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Sexiste, le foot ?
Le cas du docteur Eva Carneiro lâchée par Chelsea n'a pas franchement plaidé pour l'image d'un football moins macho. Qu'en est-il en France ? Éléments de réponse avec l’exemple des staffs médicaux.
8 août 2015. Stamford Bridge. La scène a été détaillée des centaines de fois par les médias. Le soleil n’est pas encore couché lorsque Eva Carneiro, la doc’ bien connue de Chelsea, pénètre sur la pelouse pour prodiguer des soins à Eden Hazard sur demande de l’arbitre. Quelques secondes plus tard, José Mourinho passe ses nerfs sur la demoiselle, lui adressant des noms d’oiseau (sexistes ?). Le conflit prend des proportions énormes, avec le départ de Carneiro et une attaque judiciaire contre le Mou. Outre le fait que le Special One s’en prenne sans réelle justification au staff médical, d’autres questions se posent : Mourinho a-t-il visé de la sorte Eva parce qu’elle est une femme ? Est-ce facile de s’intégrer dans un monde considéré comme sexiste quand on est unE soignantE ? En d’autres termes, le milieu du foot est-il aussi macho qu’on peut le croire si on regarde du côté des staffs médicaux ?
Du beauf’… comme partout
Il faut dire que la présence des femmes dans les staffs médicaux au sein des équipes de foot reste marginale. Certains clubs interdisent d’ailleurs, de manière tacite, le recrutement de femmes pour les postes de soignants. Un constat qui véhicule évidemment une image peu flatteuse du ballon rond. « Le foot est un monde vachement macho, attaque d’emblée une ancienne médecin stagiaire de Clairefontaine, qui exerce encore aujourd’hui dans le sport. Donc c’est loin d’être simple quand t’es une fille. Pour beaucoup, une femme, c’est fait pour rester à la maison et fermer sa gueule. » Forcément, cela se traduit par des remarques beaufisantes récurrentes. « Dès que tu t’habilles en jupe, tu te prends une réflexion du genre :« Tu me donnes une érection, ma petite », continue-t-elle. C’est lourdingue, mais faut s’habituer à ce genre de remarques. » Des comportements davantage rencontrés qu’ailleurs ? Pas vraiment, selon Céline Jain, kinésithérapeute et ancienne du Stade brestois : « Il y a quelques blagues sexistes sur les filles, oui. Mais qu’on retrouve dans les autres sports aussi. Si on se fait respecter dès le début, ça ne dépasse pas certaines limites. »
Mais qui est concerné par ces attitudes ? Surprenant ou pas, ce ne sont pas les joueurs qui posent ce type de problèmes. Ces derniers sont très rares à jouer les lourds et faire leurs petits caprices. « Je n’ai jamais eu de problème avec un footballeur, reconnaît la médecin. J’ai pu les examiner comme je voulais, ils respectaient mes préconisations. Il n’y avait pratiquement aucune barrière. Que tu sois une fille ou un garçon, ils s’en foutent, ils ne font pas la diff’. » Même son de cloche pour Céline Jain. Le problème résiderait plutôt au sein même du staff, technique ou médical. « Il y a des coachs qui sont complètement misogynes, reprend celle qui souhaite rester anonyme. Et qui ne te laisseront pas manipuler leurs joueurs parce que tu es une femme. » Coach, confrère ou dirigeant : voilà où se cacheraient les responsables du sexisme dans le football quand il se montre.
Jeune et ambitieuse, jamais vicieuse
Autre problème de taille pour une femme : l’âge. Le combiné sexe féminin/moins de 35 ans est un gros facteur de risque pour l’apparition de comportement machistes. L’ancienne doc’ de Clairefontaine, encore : « Les vannes du style « t’as tes règles ou quoi ? » pour un oui ou pour un non, j’y ai eu droit… Ils profitent du fait que tu sois une jeune nana pour sortir des trucs comme ça et te déstabiliser. Quand tu es une femme, c’est par exemple compliqué d’être hiérarchiquement au-dessus d’un collègue plus âgé que soi. » Heureusement, la place des femmes n’est pas toujours si difficile à avaler pour les employés d’un club. Être blonde (ou brune) à forte (ou légère) poitrine pourrait même être un avantage, comme l’explique l’ex-kiné de Brest : « Je ne pense pas que ce soit un poids d’être une femme dans le milieu du foot. Ça apporte un peu de douceur, et les joueurs se livrent différemment face à nous. Ils font les durs devant les hommes quand il y a un problème, mais une oreille féminine peut certainement être un atout. »
Par Florian Cadu