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Serie A : la saison 2013/2014 en citations

Par Markus Kaufmann
Serie A : la saison 2013/2014 en citations

L'Italie, c'est le pays du Mister, là où l'entraîneur est roi. Un pays où l'on écoute vraiment les conférences de presse, et où les techniciens cultivent donc l'art des belles paroles. Retour sur la saison 2013/2014, en citations. Parce que le football, ça se lit aussi. Paroles, paroles, paroles…

Septembre-décembre

Luciano Spalletti encense le Milan

La saison vient de commencer en Serie A quand Luciano Spalletti fait ses pronostics dans la Gazzetta. « Quand je pense au Scudetto, je me dis que la Juventus n’a qu’une seule rivale. Je fais référence au Milan parce que le Milan est le Milan. Il y a un an, tout le monde disait que le jeu des Rossoneri était effrayant. Une critique sévère. Mais avec ce jeu-là, le Milan est arrivé troisième. Et il s’est qualifié en Ligue des champions. Maintenant, il ne peut que s’améliorer. » Avant d’en remettre une couche : « De Sciglio est un potentiel phénomène du football mondial, El Shaarawy mérite de la confiance et Balotelli doit, je dis doit, franchir la dernière marche. À propos de talents, il y a aussi Poli et Niang. Cela vous suffit ? Le Milan a une marge de progression inimaginable. » Aujourd’hui, Spalletti est annoncé au Milan en remplacement de Seedorf. On pensait qu’Andrea Galliani avait approché Spalletti parce que c’est un entraîneur extrêmement compétent. En fait, c’est le seul qui croit vraiment en ce projet.

Rudi Garcia remet l’église au centre du village

Le 22 septembre 2013, le premier derby romain de la saison revient aux hommes de Rudi Garcia (2-0). Alors qu’on lui demande de raconter ses émotions en conférence de presse d’après-match, Rudi Garcia étonne les médias italiens par sa sérénité. « L’un des moments les plus importants de ma carrière ? Non, nous avons seulement remis l’église au centre du village. » Citation fabuleuse pour des Italiens qui n’ont jamais entendu cette expression. Quelques mois plus tard, Andrea Corti, journaliste de foi giallorossa, sort le livre Rudi Garcia. L’église au centre du village. La quatrième de couverture commence ainsi : « Certains considèrent qu’il est le Mourinho français… »

Le challenge tactique de Rafa Benítez, de Chelsea à Naples

Quand il met les pieds à Naples l’été dernier, Benítez connaît les médias italiens, il connaît le championnat italien et il connaît les tactiques italiennes. L’occasion d’expliquer concrètement pourquoi la Serie A est le championnat le plus difficile au monde pour les techniciens. « Après cinq matchs de Serie A, mon équipe a dû jouer contre un système différent à chaque rencontre, avec des adversaires capables de changer leur système deux ou trois fois dans la même rencontre. Pour ceux qui aiment les chiffres, nous avons affronté un 5-3-1-1, un 3-5-2, un 4-3-1-2, un 4-4-2 et un 4-1-4-1. Le défi de réagir face à ces systèmes est un super challenge pour n’importe quel coach dans ce pays. Un plus gros challenge qu’en Angleterre, dans ce sens. »

Balotelli fait le mystérieux, Allegri ne fait pas le malin

Spalletti n’ayant pas eu le nez fin, le Milan est en grosses difficultés dès novembre. Le 23 du mois, le Milan ne fait pas mieux qu’un nul 1-1 à San Siro contre le Genoa. Une merveille de but de Kaká, un pénalty de Gilardino, mais aussi un pénalty manqué de Balotelli. Les ultras de la Curva Sud affichent une banderole « On se voit à la sortie du stade, indignes » . Dans la nuit, Mario Balotelli craque sur son compte Twitter : « This is the end :-) » .

Siniša Mihajlović, le JFK de la Sampdoria

On connaissait sa patte gauche légendaire, mais pas forcément sa maîtrise des grands discours. Dans le domaine, Sinisa a largement dominé la scène italienne cette saison, même en arrivant après l’automne. Première conférence de presse, en novembre, alors que la Samp est enfoncée en pleine crise et glisse vers une probable nouvelle relégation : Sinisa se prend pour John Fitzgerald Kennedy. « Ne vous demandez pas ce que la Sampdoria peut faire pour vous, mais plutôt ce que vous pouvez faire pour la Sampdoria. » Le Serbe ne s’arrête pas là. « Les gagnants trouvent toujours un chemin, les perdants trouvent toujours une excuse. » Et enfin, le meilleur pour la fin : « Parfois, pour envoyer un message de lutte, de courage, d’idéaux et d’appartenance, il ne suffit que de trois mots. Devant le Mur, Kennedy avait dit « Ich bin berliner », moi aujourd’hui je suis fier de dire « Io sono sampdoriano ». »

