- C3
- Finale
- Séville-Roma (1-1, 4-1 TAB)
Séville et le chemin des drames
Derrière les sept titres en Ligue Europa du Séville FC, il y a des drames dont les Nervionenses se seraient bien passés, mais qui sont le point de départ de toutes ces épopées européennes. Au-delà de la Puskas Arena ce mercredi résonnaient les noms d'Antonio Puerta, José Antonio Reyes et même... Sergio Rico.
Ils n’étaient pas 11 sur le terrain côté sévillan ce mercredi soir. Ils étaient plutôt 13, voire 14. L’histoire du Séville FC en Ligue Europa est ponctuée de drames, de noms qui sont brandis sur des banderoles en tribunes ou de maillots floqués de joueurs défunts que l’on ressort à chaque coupe soulevée. À la Puskás Aréna face à l’AS Roma, les Nervionenses avaient tous en tête le nom d’un homme, devenu douzième homme pendant plus de 120 minutes : Sergio Rico. Un garçon né et élevé à Séville, tenant les cages andalouses durant 170 rencontres et vainqueur de la Ligue Europa 2015. Le nom de l’actuelle doublure du PSG, victime d’un grave accident de cheval dimanche et toujours en soins intensifs, était même floqué sur les maillots blancs des Sévillans lors de l’échauffement : « Vamos Sergio ! Estamos contigo » (« Allez Sergio, nous sommes avec toi »). « Nous voulons gagner pour lui et pour Nemanja, parce qu’ils connaissent des moments difficiles et que l’on veut leur montrer notre affection », déclarait Jesús Navas en conférence de presse d’avant-match, n’oubliant pas d’avoir une pensée pour son actuel coéquipier Nemanja Gudelj, dont la femme a fait une fausse couche juste avant la finale et dont le frère a été victime d’un arrêt cardiaque. Comme si Séville était liée à ce destin tragique, obligeant chaque finale à devenir plus qu’un match de football, mais aussi une façon d’honorer ceux qui ne sont plus et de donner de l’espoir à ceux qui souffrent.
👏🏻 Mucha fuerza, Sergio. ❤️ pic.twitter.com/JpVoJK8GUT
— Sevilla Fútbol Club (@SevillaFC) May 31, 2023
Antonio Puerta et le but qui change l’histoire
Il y a 17 ans, le Séville FC se qualifiait pour sa toute première finale de Ligue Europa, ou Coupe de l’UEFA à l’époque, dans un match à rallonge contre Schalke 04. Alors que le chrono affichait 100 minutes de jeu et un score nul 0-0, la partie bascule. Sur son côté droit, Jesús Navas s’empare du cuir et envoie un centre fort au second poteau pour Antonio Puerta, qui fusille le portier teuton d’une demi-volée devenue historique depuis. « Le but qui a changé l’histoire du Séville FC », écrit encore en 2021 le club sur son compte Twitter. Les deux meilleurs potes, formés ensemble à Séville, viennent d’écrire le premier chapitre d’une histoire qui en compte sept, and still counting. Deux semaines plus tard, le club andalou remporte la Ligue Europa dans une victoire 4-0 contre Middlesbrough, premier titre européen de l’histoire du club.
El abrazo de Jesús Navas y Antonio puerta por los siglos de los siglos pic.twitter.com/2Q5MFCQwPg
— Jesús sama (@jesussamasfc) April 27, 2020
La saison suivante, les Sévillans réitèrent l’exploit et battent l’Espanyol aux tirs au but en finale (2-2, 3-1 TAB). Sur la pelouse du Hampden Park, Antonio Puerta vient de marquer le dernier penalty avant qu’un arrêt d’Andrés Palop ne scelle la victoire. Les deux gamins de 21 et 22 ans s’écroulent, larmes aux yeux, dans un cliché qui deviendra iconique quelques mois plus tard, pour des raisons bien plus tristes. Le 25 août 2007, en plein match contre Getafe, le jeune latéral gauche prometteur comptant déjà une sélection avec la Roja s’écroule, victime d’un arrêt cardiaque. Réanimé une première fois, Antonio Puerta souffre de cinq rechutes dans les vestiaires et finit par être déclaré en mort cérébrale trois jours plus tard par l’hôpital Virgen del Rocío. Le héros des Coupes d’Europe n’est plus, et le jeune ingénu qu’était alors Jesús Navas se retrouve à porter le cercueil de son ami de toujours. Le formidable trio qu’ils formaient avec Sergio Ramos devient un duo, dans un drame qui bouleversera à jamais la vie de l’actuel capitaine sévillan. La disparition d’Antonio Puerta l’a forcé à contrôler ses crises d’angoisse, ses vertiges et sa peur de l’éloignement de ses proches, le défunt jouant jusqu’alors le protecteur d’un monde extérieur que Navas ne savait encaisser.
