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« Si Álvaro veut un taureau à son nom, il est le bienvenu »
Il existe un endroit où Brandão, Thauvin, Herbin, Larqué ou encore Anigo broutent de l'herbe tous ensemble. On ne parle pas d'une pelouse de Ligue 1, mais de celle des prairies de la manade Didelot-Langlade en Camargue où les taureaux sont nommés en l'honneur de joueurs de foot. Le dernier en date : Renaud Ripart, qui a même reçu la visite de son homonyme du Nîmes Olympique. Supporter des Verts pour l'un et de l'OM pour l'autre, mais Nîmois avant tout, Daniel Didelot et Benjamin Bini expliquent comment ils en sont arrivés là.
Pourquoi donnez-vous des noms de joueurs de football à vos taureaux ? Nous sommes éleveurs de taureaux en Camargue, mais passionnés de foot depuis toujours. Daniel a suivi toute l’épopée des Verts, c’est un pur Stéphanois. S’il ne s’était pas cassé la jambe, il serait allé à la finale à Glasgow. Moi, je suis marseillais de naissance. J’y ai grandi pendant les années Tapie, et je suis toujours abonné au Vélodrome. Dans le monde des taureaux, on donne souvent des noms de voiture, de poisson ou des surnoms aux bêtes, ou pour faire plaisir à des gens qui nous appellent. Nous, on aime le foot. C’est ainsi que Daniel, en bon supporter des Verts, a commencé en 2006 avec Larqué et Piazza. Puis il y a eu Janvion, Ćurko ou plus récemment Herbin. Ensuite, j’en ai appelé Anigo, Thauvin, Brandão, Sanson… L’an dernier, je voulais en baptiser un « Porto » pour Villas-Boas. Pour l’instant, je n’ai pas encore fait de joueurs de 1991 et 1993, car je suis plus sur la génération actuelle. Mais un jour, on aura un taureau Boli, un taureau Papin… Promis.
Dernièrement, vous avez surtout nommé une bête en l’honneur de Renaud Ripart, le capitaine nîmois. Qui a eu l’idée ?On suit le Nîmes Olympique parce que c’est le club de chez nous, j’habite à cinq minutes des Costières. Bref, un ami nous a suggéré de nommer un taureau en l’honneur d’un joueur du NO. Ça nous a plu, de suite. On a choisi Renaud Ripart, le capitaine. Déjà parce que « Ripart » est plus facile à prononcer pour un taureau que « Briançon » , par exemple. On n’a pas de Rocheteau, ou d’Aubameyang : c’est trop long, pour un taureau. Et puis, Ripart est un symbole. Parce qu’il a fait toutes ses classes à Nîmes, il se dépouille sur le terrain. C’est un battant qui joue à tous les postes pour le club, il méritait d’avoir un taureau à son nom.
Et Ripart le taureau, quelles sont ses qualités ? C’est un crack ?Il a fait ses preuves dans les catégories inférieures, il dispute aujourd’hui le trophée de l’avenir. Il est prometteur, donc, mais il doit confirmer. Avec les taureaux, ce n’est pas comme avec un joueur de foot, on ne peut jamais trop prévoir. Des fois, ils montrent de belles aptitudes. Puis du jour au lendemain, ils s’arrêtent sans qu’on ne sache pourquoi. Pour l’instant, Ripart est insaisissable et pose des problèmes aux raseteurs (principaux acteurs d’une course camarguaise dont le but est d’attraper une cocarde accrochée aux cornes de l’animal, NDLR). Maintenant, il faut répéter ces performances dans la catégorie du dessus, c’est comme passer du National à la Ligue 1.
Le fameux Renaud Ripart, en vrai.
Renaud Repart est venu rencontrer son homonyme taureau…On l’a contacté par un ami commun. On sait qu’il est passionné de tauromachie, espagnole ou camarguaise. On lui a dit qu’on allait donner son nom à un taureau, et on lui a demandé s’il voulait venir le baptiser. Il a dit oui de suite. Il est venu à la manade, a fait un tour, puis on a sympathisé, il est vraiment très abordable. Ensuite, il est revenu avec d’autres joueurs de Nîmes passer une après-midi à la manade. Lucas Deaux, Baptiste Reynet, Nolan Roux… Ils ont découvert notre univers, et on a pu discuter du leur avec eux. Depuis, Ripart vient de temps en temps à la manade. On doit aller faire du cheval, à la fin de la saison.
