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- 10 ans de foot vus par So Foot
- Joueur de l'année 2004/2005
Sheva de soi
Andriy Mykolayovych Shevchenko. Un nom compliqué, mais un football simple. Simple et beau, rapide, puissant, adroit, avec lequel l'ancien prodige du Dynamo a mis l'Europe à ses pieds au début des années 2000. Entre consécration et désillusion, retour sur la saison la plus folle du joueur qui faisait craquer vos copines. Et vos sœurs, aussi.
Certains l’écrivent Chevtchenko. D’autres, Ševčenko, ou Schewtschenko. On l’écrira ici Shevchenko. Parce que c’est le nom inscrit sur la célèbre tunique rouge et noire du Milan AC. Parce que c’est à San Siro qu’il a conquis des cœurs, cassé des reins et joué son plus beau football. Notamment en cette saison 2004-2005. Champion d’Italie et capocannoniere quelques semaines auparavant, Sheva regarde la Grèce remporter l’Euro portugais devant sa télé. Sevré de compétitions internationales à cause d’une sélection bien trop faible pour lui, il ronge son frein en épousant son mannequin de femme et en préparant attentivement la reprise du Calcio. La cinquième depuis que le petit gars de Dvirkivchtchyna – ce charmant village à 150 km de Tchernobyl – a quitté son Ukraine natale pour le Milan. Premier match officiel de la saison : les Rossoneri affrontent une Lazio au bord du gouffre pour la Supercoupe d’Italie. Andriy balance deux reprises de volée et signe un coup du chapeau, Milan l’emporte 3-0. À la fin de l’été, Shevchenko va sur ses 28 ans, et rien ne semble pouvoir l’arrêter.
Blokhine, Belanov et lui
En championnat, le bloc de l’Est – le Shev a toujours bien aimé soulever son maillot et montrer ses pecs – entame l’exercice 2004-2005 comme le précédent. À savoir sur un rythme supérieur à un but tous les deux matchs. En Ligue des champions, il score contre le Celtic, score contre Barcelone et offre des caviars face à ses compatriotes du Shakhtar, permettant à Milan de se diriger vers une qualification facile. Maldini l’adore, Inzaghi l’adule. Assez rare pour le souligner. La fin de l’année civile approche, et Shevchenko ne s’arrête pas de dédier des pions au petit Jordan, né de son union avec Kristen Pazik. Jordan qui, soit dit en passant, aura pour parrain Silvio Berlusconi – Sheva est un homme de goût. Mais Sheva pense aussi à lui. Pour Noël, il se voit bien poser sur sa cheminée un joli Ballon d’or. Alors certes, beaucoup d’observateurs affirment que la gonfle la plus prisée du monde sera pour Deco, vainqueur de la C1 avec Porto et finaliste de l’Euro en sélection. Mais les vrais savent que Shevchenko a deux Portugais dans chaque jambe. Et finalement, le talent paie. Après avoir fini troisième en 1999 et en 2000, le « Ronaldo blanc » , comme le surnommait son défunt mentor Valeri Lobanovski, est sacré meilleur joueur du monde sur le plateau du Grand Journal, en compagnie d’un Michel Denisot de gala et de Miss France 2005. L’apothéose.
Istanbul, pas vraiment un miracle
Seulement voilà. Quand on arrive en haut de la montagne, il faut tôt ou tard en redescendre. En février, quelques jours avant le 8e de Ligue des champions contre United, il se fait défoncer la pommette face à Cagliari. Bilan : une fracture, une opération, et plus d’un mois d’arrêt. Heureusement, Hernán Crespo fait le taf face aux Red Devils, et le numéro 7 rossonero peut signer son grand retour en quarts contre le rival intériste. À l’aller, Shevchenko est déchaîné, et place un coup de boule en fin de partie pour le 2-0. La pommette va mieux, le Milan aussi. Au retour, six jours plus tard, Sheva crucifie Toldo d’un bijou du gauche en première période, et rejoint ainsi Giuseppe Meazza en tête des meilleurs buteurs de l’histoire du derby de la Madonnina. Dégoûtés, les supporters de l’Inter font arrêter le match en balançant un fumi sur ce pauvre Dida. Milan s’impose 3-0 sur tapis vert, sort le PSV en demi et veut décrocher un deuxième titre européen en trois saisons. D’autant plus que la Juve a déjà plié – les mauvaises langues diront « acheté » – la Serie A. Avant la grande finale face aux Reds, Sheva en est à 26 buts en 39 matchs. Nous sommes le 25 mai 2005. Il est un peu plus de 23 heures, et le « miracle » d’Istanbul a déjà eu lieu. Liverpool mène 3 tirs au but à 2, quand Shevchenko se présente face à Jerzy Dudek. S’il marque, l’Ukrainien donnera une chance à Dida d’arrêter le penalty suivant. Il donnera une chance à Milan de remporter une nouvelle C1 et pourra prétendre légitimement à un second Ballon d’or consécutif. En 2003, face à Buffon, il n’avait pas tremblé. Mais c’était en 2003.
Par Clément Chaillou