José Antonio Reyes, le gamin du club revenu pour fortifier
Trois ans plus tard, lui et l’actuel défenseur du PSG soulevaient la Coupe du monde dans le ciel de Johannesburg, avec un maillot d’Antonio Puerta les reliant. Alors que celui qui avait ouvert la voie aux Coupes d’Europe prenait le chemin de Manchester City, un autre enfant du club (ré)apparaît dans le récit sévillan : José Antonio Reyes. Lui aussi formé au Séville FC, il est même celui qui guide Jesús Navas lorsqu’il fait ses débuts à 18 ans. De retour au bercail après huit ans de vadrouille entre Londres et Madrid, il deviendra l’homme qui consolidera le palmarès européen des Nervionenses, grâce à l’expérience de ses deux titres glanés déjà en Ligue Europa du côté de l’Atlético de Madrid (2010 et 2012). Avec son numéro 10 et son brassard de capitaine, le milieu offensif remporte la coupe en forme de corbeille à papier trois saisons de suite, battant le Benfica (0-0, 4-2 TAB), le Dnipropetrovsk (3-2) puis Liverpool (3-1). Lorsqu’il soulève le trophée pour la dernière fois au Parc Saint-Jacques de Bâle en 2016, José Antonio Reyes portait d’ailleurs un T-shirt avec une photo d’Antonio Puerta et les mots « Tu es pour toujours avec nous ».
Six mots qui sonnent étrangement quelques années plus tard. De retour à Séville après une pige réussie à City, Jesús Navas décide de prendre le numéro 16 d’Antonio Puerta, numéro réservé aux joueurs du centre de formation sévillan. Un hommage qu’il liera malheureusement rapidement à un autre. Le 1er juin 2019, son idole José Antonio Reyes décède dans un terrible accident de la route. Une sortie de route à 187 km/h avec un pneu sous-gonflé qui éclate en plein vol. Depuis, Jesús Navas a récupéré son brassard de capitaine, dont le tissu est imprimé aux noms de ceux qui ont fait l’histoire du club « Puerta 16 – Reyes 10 ». En août 2020, Séville gagne encore la Ligue Europa face à l’Inter (3-2), et l’Espagnol leur dédie le trophée, portant un T-shirt hommage aux deux hommes, rappelant celui de Reyes : « Pour mes amis qui ne sont plus là, Reyes, Puerta et mon parrain qui vient de mourir. »
Sevilla pay tribute to club legends Jose Antonio Reyes and Antonio Puerta after winning the Europa League 🙏 pic.twitter.com/vtPUQzHvDE
— B/R Football (@brfootball) August 21, 2020
À la Puskas Arena ce mercredi, les visages de ces deux héros étaient fièrement affichés dans le vestiaire sévillan, eux sans qui rien de tout ça n’aurait été possible. Au coup de sifflet final et après un septième triomphe en C3, Jesús Navas et Ivan Rakitić ont dégainé le maillot de Sergio Rico, le soulevant avant même de s’emparer du trophée. Les deux capitaines du Séville FC, déjà suffisamment amochés par ce passé traumatisant, espèrent surtout qu’ils n’auront pas de troisième nom à rajouter à une liste d’hommages déjà trop longue à chaque trophée : pour Antonio Puerta, pour José Antonio Reyes…
👏 Jesús Navas y Rakitic, acordándose de Sergio Rico en la celebración de la Europa League pic.twitter.com/btGUOeHHvi
— Mundo Deportivo (@mundodeportivo) May 31, 2023
📸 Hoy también están con nosotros. 💫#UELfinal pic.twitter.com/7rWwEKZ6Ap
— Sevilla Fútbol Club (@SevillaFC) May 31, 2023
par Anna Carreau