Janvier-février

Totti taquine la Juve

Le mercredi 2 janvier 2014, la Roma de Garcia se réveille avec le statut de leader de Serie A. Du coup, Francesco Totti trouve que le moment est idéal pour balancer sur le dauphin, la Juve. « La Roma est plus forte, la Juve est plus méchante. Ils ont un groupe solide, teigneux et ils finissent toujours par être un peu aidés… C’est une évidence, il n’y a pas grand-chose à faire. » Trois jours plus tard, la réponse de Chiellini est claire : « On verra bien demain s’ils sont si forts. » Le dimanche de la même semaine, les Bianconeri s’imposent 3-0 au Stadium, pour ce qui sera le tournant de la saison.

Antonio Di Natale annonce qu’il arrête

Le 6 janvier en Italie, c’est la Befana. Les enfants ayant été gentils reçoivent des bonbons, et les autres se retrouvent avec du charbon. Cette année, les supporters de l’Udinese n’ont pas dû bien se tenir à table, car le 6 janvier, la légende Di Natale annonce qu’il s’arrêtera à la fin de la saison : « En juin, j’arrête. J’en ai déjà parlé avec ma famille et mon agent. Et j’en parlerai plus tard avec le club. (…) J’ai 36 ans, et j’entends trop de critiques autour de moi. Cela n’est pas bon pour l’Udinese. J’ai marqué beaucoup de buts en dix ans, mais comme cela peut arriver à tous les attaquants, parfois le but ne vient pas. » Gaëtan Charbonnier pour eux.

Allegri est (enfin) limogé

Le 12 janvier, le Milan s’incline face au Sassuolo et face au triplé inzaghesque de Domenico Berardi (4-3). Après 19 journées, le Milan n’a gagné que 22 points. Le lendemain, après des mois d’impatience, Barbara Berlusconi dicte enfin le jeu : « Une soirée décevante, comme d’autres, qui confirme qu’il est nécessaire et urgent, avec la contribution de tous, de changer. Ce n’est plus tolérable que nos tifosi assistent à des prestations inacceptables comme celles-ci. » Massimiliano Allegri est remercié, lui qui avait été capable de faire jouer ensemble Robinho, Cassano et Boateng pour remporter le Scudetto 2011. Bien aidé par Zlatan et Thiago Silva, certes.

Clarence Seedorf et son sourire arrivent en sauveurs

À peine nommé entraîneur du Milan, on voit apparaître un Seedorf berlusconien, tout en rêve de libertés, fantaisies et fantasmes offensifs : « Je veux attaquer à six sans système et avec de l’enthousiasme. » Explications : « Le système de jeu, les chiffres. Cela passionne les journalistes. Mais vous savez quoi ? Dans le football moderne, le système existe seulement en phase défensive. En attaque, la fluidité est totale, six joueurs qui bougent de façon continue sans donner de point de repère. Ces questions sur le système, moi, cela m’ennuie. » Avec le sourire d’acteur de Clarence, Milan est envoûté. Cinq mois plus tard, après une huitième place et aucune coupe européenne, la magie a disparu.

Marco Materazzi et Fabio Cannavaro sautent sur Benítez

Le 2 février, le Napoli de Benítez voyage à Bergame et revient avec une défaite 3-0 dans ses valises. L’Espagnol est alors une cible facile. Materazzi commence sur Twitter : « La même tactique, les mêmes méthodes, le même air de péteux. Ils commencent à te connaître. Mieux vaut tard que jamais. » Avant que Fabio Cannavaro ne profite de cette opportunité royale pour enfoncer le couteau dans la plaie, au nom de son frère : « Bonne chance Paolino, et mes compliments à celui qui t’a fait sentir comme un étranger dans ta propre maison !!! »

L’affaire Joseph Marie Minala

En février, l’équipe de Primavera de la Lazio est secouée par une affaire insolite. Joseph Marie Minala, milieu de terrain camerounais, est né le 24 août 1996. Problème : personne ne le croit. Sur son compte Twitter, le joueur observe : « Dans le monde du football, les gens te regardent toujours avec des yeux verts. » Auprès des médias, son agent explique : « Son enfance peut l’avoir marqué sur le visage et dans l’expression, mais il s’agit bien d’un garçon de 17 ans qui se bat contre la vie pour atteindre son rêve. » Bah quoi ?

Sinisa et le derby génois

Engagé à fond dans sa course au maintien, Mihajlović avance toujours plus vite. Quand il croise le Genoa sur sa route, une simple phrase a le don d’enthousiasmer tout le peuple blucerchiato : « Nos tifosi ont déjà gagné le derby le jour où ils ont choisi leur équipe en donnant leur cœur aux couleurs blucerchiati. » Victoire 1-0.

