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Si Franz avait signé à Munich 1860…

Par Côme Tessier
6 minutes
Si Franz avait signé à Munich 1860…

Alors qu'il s'apprête à s'engager avec le grand club de Munich, Franz n'apprécie pas une baffe reçue et part s'engager avec le Bayern. Mais si cet épisode n'avait pas eu lieu ? Si Beckenbauer avait pris fait et cause pour 1860 à 14 ans ? La face du football en aurait-elle été changée ?

Franz Beckenbauer n’a qu’un seul club qui lui tienne véritablement à cœur : le TSV Munich 1860. Depuis sa plus tendre enfance, il est fan du maillot bleu et blanc. Il ne jure que par lui. Après avoir réussi un bon match, paisible, avec son SC Munich 1906 contre les moins de 14 ans de 1860, le petit Franz franchit donc le Rubicon. Il s’engage avec les jeunes lions. Il joue alors buteur et terrorise les défenses adverses. Toutefois, il prend goût à l’opposition, à la science du placement et recule progressivement. Il cède surtout du terrain à la concurrence offensive dans le riche effectif des Löwen. À 18 ans, il fait ses débuts dans la toute nouvelle Bundesliga, en fin de saison 63/64. 1860 fait une saison décevante, malgré l’habileté du buteur maison Rudi Brunnenmeier. Il manque encore un grand attaquant à cette équipe. Beckenbauer fait des pieds et des mains pour tenter de convaincre un jeune de Nördlingen de signer avec 1860, Gerd Müller. Celui-ci refuse. Il préfère rejoindre Sepp Maier chez le promu, le Bayern Munich : « C’est une équipe élégante – et je suis un homme élégant. » Entre les lignes, la grande rivalité entre les deux géants munichois s’annonce.

Premiers titres…

En 65/66, Beckenbauer gagne son premier titre, la DFB-Pokal. La troisième saison est véritablement la bonne pour le milieu de terrain. Il s’installe dans le onze de départ de l’entraîneur Max Merkel. À l’arrivée, les Löwen remportent la Bundesliga. La place de l’hôtel de ville est noire de monde en bleu et blanc. La bière – et pas n’importe laquelle, celle aux bonnes couleurs munichoises – coule à flots. Les Löwen sont donc maîtres chez eux. Mais la lutte a été intense : pour la première fois, les Bleus ont joué contre les Rouges en championnat et ils ont souffert. Le Bayern, jeune promu, n’est pas loin de faire la nique à 1860. Cette équipe profite notamment d’une attaque folle, et équilibrée. Aucun de ses joueurs ne finit dans le top 10 des meilleurs buteurs, mais l’ensemble termine 4e meilleure attaque. Tout ce qui manque aux Rouges, c’est une certaine solidité. La défense laisse passer trop de choses, comme s’il y avait un chaînon manquant dans les rouages. Néanmoins, l’année suivante, rebelote : 1860 et Beckenbauer gagnent aux forceps. Cette fois-ci, l’adversaire coriace est l’Eintracht Brunswick. Mais sur la pelouse adverse, les Lions tiennent miraculeusement le nul. Suffisant pour que la bande à Horst Küppers, meilleur buteur du club, puisse s’octroyer un deuxième Meisterschale consécutif. À cette époque, les dirigeants de 1860 veulent alors faire du ménage pour continuer d’axer leur stratégie sur les jeunes : Reich, Wagner et Küppers sont vendus. Le Kaiser fait la tronche, mais prend sur lui, au nom de l’amour pour son club.


