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Sète, une tragédie

Par Loïc Bessière
6 minutes
Sète, une tragédie

Malgré un maintien acquis sur le pré à la dernière journée, le FC Sète a perdu sa place en National sur le terrain administratif. Cette rétrogradation en National 2 est le résultat d’une bataille, opposant depuis un an l’ancienne direction d’un côté et la mairie et l’agglomération de l’autre. Plongée dans un « petit Marseille ».

« La tragédie, c’est gratuit. C’est sans espoir. Ce sale espoir qui gâche tout. Enfin, il n’y a plus rien à tenter. » Edward Bond n’aurait pas renié l’histoire du FC Sète. Comme dans les plus belles tragédies romaines, le public sait à l’avance que cela va mal finir. Il se demande juste quand, et comment l’estocade sera portée. Comme en 1960, en 1989 et en 2009, Sète est encore rattrapé par son destin : il est rétrogradé pour des raisons financières. Le club héraultais jouera ainsi en National 2, la saison prochaine.

Le maintien en Hérault

Le théâtre de cette tragédie aurait pu être le complexe sportif de Borgo. Mais lors de la dernière journée de National, Sète, mené 1-0, s’impose 2-1 et se maintient sportivement. Rétrogradation administrative oblige, l’acte final se passe donc au siège du club, le stade Louis-Michel. Il s’y déroule pourtant des scènes de conflit depuis longtemps. Ancienne plume du Midi Libre reconvertie directeur de cabinet adjoint à l’agglomération de Sète, Jean-Michel Izoird a « tiré la sonnette d’alarme il y a deux ans. J’estimais, mais je n’étais pas le seul, que certaines personnes n’étaient pas au club pour les bonnes raisons ». Il regrette que le club se soit « refermé comme une huître ». Mais à Sète, cela ne s’apprend pas… Jean-François Gambetti, président des Vert et Blanc entre 2019 et le 3 juin dernier, a une autre version : « Le 20 avril 2021, on me demande de partir, car Ludovic Liron allait reprendre le club. On se rencontre le 15 mai 2021, et le lendemain, il m’appelle pour me dire qu’il ne reste pas. Je ne sais pas pourquoi… C’est le début des tensions. On m’a reproché son départ, alors que jusque-là, je m’entendais très bien avec le maire (NDLR, François Commeinhes, aussi président de l’agglomération sétoise). Mais ce qui est fort, c’est que Ludovic Liron soit parti de lui-même ! S’il restait et qu’il amenait de l’argent, je partais. » Contacté pour user de son droit de réponse, l’ancien défenseur a poliment décliné. Il faut dire que l’air est déjà assez chaud à Sète, en ce moment…

Un bras de fer se met dès lors en place entre les pouvoirs publics et Jean-François Gambetti, accompagné de son directeur sportif et ancien arbitre Sandryck Bitton. Les subventions accordées au club se retrouvent suspendues, un problème pour un petit club comme Sète dont c’est la principale source de revenus. « Les élus ont demandé des comptes au club, car ils donnent de l’argent public, ils voulaient qu’il soit utilisé à bon escient. Ne recevant aucune réponse de la direction, les élus ont suspendu la subvention, car ils n’ont pas eu accès aux comptes », justifie l’ex-journaliste. L’ancien président des Dauphins conteste : « Avant de nous couper les vivres, il y a eu un audit du club. Il n’y avait pas de trou, et nous avons toujours donné les comptes pour les subventions. L’audit a été réalisé entre mars et avril 2021, donc ils avaient les comptes au moment de nous donner la subvention l’été dernier ! »

J’ai fait des propositions pour être à 100% au club, surtout vers la fin, mais elles n’ont pas été entendues. C’est un manque de respect.

Coach professionnel et responsable de services à la mairie

Malgré un budget revu à la baisse, Sète prend place en National. Si la saison 2022 est compliquée sur le terrain, elle l’est tout autant dans les vestiaires. Sandryck Bitton est licencié. Dans le même temps arrivent Yoni Ragioneri, Patrick Soria et Michel Raynaud. « Au départ, ils sont entrés au comité directeur, car ils avaient déjà aidé le club. Ils étaient présents depuis deux, trois ans. Certaines de ces personnes ont très bien travaillé, à l’école de foot », concède Jean-François Gambetti. De son côté, Nicolas Guibal est le seul entraîneur de National à mi-temps. « J’ai fait des propositions pour être à 100% au club, surtout vers la fin, mais elles n’ont pas été entendues. C’est un manque de respect », estime le responsable des services à la mairie de Frontignan. Il est désormais uniquement… salarié dans ce second job : une fois le maintien acquis, il n’est pas conservé et le regrette. « Je savais qu’il se tramait des choses particulières dans mon dos, révèle-t-il. Ça fait partie des dysfonctionnements de la nouvelle direction. »

Au même moment, l’ancien président languedocien sent lui aussi le mistral tourner : « J’ai perdu peu à peu de l’influence au comité directeur. J’ai proposé des investisseurs, mais ils ont été refusés par le comité directeur. Ils ont préféré garder la main pour s’en sortir seul… Yoni Ragioneri a été mis en place par la mairie, car il a de bons rapports avec eux. » Début juin, esseulé, Jean-François Gambetti quitte le navire. Nommé président, Yoni Ragioneri, brasseur dans le port méditerranéen, déclare trouver quelques surprises : « L’ancienne direction avait des problèmes de trésorerie. L’équipementier Macron leur donnait 100 000 euros par an, payables en trois fois. Mais en contrepartie, il fallait faire 250 000 euros d’achat. Quel club, en France, fait 250 000 euros d’achat ? À part acheter des costumes et des chaussures en cuir de marque, je ne vois pas comment faire. Il a fallu casser ce contrat. »

Sète, un problème National

Le temps s’écoule, et le passage devant la DNCG se profile. Comme prévu, l’arrivée de Yoni Ragioneri entraîne le retour des subventions de l’agglo et de la mairie, car « il transmet les comptes », selon Jean-Michel Izoird. Le budget est donc plus important que celui de la saison écoulée, mais le club est retoqué. « C’est tout le marasme entre ma démission, la manière dont Nicolas Guibal est parti et le départ de Sandrick Bitton, se désole Jean-François Gambetti. La DNCG aime les choses pérennes. Quand ils sont arrivés, il y a eu plus de primes, et la masse salariale a été dépassée. Certaines personnes ont pensé mieux connaître le football, mais ils ne viennent pas de ce monde-là. »

Comment la DNCG ne pouvait-elle pas être au courant de ce dépassement, alors que chaque joueur a été signé avec son autorisation ?

Le gendarme financier du football reproche aux Héraultais un dépassement de la masse salariale, accusations de tricherie jugées irrecevables par l’ancien et l’actuel président du club comme l’explique ce dernier : « Je suis nouveau dans le milieu et j’en apprends chaque jour, mais je ne comprends pas comment la DNCG ne pouvait pas être au courant de ce dépassement. Chaque joueur a été signé avec son autorisation, car la masse salariale était encadrée ! On allait avoir une équipe compétitive pour aller jouer le haut du tableau, en National. Maintenant, on travaille avec une quinzaine de joueurs qui vont rester en National 2, mais on se donne le droit de faire appel et de porter plainte contre la DNCG. » Conclusion d’un proche du club, qui résume ces tumultes en une phrase : « Sète est un petit Marseille, entre passion et excès dans le bon comme le mauvais… »

Dans cet article :
Martigues freiné, Le Mans et Bourg respirent 
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Par Loïc Bessière

Tous propos recueillis par LB.

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