Fabio Capello se fait le championnat italien…

Le 14 février, c’est la journée de l’amour. Peut-être parce qu’il donne déjà bien assez d’amour en Russie, Fabio Capello décide de pourrir la journée du football italien. À la question d’un journaliste de la Gazzetta : « Pourquoi la Juve a-t-elle des difficultés en Europe ? » , le Mister envoie : « La réponse est inévitable : le championnat italien n’est pas assez compétitif derrière la Juve. Pendant que la Roma, Naples et la Fiorentina vendaient Lamela, Cavani et Jovetić, Conte et Marotta rajoutaient Tévez et Llorente… »

… et Antonio Conte se fait Capello

Avant de parler de la compétitivité de la Serie A, Capello avait aussi commenté les méthodes d’Antonio Conte, qui avait annulé un jour de repos à ses joueurs après qu’ils n’avaient obtenu qu’un match nul à Vérone (2-2, après avoir mené 0-2) : « Pour ma part, je n’ai jamais donné de punitions. Je préfère raisonner, parler et trouver des solutions. » Conte bondit : « Cela gêne visiblement certains que l’on puisse faire mieux, en termes de chiffres, que la Juventus de ces deux années (2004-2006, celles de Capello, ndlr). De cette époque, je ne me rappelle pas du jeu produit, mais plutôt des deux titres révoqués. » Une déclaration qui aura dérangé tout le monde, à commencer par le club lui-même. Par la suite, Conte prendra soin d’effacer tous les records de cette Juve de Capello, qui comptait dans ses rangs Del Piero, Cannavaro, Trezeguet, Nedvěd, Zlatan, Vieira, Thuram, Zambrotta, Buffon, Emerson, et Moggi.

Mars-avril-mai

Un spectaculaire Mihajlović cite Dante

À la mi-mars, Mihajlović a accumulé une énorme confiance. Sa Samp va mieux, le maintien est acquis et tout le peuple blucerchiato est derrière lui. Du coup, il sort un nouveau numéro. Avant d’aller défier l’Atalanta, Sinisa débarque en salle de presse aux côtés d’Angelo Palombo et Daniele Gastaldello. Les trois portent fièrement la combinaison jogging de la Samp. En bonus, le Mister garde sur la tête un superbe chapeau bleu. Pour l’autorité, sans doute. Et le show commence. Une scène mythique, en plein dans ce singulier mélange de vulgarité et de poésie qu’est le football. « Aujourd’hui, j’ai pris avec moi un livre (il montre le livre à toute la salle) pour vous réciter le 26e chant de la Divine Comédie. L’auteur est celui que l’on appelle le « Sommo Poeta ». Comme vous le savez, j’ai passé deux années à Florence. Ainsi, je ne pouvais pas ne pas me rapprocher de ou ne pas lire quelque chose de Dante. À l’époque, mes enfants l’étudiaient à l’école et j’avais un ami qui me donnait souvent des citations de lui. Je n’ai pas lu toute laDivine Comédieet je ne sais pas la réciter par cœur comme Benigni – qui est d’ailleurs très fort – mais le moment de l’Enfer du 26e chant m’a marqué, quand Dante parle d’Ulysse et de comment il essaye de convaincre ses hommes de se lancer vers l’inconnu, au-delà des colonnes d’Hercule. Quand il parle à ses hommes en les appelant frères et qu’il les incite à aller au-delà de leurs limites. Maintenant, je vais lire le passage (il ouvre le livre et récite) : « Considérez votre semence ; vous ne fûtes pas faits pour vivre comme des bêtes, mais pour suivre vertu et connaissance. » Je sais que Dante faisait référence à autre chose qu’au football quand il a écrit la Divine Comédie, mais si je pouvais l’appliquer au foot, j’aimerais pousser mon équipe à aller plus loin, à être ambitieuse, à ne pas se contenter d’avoir atteint un objectif minimum pour la Samp : le maintien. Quand je suis arrivé, nous étions dans l’Enfer. Maintenant, nous sommes au Purgatoire. J’aimerais arriver au Paradis. »

Le frère de Llorente se moque de Totti

En mars, la Juve est leader et Llorente est en confiance. Du coup, son frère Jesus balance dans El Pais : « Cela fait trois mois qu’il étudie avec un professeur et maintenant les gens disent qu’il parle mieux que beaucoup d’Italiens. D’ailleurs, je suis sûr qu’il conjugue mieux les verbes que Totti. » Une sortie qui coûtera à Fernando un coup de fil d’excuses, et peut-être un nouvel ami à qui parler italien.

