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Shaka Ponk : « Les footeux n’ont pas à donner plus l’exemple que d’autres »

Propos recueillis par Marc Hervez
6 minutes
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Né entre Paris et Berlin au début des années 2000 dans l’anonymat le plus complet, Shaka Ponk s’est fait une place de choix dans le rock alternatif français, au point d’en être venu à inonder les ondes des radios mainstream et d’écumer facile 90% des festivals de cet été. Rencontre avec Mandris et Steve, les deux frangins du combo.

– Quel est votre rapport au football ? Vous y avez joué étant gamin ?

Mandris : J’ai joué dans un club pendant deux ans. Mais ça me prenait beaucoup de temps, alors j’ai arrêté pour me consacrer au skate. Mais j’en fais assez régulièrement avec des potes, ça permet de se faire du bien au corps tout en étant avec les copains. Ma star absolue, ça reste Cantona, un vrai punk. Il n’avait peur de rien, dès qu’un mec bronchait, un média ou un truc comme ça, il lui pétait la gueule. C’est punk, ça, mine de rien. Aujourd’hui, je suis ça d’assez loin, même si je joue pas mal à PES.

Steve : Moi, j’adore le foot, enfin surtout les compétitions internationales. Parce qu’en fait, pendant les matchs de Coupe du monde, tous les mecs sont rassemblés dans les bars, et du coup, dans la ville, il y a que des meufs. Donc, quand t’es le seul mec qui regarde pas le foot, tu te gaves. Mais même moi, qui ne suis pas un footeux, je me souviens de la Coupe du monde 98. C’était dément, je jouais dans des clubs à l’époque, on ne savait pas si on allait jouer ou pas, ça dépendait du résultat. Si on gagnait, on jouait, si on gagnait pas, on jouait pas, c’était rigolo, et je me suis pris grave au jeu. La force du foot, c’est que c’est universel. Même Les Yeux dans les Bleus, on dirait un groupe de rock en tournée.

– Depuis deux ans, on entend parler en mal de l’équipe de France, les discours, c’est « ils donnent le mauvais exemple pour la jeunesse » . Mais quand c’est une rock star comme Gallagher qui envoie chier tout le monde, personne lui dit qu’il doit être un exemple, c’est même « cool » . Pourquoi ?

Steve : Je pense que, dans la musique, il n’y a pas de chauvinisme comme tu peux en avoir dans le foot. Là, les mecs, ils ont la responsabilité de la nation, la Marseillaise, porter le drapeau, tout ça. Et les Français sont mauvais joueurs. En France, on est quand même très : « On a gagné » et « Ils ont perdu » . Et quand ton équipe perd, c’est de leur faute. Mais les footeux n’ont pas vocation à donner plus l’exemple que d’autres. Ils n’ont qu’à jouer, et pas à être exemplaires. Moins que les politiques, tu vois, qui eux donnent des leçons. Au moins, les footballeurs, ils ne font pas de promesses avant une compétition. Ils n’ont pas de discours du style : « On va aller en demies » .

– La chanson How We Kill Stars, ça parle un peu de ça ?

Steve : Ouais, c’est le même thème : comment faire et défaire une vedette. Comment, avec les médias, la télé, le fait que les caméras soient braquées sur un seul individu à tel moment, un mec va exploser et va laisser de côté des artistes qui se défoncent et qui n’existent pas. Les footeux, c’est un peu pareil, c’est très facile de les critiquer. Au final, ils ne savent pas ce qui leur arrive. Ça devient des stars, alors qu’à la base, c’est juste des génies sportifs. On n’a pas de culture foot ? Moi, je pense tout de même qu’on aime le foot en France. Après, la starification du foot est démesurée. Les mecs gagnent des millions et les gens ne comprennent pas pourquoi. T’as toujours des mecs pour dire « Ouais, ils sont payés à taper dans un ballon » . Alors que les mecs bossent durs.

Mandris : En fait, la différence avec la musique et le cinéma, c’est que, dans le foot, les sommes sont connues. Dès que t’as un transfert, on dit d’un joueur qu’il a coûté 40 millions et qu’il gagne tant. Quand Rihanna fait un concert, on ne sait pas combien elle gagne, ce n’est pas dit. Le problème en France, c’est que les gens mélangent tout.

– Pour un concert, le discours de masse, c’est de dire que les salles intimistes, c’est mieux. Mais en réalité, est-ce que le kiff ultime, c’est pas de jouer dans les stades ? Quand on pense Queen, on pense Wembley.

Mandris : Effectivement. Bon, il y a deux aspects. D’un côté, c’est vraiment ultra kiffant de jouer devant énormément de personnes et sur une grosse scène, c’est vraiment fort. Cela dit, on n’a jamais joué dans un stade, mais c’est tellement impressionnant que j’en aurais la crotte au cul. Après, voir un concert dans un stade, je suis moins fan. Parce qu’il n’y a pas trop de proximité avec l’artiste. Quand tu joues dans un stade, le kiff, il est plus sur la scène qu’en tribune, clairement.

Steve : C’est marrant, car on est actuellement pas mal critiqués par certains fans de base, parce qu’on est en train de devenir un groupe mainstream, ou inaccessible, et qu’on fait des grosses salles. Mais c’est faux parce qu’on continue à faire du club, quitte à faire deux jours dans la même ville, on continue à jouer dans des salles comme ça, plus intimistes. L’autre jour, on a joué aux Eurockéennes, devant 30 000 personnes, et c’est vrai que c’est génial. Mais en fait, tu fais un concert devant une personne, le public. Alors que quand tu joues dans une salle de 1500, tu commences à connaître tout le monde, un peu.

– Votre groupe s’est longtemps exilé à Berlin pour percer, avant d’être connu en France. Ici, on s’est toujours foutus de la gueule du PSG, qui a eu une équipe de merde pendant des années. Mais Berlin, c’est pire, c’est la capitale d’un pays qui a sept finales de Coupe du monde et ils n’ont jamais eu d’équipe…

Steve : Je ne sais pas vraiment pourquoi. Tout ce que je peux te dire, c’est qu’en musique, c’est une ville à part. Berlin, c’est pas l’Allemagne. C’est un truc différent, comme New York, un peu. Tout est mélangé, y a une espèce de tolérance sur tout. C’est une terre d’accueil, de mélange. Et je pense qu’on ne pense pas sport à Berlin. En tout cas, on ne va pas t’obliger à t’y intéresser. Chacun fait ce qu’il veut. Ça peut peut-être expliquer pourquoi il n’y a pas une grande culture sportive là-haut.

Di María, Bynoe-Gittens, Mukau : les notes de la soirée

Propos recueillis par Marc Hervez

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