- International
- Chine
Shaolin Soccer, l’avenir du football chinois
Alors qu'elle compte plus d'un milliard d'habitants, la Chine n'arrive toujours pas à aligner une équipe de onze joueurs qui fasse rêver. Pour que le pays devienne une superpuissance du football, l'école Tagou, près du monastère Shaolin, a donc décidé d'ouvrir une section foot. Le but : mieux jouer grâce aux arts martiaux.
« Les Chinois ont obtenu les JO d’été à Pékin en 2008 et organiseront les JO d’hiver en 2022. Il y aurait une certaine logique à ce qu’ils obtiennent à brève échéance l’organisation d’une Coupe du monde de football. Mais après, la gagner, c’est une autre histoire… » , décryptait l’économiste du sport Jean-Pascal Gayant dans les colonnes des Échos. Certainement piqué dans son orgueil à la lecture de cette presse, le président chinois Xi Jinping a compris le rôle très puissant du football. Suffisamment pour vouloir faire de la Chine une superpuissance de ce sport d’ici 2050. Problème, son pays est actuellement à la 84e place du classement FIFA, calé entre le Guatemala et le Kenya. À part une participation au Mondial 2002 ponctuée de trois défaites et aucun but marqué, la sélection nationale n’a pas franchement l’occasion de briller. Alors si la Super League commence peu à peu à attirer des grands noms – pour l’instant plus pour les chèques que pour la beauté du jeu –, le vrai travail à fournir est dans la formation des jeunes. Le projet le plus créatif se trouve à Zhengzhou, dans la province du Henan, à 600 kilomètres au sud-ouest de Pékin. Là-bas, l’école Tagou, une des plus grandes écoles d’arts martiaux en Chine, est installée à quelques pas du monastère Shaolin. Sa section foot rassemble 1500 enfants sur les 35 000 accueillis. Pour des résultats encore mitigés.
Au-delà du football
« Voler et faire des trucs géniaux, ça, je ne sais pas faire. » Sun Linyuan, jeune joueur de douze ans, l’admet : il faudra encore un peu attendre avant de voir les figures du film Shaolin Soccer dans la vraie vie. « Mais plus tard, je saurai donner des coups de pied circulaires et je serai un meilleur footballeur » , assure-t-il. L’échauffement est donc un peu particulier. Alors que les gamins occidentaux sont habitués au fameux trio lever de genoux/talons-fesses/pas chassés, les petits Chinois préfèrent le combo roulades/coups de pied/coups de poing. Chacun sa technique. « Nous cherchons à combiner le football aux techniques d’arts martiaux des moines de Shaolin, afin de créer un concept original » , assure M. Sun à l’AFP. Après avoir effectué un stage pour devenir entraîneur de football, il est convaincu que ces méthodes peuvent fonctionner. « Avec leur base de kung-fu, ils ont une souplesse et une force physique qui les aident quand ils jouent au football. Et savoir sauter en l’air les aide aussi » , observe-t-il. Des paroles qui n’étonnent pas du tout Stéphane, professeur à l’Académie d’arts martiaux traditionnels chinois à Paris : « La culture chinoise et les arts martiaux chinois touchent à un domaine beaucoup plus large que ce qu’on peut imaginer quand on parle d’arts martiaux en Occident. C’est véritablement une forme d’éducation et un art de vivre. C’est une manière de gérer beaucoup de choses dans le quotidien. Ça dépasse le cadre strictement du combat, indique-t-il. Les arts martiaux peuvent aider dans tellement de domaines. » Alors pourquoi pas dans le football ?
Joue-la comme Ibra ?
L’exemple parfait s’appelle évidemment Zlatan Ibrahimović. Le Suédois, ceinture noire de taekwondo à l’âge de dix-sept ans, a régalé la planète de certains gestes dont lui seul a le secret. « À chaque fois qu’Ibra met un coup de pied bizarre, il dit lui-même que c’est grâce au taekwondo » , expliquait Leif Almo, son ancien entraîneur de cet art martial sud-coréen. Si cela marche avec le taekwondo, pourquoi pas le kung-fu shaolin ? D’autant plus que ce dernier « est plus complet parce qu’il permet de travailler la respiration, le coup de pied et en même temps l’élasticité des muscles. Et pour un très bon footballeur, ce sont les qualités qu’il faut, je pense » , avance Maître Shi Heng Jun, moine guerrier de la 35e génération du temple Shaolin. Le kung-fu amène à être plus précis quand on réceptionne le ballon ou quand on tire dedans parce que dans le kung-fu, on cherche la perfection. Il y a un mouvement à exécuter et il faut le faire parfaitement. Je pense que dans le football, c’est la même chose, il faut faire le geste juste » , poursuit-il.
Surtout, le kung-fu a l’avantage de mêler à la fois les techniques de combat, mais de s’appuyer aussi sur des exercices de respiration, de gymnastique, le tout saupoudré d’un zeste de méditation. « La méditation peut être utile pour le footballeur parce qu’une fois qu’on s’est dépensé, c’est le meilleur moyen pour se ressourcer, pour récupérer l’énergie perdue » , explique Shi Heng Jun. De quoi éviter les blessures ? Pour cela, il faut plutôt se tourner vers le qi gong, gymnastique traditionnelle chinoise, inclus dans l’apprentissage du kung-fu shaolin. « C’est dans le qi gong qu’on fait travailler les différents tendons et les muscles. Le taekwondo, on apprend à être souple, à faire des coups de pied très haut. Mais quand on est vieux, on ne peut plus pratiquer, parce que les muscles ne fonctionnent plus, les tendons sont devenus raides. Le qi gong permet l’élasticité des tendons. Le travail de la respiration et du « qi », c’est-à-dire de l’énergie, qui permet d’être plus en forme, même quand on est âgés » , poursuit le moine. Alors pendant que papy Ibra soignera son arthrose, les futurs joueurs chinois, eux, garderont leurs jambes de feu. Mais si tout cela est bien beau sur le papier, sur le terrain, c’est une autre affaire. « Vous ne faites que courir après le ballon ! Je croyais vous avoir appris à marquer les adversaires » , hurle Sun Dawei, entraîneur à l’école Tagou, à ses joueurs. Visiblement, les discours d’avant-match devront être moins souples si l’école veut de meilleurs résultats.
Par Robin Richardot
Propos de Maître Shi Heng Jun et de Stéphane recueillis par RR.