Mauro Icardi et son monde

Avril, c’est le printemps, le soleil, les filles et les embrouilles pour les filles. À la Samp, Icardi est passé du statut de joueur formé au Barça à celui d’international argentin. Mais après l’affaire Wanda-Icardi-Maxi López, Mauro n’est plus le bienvenu à Gênes. Quand il revient, c’est sous les sifflets du peuple de la Sampdoria. Résultat : l’Argentin marque un doublé, fête ses buts avec des grandes oreilles sous la curva des Génois, regarde Maxi López manquer un pénalty et poste sur Twitter une photo de sa main faisant le signe des cornes, avec le message suivant : « Wanda, pourquoi me fais-tu me conduire comme ça ? » Rien de bien étonnant de la part d’un jeune buteur tout en testostérone, qui se sera avéré bien plus productif que Balotelli cette saison : « Les réseaux sociaux, pour moi, c’est comme une drogue » , « Messi est bon, mais mon idole est Batistuta » et enfin « Le bonheur, c’est un steak grillé » .

Roberto Donadoni, sur le football et la vie

Le 22 avril, le père de Roberto Donadoni – entraîneur de Parme – décède. Le football italien se rappelle alors des déclarations de son fils quelques années plus tôt : « Mon père était un paysan jusqu’à ses 20 ans, puis il s’est mis à transporter du fer. Après un certain temps, il avait deuxcampionset un employé. Il se levait à quatre heures du matin et revenait quand il faisait déjà nuit. Tout se faisait à la main, avec la pelle. Du coup, avec tous les entraînements et les matchs que j’ai joués, je sais que je n’arrive pas à 10% des efforts que mon père a dû faire. C’est aussi pour cette raison que pour moi, le football est très beau, mais il ne remplit pas la vie… »

Nicola Berti évoque Christophe Galtier

Joueur, Nicola Berti était un formidable milieu relayeur, tout en verticalité, grandes enjambées et sens du but. Consultant pour la Gazzetta, Berti est toujours aussi direct. Jusqu’à trouver des solutions loin de paraître évidentes pour le commun des mortels : « Pour l’après-Mazzarri, l’entraîneur idéal serait (Christophe) Galtier. Il pourrait devenir le Garcia de l’Inter. » C’est donc ça, la vista ?

Zanetti dit adieu au football joué

Samedi 10 mai, Javier Zanetti jouait une dernière fois devant son public. Zanetti le joueur aura fait adieu à ses supporters une première fois dans le stade : « Maintenant, je vais faire autre chose. Je ne sais pas si je le ferai bien ou mal, mais je suis sûr d’une chose : je défendrai l’Inter comme je l’ai fait sur le terrain. (…) Merci d’avoir poussé un petit vieux de 40 ans à continuer à courir sur un terrain de foot. » Et puis, une seconde fois, minuit passé, au pied du stade devant le bar dans lequel les ultras de la Curva Nord ont l’habitude de se rendre : « Je porterai toujours avec moi votre amour. Vous êtes l’Inter. Vous êtes la chose la plus importante. Je referai un match d’adieu pour vous avoir à mes côtés. » À peine devenu dirigeant (il sera vice-président), Zanetti écrit déjà l’histoire : en 2014, aucun dirigeant n’avait utilisé de tels mots pour parler à des ultras.

Cambiasso dit au revoir à l’Inter

Lui aussi présent auprès des ultras avec Zanetti, Samuel et Milito, l’Argentin avait déclaré : « Je ne sais pas ce qui va arriver. Mon envie est de continuer, la seule chose que je peux dire, c’est que quand tu as l’Inter dans le cœur, l’argent ne compte pas. Ce fut mon choix il y a dix ans déjà, mais pour le moment vous êtes les seuls à m’avoir parlé de prolongement de contrat. » Effectivement, une semaine plus tard, le club annonce qu’il ne proposera pas de nouveau contrat à l’Argentin. Mais qu’il l’attend pour occuper, dans un « futur proche » , de nouvelles fonctions. Celles de Mister, naturellement.

Prandelli ne sélectionne pas Criscito, puis enfonce le clou

Quelques jours après avoir dévoilé sa liste, la Gazzetta demande des comptes à Prandelli sur son choix de ne pas avoir retenu Criscito, arrière gauche du Zénith et habitué de la Nazionale. Alors, Prandelli s’explique : « Avec tout le respect que j’ai pour Criscito, je n’ai pas laissé à la maison Cabrini ou Paolo Maldini. » Pour rappel, Criscito n’avait pas participé à l’Euro 2012 pour sa soi-disant implication dans le scandale du Calcioscommesse. Quelques semaines plus tard, l’enquête n’aboutissait à rien. Trop tard pour jouer, évidemment. Trop triste, aussi.

Dans cet article :
France-Israël : personne ne veut prendre sa place
Dans cet article :

Par Markus Kaufmann

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