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Si les footballeurs étaient des chansons de Gainsbourg
Né le 2 avril, Serge Gainsbourg n'était pas réputé pour être un grand sportif. Lui, c'était plutôt les femmes, et ses Gitanes n'avaient rien à avoir avec André-Pierre Gignac. Mais entre ses hymnes à l'amour, ses mélodies enjouées, son écriture automatique et ses références, difficile de ne pas attribuer quelques-unes de ses plus grandes œuvres à certains footballeurs…
Par hasard et pas rasé
Début des années 70, Gainsbourg assume enfin son côté dandy débraillé et s’affiche comme tel à droite à gauche. Pas rasé, cheveux hirsutes, il pose dans ce clip, installé sur un tabouret, à l’aise. Contrairement à ses débuts dans la musique, il ne semble plus spécialement intimidé : fini le trac, Gainsbourg est sûr de lui et de ses principes. Dans la chanson, il se fait néanmoins souffler la vedette par un « para qui les tombe toutes » , le tout sur une ballade lors de laquelle Gainsbourg prouve tout de même un talent évident. Tout ça sonne un peu Éric Cantona du début des nineties qui, en plus d’aligner les titres et les chefs-d’œuvre avec Manchester United, commence à passer du côté de la culture. Le « para » , ici, c’est Alan Shearer, à qui aucun filet ne résiste et qui règne sur le classement des buteurs trois années durant.
Ex-Fan des sixties
Quand on la chantonne, la nostalgie n’est jamais bien loin. Il suffit d’entendre la première note pour penser à tous ces héros des sixties morts depuis. Les Beatles, les Doors, les Animals… les filles en étaient fans, mais les mecs aussi ! La montée d’un ton en fin de morceau peut évoquer une fin de carrière fracassante, le tout soutenu par une basse dont l’efficacité est absolument indispensable à la bonne tenue de la chanson. Ex-Fan des sixties, c’est une petite boîte à musique qu’on remonte, c’est toujours la même ritournelle, mais qu’est-ce qu’elle est belle à entendre, y a rien à dire. Un peu comme Andrea Pirlo. Coupe à la Beatles, il rend dingue les deux sexes, il a toujours pu compter sur une base à la Gattuso pour le soutenir et il connaît une putain de fin de carrière à faire moduler Jane Birkin.
La Javanaise
« Sha-la-la-dam » . Présents durant tout le morceau, les chœurs donnent la sensation d’une équipe, d’un groupe soudé et capable de belles prouesses. Derrière, la mélodie connaît un envol mis notamment en évidence par les violons. Progressivement, Gainsbourg amène sa Javanaise vers l’apothéose du morceau avant une superbe retombée, même si finalement un peu dure : « La vie ne vaut d’être vécue sans amour / Mais c’est vous qui l’avez voulu mon amour » . Longtemps au purgatoire du succès, la chanson en est finalement sortie et a été littéralement adulée par le public. C’est actuellement celle qui rapporte le plus de droits aux héritiers de Serge. Un peu comme la génération 95 à l’Ajax. Emmenée par les jeunots Kluivert, Davids, De Boer, mais surtout entourée par Frank Rijkaard, qui venait de connaître le triomphe en Europe avec le Milan AC et qui vivait ainsi sa propre retombée finale au sommet. Le tout en trois temps : Champions League 95, bel Euro 2000 avec les Pays-Bas et doublé 2005-06 au Barça. Trois temps, comme La Javanaise.
Du jazz dans le ravin
« Écoute, C’est toi qui conduis ou moi ? C’est moi, bon alors tais-toi » . Fille, arrogance et machisme. « Y a du whisky dans la boîte à gants, Et des américaines, t’as qu’à taper dedans » . Alcool, drogue, excès. « Écoute un peu ça, poupée, T’entends ? Mon air préféré, Mets-moi la radio un peu plus fort » . Musique, volume à fond, jouissance. « Juste avant Monte-Carlo, C’est ça, c’est ça c’est l’manque de pot, V’là qu’la Jaguar fait une embardée » . Richesse, vitesse, accident. Le tout ponctué par la mort. Cette histoire, c’est celle de Diego Buonanotte. En 2011, l’Argentin avait ainsi envoyé trois potes de l’autre côté à la sortie d’une discothèque. Problème qui n’aurait pas pu arriver à Gainsbourg : il n’avait pas le permis.
L’Anamour
« Tu sais ces photos de l’Asie, (…) leurs couleurs vives ont pâli. » Quand Dennis Bergkamp renonce à l’équipe nationale des Pays-Bas en juillet 2000, il quitte une génération pétrie de talent qui vient d’échouer d’un penalty en demi-finale de son Euro 2000 contre l’Italie. Malheur en Hollande où les fans vont voir la bande à Kluivert, Davids et Van Nistelrooy échouer lamentablement en éliminatoires de la Coupe du monde 2002 et donc garder un goût amer de ce Mondial coréo-japonais. Écrite en 1968, L’Anamour est une ballade orchestrale remplie d’associations de sonorités, le tout ficelé par une écriture automatique. Tout semble se suivre de la manière la plus normale, comme un contrôle de balle, un geste technique sur Dabizas, une reprise de volée contre l’Argentine… Du pur Bergkamp. Et si « Aucun Boeing sur mon transit… » n’est pas pour lui, c’est pour personne.
