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À Naples, l'allongement de la fête
Rencontre reportée, prosecco au frais, et forces de sécurité déployées : tout était prêt pour que Naples soit sacré. Mais le match nul contre la Salernitana a repoussé, en partie, les festivités. Récit d’une drôle de journée.
Malins, les vendeurs ambulants de boissons rafraîchissantes avaient eux aussi prévu le coup pour ce derby entre le Napoli et la Salernitana. Avec eux, le prosecco attendait tranquillement les supporters azzurri à leur sortie du stade Diego Armando Maradona ce dimanche. Hélas, les plans des Napolitains ont pris du plomb dans l’aile quand l’ancien électricien Boulaye Dia a égalisé pour Salerne (1-1), installant la clim dans l’enceinte de Fuorigrotta et ses abords remplis de monde, et retardant au passage le Scudetto du voisin. Ce qui n’a pas empêché les Napolitains de se réunir après la rencontre pour prolonger cette journée de communion, et des célébrations qui vont rendre ce futur sacre encore plus palpable, voire peut-être plus jouissif.
Cette ville de Naples mérite le titre de champion ! 🤩 🇮🇹 pic.twitter.com/0opJcr4txc
— 𝗡𝘂𝗻𝗼𝗺𝗲𝗹 🇵🇹🇺🇸 (@Nunomel1605) April 30, 2023
Les petits plats dans les grands
La veille de la fête du travail. La date était parfaite pour remporter mathématiquement ce titre de champion du pays, et prévenir la gueule de bois du lundi. Une jolie offrande faite dans la semaine par les autorités quand elles ont reporté ce derby de Campanie initialement prévu samedi, pour des raisons d’ordre public. Les Napolitains ont donc eu une journée de plus pour mettre les petits plats dans les grands, et préparer cette orgie. Cimetière pour les équipes battues par les Azzurri, projection géante des trois Scudetti sur la plage de Posillipo, projet de fumigènes sur le Vésuve, ou appel à se ramener au stade avec 2 drapeaux (un pour soi et un autre pour ceux qui ne sont plus de ce monde) : l’ingéniosité napolitaine a encore fait ses preuves. Et logiquement, ce dimanche, toute la ville était sur le pied de guerre. Surtout les Fedayn de la Curva B, qui se sont donné rendez-vous place Gianbattista Vico à 9 heures. Une heure plus tard, ils quittent ensemble le quartier de San Carlo all’Arena, direction leur cathédrale à eux : le stade Diego Armando Maradona. Un trajet que ce cortège va effectuer pour une fois en métro, comme bon nombre de supporters ce jour-là, le maire Gaetano Manfredi ayant signé une ordonnance relative à l’interdiction de circuler en centre-ville, à partir de 14 heures.
« Tous à pied », tel était le slogan lancé par la municipalité de Naples pour cette soirée Scudetto. L’objectif : laisser la ligne 1 du métro et les funiculaires ouverts toute la nuit afin de permettre aux supporters, aux touristes et aux badauds de se déplacer sans trop de soucis. Raté, les transports en commun napolitains n’étant pas d’ordinaire au niveau, trois heures avant le coup d’envoi, les métros sont pleins à craquer, et affichent tous entre 20 et 50 minutes de retard. Ce qui tend certains supporters, mais fait le bonheur des taxis. Comme Luigi, qui a déposé une pléiade de tifosi au plus proche de la fournaise du stade Diego Armando Maradona, dont les abords ne sont pas seulement rejoints par les détenteurs d’un billet d’entrée. « C’est un vrai bordel aujourd’hui, il y a une telle atmosphère. Ça me rappelle le titre de 1990, même si à l’époque, on avait remporté le Scudetto lors de la dernière journée, s’extasie ce cinquantenaire dégarni, alors que la Lazio vient d’ouvrir le score contre l’Inter. Là, tout est un peu plus préparé, peut-être un peu moins spontané. Mais bon, c’est la fête quand même et c’est beau, espérons juste que la Lazio gagne. Sinon, on reportera à la semaine prochaine, et ce sera juste une deuxième fois le bordel. »
Mondovision, tunnel et barrages policiers
Retransmis dans 200 pays par Nexting, une start-up locale fondée en 2017, le bordel napolitain atteint un premier climax aux alentours de 14 heures, quand l’Inter égalise face à la Lazio, offrant aux Partenopei la possibilité d’être sacrés dans la foulée. Ce qui déchaîne les 54 000 tifosi présents dans l’arène survolée par un hélicoptère de la police nationale. Deux heures plus tard, après 60 minutes de jeu, la furia s’intensifie encore un peu plus quand Mathias Olivera ouvre le score pour le Napoli. Mais ça, c’était avant que les joueurs de Spalletti ne concèdent un match nul immérité, repoussant la fête à la semaine prochaine. « On a un peu l’air con maintenant qu’on n’est pas champions aujourd’hui, surtout que ce match a été déplacé exprès, et que celui contre Udinese a lui aussi été reporté pour pas grand-chose, analyse Matteo, bob de Diego vissé sur la tête. Ça retarde un peu tout, alors qu’on aurait pu être champion dès mardi, mais on va dire qu’on fait durer un peu le plaisir. »
La célèbre autodérision napolitaine y est peut-être pour quelque chose, mais ce supporter de 33 ans semble plus amusé que dépité. La pluie, qui s’invite vers 17h30, ou la foule devant l’arrêt de métro n’y changent rien. Lui et les supporters napolitains sont quand même décidés à continuer cette journée sainte. Sur le chemin du retour, dans la galerie Laziale, un imposant tunnel reliant Fuorigrotta au quartier côtier de Mergellina, fermé à la circulation pour l’occasion, l’ambiance ne ressemble pas à celle d’un soir de déconvenue. Bien au contraire, fumigènes et chants locaux sont encore légion, et quand la voiture de Frank Zambo Anguissa débarque pour tenter de se frayer un chemin parmi les supporters et la fumée, une troupe court derrière lui pour l’applaudir.
À la sortie du tunnel, alors que le temps est toujours maussade, le moral des troupes est loin d’être entamé. « Qu’on soit champion ou pas, on va quand même aller faire un tour dans le centre historique pour boire des coups et faire la fête. En plus, demain est un jour férié, alors que moi, jeudi soir, je suis censé bosser pendant le match contre l’Udinese », explique Matteo, qui tente de ne pas perdre ses potes, lesquels filent en direction de la place du Plébiscite. Située à deux pas des quartiers espagnols et de la via Toledo, encore noirs de monde ce dimanche soir, la plus grande place de la ville voit affluer un petit cortège de supporters qui débarquent en scandant à tue-tête « Nous gagnerons le Scudetto ». Autour d’eux, des militaires sont là pour protéger les sites historiques et archéologiques de la cité, afin d’éviter des escalades, ou des bains de minuit dans les fontaines, comme il y a 33 ans. Mais à l’image des barrages de policiers montés ici et là pour faire respecter les différentes zones piétonnes, ou les postes de premiers secours éparpillés dans la ville, leur présence apparaît presque disproportionnée au regard du résultat acquis par Naples lors du derby quelques heures plus tôt. Qu’importe, comme les supporters, ils se seront préparés pour jeudi et le match contre l’Udinese, qui sacrera les Partenopei si ces derniers ramènent au moins un point du Frioul. Ce dimanche n’était donc qu’une ultime répétition, ou comme l’a dit Spalletti en conférence de presse d’après-match, « un allongement de la fête ». Le prosecco peut donc retourner gentiment au frais, il va de toute façon bientôt couler à flots.
Par Maxime Renaudet, à Naples
Tous propos recueillis par MR, à Naples