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Seri et Gradel : les papys font de la résistance
Humiliée lors de la phase de poules de sa CAN et passée tout proche de l'élimination, la Côte d’Ivoire s’en est remise depuis le début de la phase finale à ses illustres anciens Jean Michaël Seri et Max-Alain Gradel, 32 et 36 ans. Avec l'espoir qu'ils puissent l'amener au bout.
Le but de Hakim Ziyech face à la Zambie aura été fêté avec autant de ferveur à Rabat qu’à Abidjan, le succès marocain accomplissant le miracle de qualifier la Côte d’Ivoire pour la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations. Pour les Éléphants, c’est la délivrance après deux jours « très difficiles », dixit Émerse Faé, appelé à remplacer Jean-Louis Gasset au pied levé après le naufrage de la phase de poules. Dès lors commence la préparation du huitième de finale face au Sénégal, tenant du titre et favori à sa propre succession. « Est-ce que vous m’avez connu en tant que joueur ? questionne alors l’ancien Nantais en conférence de presse avant de défier les Lions de la Téranga. Voilà ce que j’attends demain : des joueurs qui mouillent le maillot et prennent ce match comme une dernière chance, qu’on se rachète et qu’on montre au peuple que ce qu’il s’est passé lors du premier tour n’était qu’un accident. » Première décision : relancer plusieurs anciens cadres du groupe, à l’image de Jean Michaël Seri et Max-Alain Gradel, titulaires surprises sur la pelouse du stade Charles-Konan-Banny de Yamoussoukro. Avec une belle réussite.
Du neuf avec des vieux
Dans l’entrejeu, Seri a régalé, exaspérant les jeunes Pape Matar Sarr et Lamine Camara, ce dernier terminant sa soirée en pleurs, pendant que Gradel, doyen de la sélection du haut de ses 36 ans (et 106 sélections) a également démontré qu’il avait encore les jambes pour multiplier les provocations dans son couloir. Un magnifique retour au premier plan pour deux joueurs mis au placard depuis l’entame du tournoi : neuf minutes jouées face à la Guinée équatoriale pour l’ailier de Gaziantep, aucune pour Seri. « Avant le match du Sénégal et vu le contexte difficile dans lequel se trouvait l’équipe, faire appel à des joueurs qui ont de l’expérience, ça aide tout le monde, affirme Michel Dussuyer, ancien sélectionneur des Éléphants entre 2015 et 2017. Le choix a été validé par leur gros match, ce qui leur a aussi permis de remettre toute la population derrière eux. » La prestation de l’ancien milieu niçois, notamment, a étonné. « C’est un joueur avec beaucoup d’expérience, mais surtout un leader technique. Il tire également très bien les coups de pied arrêtés. C’est toujours mieux pour une équipe de ne pas jouer que sur le physique », apprécie Claude Puel, qui a vu le milieu de terrain émerger du côté de la Côte d’Azur. Avant d’y prendre son envol : « On l’avait fait venir d’un petit club portugais (Paços Ferreira, NDLR) et j’avais dû être un peu derrière lui pour le pousser au début. Mais il a très vite progressé sur l’aspect technique pour s’affirmer avec nous. »
Absent de l’épopée victorieuse de 2015, celui qui évolue désormais à Hull City a bien l’intention de tout faire pour amener son pays jusqu’au sacre, qui plus est à domicile. « Il faut aller de l’avant, encourageait-il en conférence de presse avant de lier les actes à la parole en huitièmes de finale. Il faut se concentrer sur ce que l’on peut améliorer avec Émerse (Faé). Je n’aime pas parler du passé parce que je n’aime pas employer le “si”. » Au sein d’un effectif peu expérimenté (seul trois des onze titulaires du match d’ouverture contre la Guinée-Bissau avaient déjà connu les joies d’une CAN par le passé), Faé a donc fait le choix de l’expérience et du vécu pour surmonter le traumatisme du premier tour. Les rookies Jérémie Boga, Ousmane Diomandé ou Jonathan Bamba ont ainsi perdu leur place, quand Gradel et Seri ont récupéré les leurs, bien épaulés par Odilon Kossounou, Nicolas Pépé ou Serge Aurier, à nouveau indiscutable, sans oublier l’entrée en jeu de Willy Boly face au Mali après l’expulsion du premier. « Ils sont à même de supporter la pression et de pouvoir s’exprimer plus pleinement, appuie Dussuyer, bien conscient de la pression liée à un événement disputé à domicile. Ils abordent ce match avec tout à gagner. Ils ont un côté neuf, puisqu’ils ne sont pas affectés par les mauvaises performances d’avant. »
Un brin de leadership et un maximum d’expérience : la recette gagnante ?
Obnubilé par la « discipline » et le « visage » qu’afficheraient ses joueurs, Emerse Faé a été parfaitement conforté dans son choix de management. « Pour moi, ce serait inadmissible qu’un joueur de la Côte d’Ivoire ne change pas d’attitude et ne soit pas sur la même longueur d’onde que moi sur le plan de l’envie », tonnait-il avant de faire ses preuves. Une révolution qui sera menée par les anciens, habitués des joutes continentales. « Je n’ai pas à juger les choix. Si un joueur est bon, on fait appel à lui de suite, mais là, il est très accepté dans le vestiaire, il y a pleinement sa place », estime encore Claude Puel à propos de son ancien poulain. « Je pense que ça a été une réaction des joueurs avant tout, l’énergie vient d’eux, croit Dussuyer. Cette équipe n’est jamais aussi dangereuse que dos au mur. À un moment donné, on se demande pourquoi ils vont jusque-là, c’est un paradoxe. »
En 2015 déjà, lors du sacre, Max-Alain Gradel avait commencé le tournoi sur la touche, sous les ordres d’Hervé Renard. Avant de marquer dès ses premières minutes lors de la deuxième rencontre, pour ne plus quitter le onze, prouvant déjà qu’il pouvait se muer en facteur X dégainé en cours de compétition. « Cette CAN est particulière, c’est chez nous, et l’engouement ainsi que les scénarios la rendent très spéciale, appréciait l’ancien Stéphanois ce mardi devant les médias, à la veille d’affronter la RDC en demi-finales. On est passés par beaucoup de moments incroyables. Il y a aussi eu un changement de staff, donc il fallait tout de suite mettre en place les idées que le coach avait. » « C’est comme une vague, maintenant qu’elle est partie, elle va jusqu’au rivage, image encore Dussuyer. Rappelez-vous en 2015, ils ont eu du mal en poules avec presque un huitième de finale face au Cameroun lors du troisième match. Et puis une fois qu’ils sont partis dans les matchs à élimination directe… Si on a une finale contre le Nigeria, ce sera très serré, mais je les vois passer contre la RDC à condition qu’ils remettent tous les éléments dont ils ont usé sur les deux derniers matchs. » Aux anciens de continuer à faire le job pour que la coupe reste à la maison.
Par Tom Binet
Propos de Claude Puel recueillis par TB.