Qui sont les prochains joueurs de foot qui auront un de vos taureaux à leur nom ?Ce seront certainement des Stéphanois ou des Marseillais, c’est sûr. D’ailleurs, je sais qu’à l’OM, Álvaro González aime la tauromachie. Alors, je lance l’appel : si Álvaro veut un taureau à son nom, il est le bienvenu et il pourra venir le baptiser avec grand plaisir ! On est la seule manade à avoir des taureaux qui portent des noms de joueurs. Après 1998, on croisait quelques Zidane ou Zizou dans les arènes, mais ça s’est essoufflé. Il faut savoir qu’on ne nomme les taureaux que lorsqu’ils courent au plus haut niveau. Nous, sur 350 bêtes, on en a nommé une trentaine. Sur ces trente, une bonne douzaine portent des noms de footeux. Ça se fait au feeling, au dernier moment. Même si souvent, les noms marseillais vont aux taureaux accompagnateurs et pas aux stars. Pour les stars, Daniel prend des noms de Stéphanois. Là, on pense faire un sondage auprès des supporters pour nommer un autre taureau en l’honneur d’un joueur du Nîmes Olympique. Ça serait drôle pour eux d’entendre « Ripart » et « Nolan Roux » cet été, dans les arènes. Il faut un nom qui plaise, et qui sonne bien quand le speaker l’annoncera.
Et donc vous avez un taureau Brandão, ça fait peur !Alors non, pas du tout. Parce que Brandão, c’est un taureau accompagnateur. Il est tout calme, et je peux vous assurer qu’il ne met pas de coup de tête à la sortie du tunnel.
Pour revenir au ballon rond, le Nîmes Olympique va devoir prendre le taureau par les cornes pour éviter la relégation. Vous avez forcément un conseil à leur donner ?Prendre le taureau par les cornes, ça veut dire qu’il faut surpasser une peur. Pour ça, venir dans l’arène avec un taureau, ça forme. Mais au sens propre, la seule fois où on leur tient vraiment les cornes, c’est pour les marquer quand ils sont petits ou pour leur mettre la cocarde avant une course camarguaise. Mais je ne pense pas que nos Crocos aient besoin de conseils, on voit bien qu’ils ne lâchent rien, même s’ils n’ont pas eu beaucoup de chance sur les derniers matchs. À la limite, là où on peut leur être utile, c’est sur des moments de vie comme celui vécu avec Renaud Ripart qui a ramené ses coéquipiers à la manade. Ce genre d’après-midi crée du lien entre les joueurs, ça renforce leur relation de découvrir le patrimoine local. Peut-être que grâce à ça, ils se maintiendront.
En plus du maintien, le sujet brûlant à Nîmes est la fermeture du centre de formation du club décidée par le président Rani Assaf. Quand on est manadier, on est formateur. Vous pensez quoi de cette décision ?Il ne faut pas le fermer, surtout pas à Nîmes où beaucoup de joueurs sont sortis du centre et portent l’équipe depuis sa remontée en Ligue 1. Ce serait dommage d’aller acheter des joueurs alors qu’on a de quoi faire ici. À la manade, on forme des taureaux et je forme des raseteurs : former des locaux, c’est la base. Surtout que les jeunes du coin respectent plus le maillot et la région, avoir des joueurs du cru est un plus. Le meilleur exemple, c’est Ripart : notre capitaine est très apprécié dans la région parce qu’il se bat pour le club, parce que justement c’est SON club. C’est important, surtout ici, où le public assez chaud aime les locaux qui se battent pour le maillot.
Ce week-end, Saint-Étienne et l’OM s’affrontent. Vous allez le regarder ensemble ?Non, c’est difficile à cause des contraintes sanitaires. Mais on va s’envoyer des messages, et lundi matin, s’il n’y a pas eu de match nul, c’est sûr qu’un de nous deux va en prendre plein la tête.
Quel est le plus important : que Renaud Ripart et le NO se maintiennent ou que Ripart le taureau gagne des courses camarguaises ? Ah… Euh, les deux. On a un peu plus de prise sur le taureau parce qu’on choisit les arènes où il court et c’est notre travail quotidien, donc ça nous touche peut-être un peu plus. Mais si Nîmes descend, ce serait dur à vivre. Après, pour le taureau, c’est difficile de progresser cette année parce que beaucoup de courses sont annulées à cause de la pandémie. Comme c’est difficile pour le NO, sans son public. Ils sont à égalité, on va dire !
Propos recueillis par Adrien Hémard