Sea, sex and sun
Avant d’atteindre le statut inoubliable de chanson du générique des Bronzés, Sea, sex and sun est à l’origine un morceau « torché en deux minutes » par Serge Gainsbourg. Étant un tube d’été qui se revendique d’ailleurs comme tel, la chanson peut faire penser à un Mondial réussi l’espace d’un été magique (Toto Schillaci ?). Avec les gémissements des filles, on imagine des culs ensablés, et Ronaldo autour. « Le soleil au Zénith » pour faire le lien avec le St Peter’ de Hulk le Brésilien ? Non, le disco, mis en évidence par les claviers et des percussions bien enjouées, rappelle sans aucun doute Ronaldinho. Et tout le reste aussi, en fait.
Le Poinçonneur des Lilas
Au rythme des contretemps infernaux du balai qui rappelle la mécanique du métro, le poinçonneur des Lilas s’ennuie à souhait. Au quotidien dans sa tâche, il réalise toujours le même boulot qu’il trouve dégradant. L’homme a des rêves : il veut voir « le ciel » , sortir de son souterrain. Pour cela, le contrôleur peut compter sur un certain talent : déjà, il lit (le Reader’s Digest), il a un vocabulaire soutenu et surtout il sait qu’il peut se retrouver à la lumière. Mais c’est impossible, un contrôleur ne voit jamais la lumière : il n’arrivera donc jamais à sortir de son trou et finit même par se suicider. Être doué, vouloir être le meilleur, foirer sa carrière au point de se vautrer dans les sous-sols de Hull City malgré la lecture de Nietzsche, Hatem Ben Arfa a trouvé sa reconversion.
Je suis venu te dire que je m’en vais
« Et tes larmes n’y pourront rien changer » . Le 2 janvier 2015 sera à jamais synonyme de cataclysme pour tout Scouser qui se respecte. C’est ce jour-là que, ouais, à regret, Steven Gerrard est venu dire qu’il s’en allait. Sans proposition de contrat, Steven a décidé d’avancer, sans regret, et rien ne pourra changer. « Tu t’souviens des jours anciens et tu pleures. Tu suffoques, tu blêmis à présent qu’a sonné l’heure » . De Dortmund 2001 à Istanbul 2005, Gerrard aura été aussi important qu’il va manquer dès septembre 2015. Cependant, tous les deux temps, la batterie du musicien de Gainsbourg enfonce un nouveau clou dans le cœur de chaque supporter red en rappelant sa glissade face à Demba Ba ou encore son rouge précoce d’Old Trafford.
Ces petits riens
Au départ anonyme tant elle est entourée de titres forts (Couleur café, Pauvre Lola, Les Sambassadeurs), la chanson Ces petits riens a séduit par son rythme bossa-nova qui lui a donné une place importante dans l’œuvre de Gainsbourg. Un peu comme Frank Lebœuf au milieu des stars tricolores qui a pu se fier à ses longues balles et à son sang-froid sur penalty pour choper sa place. La référence des Petits Riens à La Javanaise à travers les paroles – « Mais vous, vous n’avez rien / Dans le cœur et j’avoue… » – peut être vue comme un aveu de jalousie par rapport à son homologue qui a encore mieux réussi. Bah, c’est vrai que Laurent, Lilian et Marcel ont un palmarès encore un peu plus fourni.
Vieille canaille
Reprise d’un vieux standard de jazz écrit par Sam Theard en 1931, la version de Gainsbourg en duo avec ce bon vieux Eddy Mitchell est à classer dans les moments mythiques de la télévision française. Sur la scène, un Gainsbourg mal à l’aise en costard doit composer avec un swinger qui n’attend que ça et qui vit sur la scène comme un poisson dans l’eau. Ils se cherchent l’un l’autre, mais c’est Gainsbourg qui se fait tirer sa femme par Eddy, il y a donc une fameuse rivalité, le tout sur une musique Broadway entraînante à souhait et de plus en plus intense. Les insultes qu’ils se lancent chacun peuvent correspondre à des attaques dans la presse qui nous amènent à penser à cet immoral John Terry et ce pauvre cocu de Wayne Bridge.
Je t’aime… moi non plus
Merveilleux hymne à l’amour physique, bien que très osé, Je t’aime… moi non plus monte progressivement en intensité jusqu’à l’extase finale. Gainsbourg a écrit ce morceau en une nuit pour Brigitte Bardot, qui lui demandait « la plus belle chanson d’amour » . Enregistrée au studio Barclay, la chanson des amoureux n’aura pas le temps d’être publiée que BB demande à Sergio de la censurer. Un an plus tard, désormais avec Birkin, Gainsbourg retente l’expérience, l’Anglaise chante une octave plus haut : c’est une réussite, le morceau est plus intense, il se retrouve en tête des hit parades en Angleterre. Début des années 2000 à Porto, José Mourinho commence à tisser sa toile autour de Deco. Mais après la victoire en Champions League, les deux hommes se séparent, et le Special One s’en va en Angleterre pour reproduire son système en mieux, et avec Frank Lampard.
Par Émilien Hofman