous si cet objectif n’est pas atteint ? Je n’envisage pas ce scénario pour l’instant.
Matthieu Pécot
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