… premiers échecs

C’est l’heure des grands affrontements épiques à Munich, entre deux monstres qui se retrouvent en faisant grise mine en Nationalmannschaft : Gerd Müller et Franz Beckenbauer. Pendant cinq ans, les deux clubs se rendent coup pour coup. Un jour, Müller et Maier prennent l’avantage, le jour suivant Beckenbauer et Hoeneß tiennent leur revanche. C’est l’heure du partage des titres, même si 1860 souffre de plus en plus d’une gestion calamiteuse en interne. Munich est divisé en deux. Le derby munichois devient la figure de proue de la Bundesliga, en plein essor économique. Bild symbolise cette dualité par un croquis de la Frauenkirche surplombée par deux ballons à la place des dômes. Puis viennent les années 70. Un troisième larron vient mettre des secousses dans le cocotier de la Bundesliga : la « bande à Netzer » , ou « groupe Netzer-Bonhof » . Alors que la Coupe du monde 74 approche et doit couronner l’Allemagne fédérale et sa social-démocratie, tous les enfants allemands se posent la même question dans les cours de recré : plutôt Müller, Beckenbauer ou Netzer ? Plutôt Tip, Tap ou Top, comme les noms des trois garçons mascottes de la WM 74 ? En somme, plutôt de gauche, tradi ou libéral ? Les médias se régalent. Bild fait ses choux gras de rumeurs extravagantes sur les soirées à Munich et les saillies entre les joueurs. Tout cela reste toutefois bon enfant, jusqu’au terrible moment de la discorde, en mai 74. Pour la première fois de sa carrière, Franz Beckenbauer est dépassé au cours d’un match et fait un mauvais geste. Il coince la jambe de Gerd Müller. Le genou ne résiste pas. À un mois de la Weltmeisterschaft, le coup est fatal. Le buteur est forfait. Chez elle, l’Allemagne devient méconnaissable, loin de son Euro parfait deux ans auparavant. La RDA gagne à Hambourg. L’ambiance tourne au vinaigre. Le deuxième tour est un échec. La voie est libre pour les Pays-Bas, qui ne se font pas prier et remportent leur première Coupe du monde.

Munich dans le rang, l’Allemagne attend

Sans Gerd Müller, en convalescence presque toute la saison, le Bayern accuse le coup et redescend à l’étage inférieur. Munich 1860 n’est pas loin de subir le même sort. Il faut un Beckenbauer d’exception pour maintenir son équipe de toujours à bout de bras, dans les tréfonds du classement. Munich n’est plus dans le coup. Cologne et Mönchengladbach ont pris le relais de la grande rivalité. C’est l’heure de la réconciliation. Franz Beckenbauer et Gerd Müller tournent une pub pour du lait ribot qui fait date. Le voyage vers l’Argentine peut se faire avec de grands espoirs. D’ailleurs, la compétition est réussie par l’Allemagne. Franz Beckenbauer multiplie les ouvertures pour Gerd Müller. La complicité entre les deux hommes étonne les équipes adverses. L’Allemagne va ainsi jusqu’en finale… mais perd dans une ambiance très étrange, malsaine et militaire. Le capital sympathie pour « Franzi » n’en est que plus grand. Ainsi que pour son club. Même si le Bayern revient fort en Bundesliga, avec une puissance financière que 1860 n’arrive pas à suivre. Le duel devient celui entre le meilleur centre de formation d’Allemagne, qui révèle libéro sur libéro dans sa grande tradition après Beckenbauer, et le club le mieux géré financièrement. Ce sont deux visions du football allemand qui continuent de s’affronter à 500m l’une de l’autre, de la Säbener Straße à la Grünwalder Straße. Les titres sont majoritairement pour le Bayern. Le public de Munich s’affirme davantage en faveur des Lions.

2006, année du renouveau

Il reste néanmoins quelques anicroches. En 1990, sélectionneur de l’Allemagne, Franz Beckenbauer boude quelques défenseurs majeurs du Bayern dans sa sélection finale. Son équipe joue l’attaque. Elle est belle à voir jouer, mais perd encore une fois en finale contre une Argentine plus roublarde. Beckenbauer est plus que jamais un perdant magnifique. Il faut attendre encore plus de dix ans pour que l’équipe nationale allemande trouve son équilibre, entre arrogance bavaroise et insouciance munichoise. Pour la Coupe du monde 2006, lors de l’officialisation de l’organisation cédée à l’Allemagne, Gerd Müller et Franz Beckenbauer posent ensemble. Ils signifient ainsi la fin des conflits passés, l’esprit de concorde et d’union. Dans le creux de son oreille, Franz prévient Gerd : « On vient de récupérer un petit gars, un certain Philipp, tu vas voir. En 2006, ce sera la star. Il mènera 1860 et l’Allemagne au titre. C’est dommage pour vous. C’est un grand fan du Bayern. Mais les trous dans vos filets à l’entraînement l’ont fait fuir. » Quelques année plus tard, grâce à son jeune latéral offensif, l’Allemagne gagne le plus grand des trophées pour la deuxième fois seulement de son histoire. À domicile. Enfin. 52 ans après Fritz Walter, la première idole de Beckenbauer.

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En déplacement, l’Allemagne et les Pays-Bas déçoivent
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