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Sergio Ramos, Sévillan frustré

Par Léo Ruiz
7 minutes
Sergio Ramos, Sévillan frustré

Non retenu pour l’Euro par Luis Enrique, le capitaine de l’Espagne manquera ses retrouvailles avec sa ville, Séville, où la Roja disputera ses trois matchs de poule. Une frustration de plus pour l’Andalou, rejeté par les siens depuis son départ pour Madrid en 2005, malgré des messages d’amour répétés pour sa région natale.

C’est un dicton de la tauromachie : « La grande porte ou l’infirmerie. » Sergio Ramos, qui avant de devenir footballeur se rêvait en torero, a compris au coup de fil de Luis Enrique, la veille de la révélation au grand public des noms des 24 représentants de l’Espagne à l’Euro, que cette fois-ci, la gloire et les hourras du (maigre) public lui échapperaient. « Après des mois compliqués et une saison atypique et différente de ce que j’ai vécu tout au long de ma carrière, c’est au tour de l’Euro », lâchait l’homme aux 181 sélections sur ses réseaux sociaux en apprenant sa non-convocation pour cette joute européenne, qui aurait pu faire de lui le joueur international le plus capé de la planète. Le capitaine de la Maison Blanche, dont il n’a pu défendre les couleurs qu’à cinq reprises en 2021 du fait de ses blessures (et d’un test positif à la Covid), rate encore une fois ses retrouvailles avec Séville. Après le désistement de Bilbao, c’est finalement au stade de la Cartuja, construit à la fin des années 1990 au nord-ouest de la capitale andalouse pour tenter – en vain – d’accueillir les Jeux olympiques de 2004 et 2008, que la Roja disputera ses trois matchs de poule. Soit à dix minutes de route à peine de Camas, où Sergio Ramos a vu le jour et grandi.

 Sergio était pressé, il voulait être une star du foot. Il fallait l’aider à être plus calme, à contenir cette vigueur pour mieux lire les matchs. Mais il se distinguait nettement : il était puissant physiquement, courageux et il doutait très peu. Sa confiance en lui était déjà énorme. 

« Un supporter du FC Séville depuis le berceau »

« Camas est une ville dortoir qui a produit de grands artistes, comme les toreros Curro Romero et Paco Camino », décrit Pablo Blanco, qui a découvert de l’autre côté du Guadalquivir le jeune Sergio à l’âge de 11 ans, lorsque celui-ci jouait encore en attaque et était surnommé Schuster du fait de sa chevelure blonde. En une poignée d’années, l’adolescent précoce passait de la tribune des Biris à la pelouse de Sánchez Pizjuán. « C’était, et c’est encore, un garçon typique du Sud. Il aimait les taureaux oui, mais le foot était aussi très présent dans sa famille. C’est un supporter du FC Séville depuis le berceau », confie Pablo Alfaro, capitaine et « grand frère » du gamin de Camas à son arrivée chez les pros, à 16 ans seulement. À l’époque, le club blanquirrojo et son plus grand espoir sont encore en plein idylle.

« Sergio apprenait très vite, poursuit Alfaro, champion d’Espagne en 1993 avec le Barça de Johan Cruyff, mais plutôt réputé pour les traces laissées sur les jambes des attaquants adverses. Il était pressé, voulait être une star du foot. Il fallait l’aider à être plus calme, à contenir cette vigueur pour mieux lire les matchs. Mais il se distinguait nettement : il était puissant physiquement, courageux et il doutait très peu. Sa confiance en lui était déjà énorme. » Joaquin Caparros, l’entraîneur andalou qui l’a lancé dans le grand bain un soir de février 2004 face au Deportivo La Corogne, a vite senti lui aussi cette « faim de triompher » chez son jeune étalon. « Séville et l’Andalousie sortent traditionnellement d’excellents défenseurs centraux : Paco Gallego, Nando, Ricardo Serna, Pepe Prieto, etc. Sergio s’inscrivait dans cette lignée, avec une personnalité et des conditions physiques hors normes, même s’il jouait plutôt dans le couloir droit à ses débuts. C’était un gamin très attaché à sa ville, sa famille, ses amis », se souvient l’actuel sélectionneur de l’Arménie.

Les chevaux, une passion très rentable

De fait, cet attachement ne s’est jamais estompé. S’il a fait quasiment toute sa carrière dans la capitale, Sergio Ramos n’a jamais quitté sa région des yeux. Le drapeau vert et blanc de l’Andalousie flotte autour de sa taille après chaque trophée soulevé avec le Real Madrid, et tous les titres de la Roja ont été célébrés avec un tee-shirt en hommage à Antonio Puerta, son copain du centre de formation nervionense, décédé en 2007 des suites d’un arrêt cardiaque lors d’un match entre le FC Séville et Getafe. « Sergio est devenu l’un des meilleurs défenseurs centraux de l’histoire du football espagnol, mais il est resté très fidèle à ses amis et sa famille, assure Pablo Alfaro. Aujourd’hui, il n’est plus seulement un joueur, mais une marque personnelle avec une valeur économique très importante, qui investit sur ses terres. »

Vidéo

À l’image de Gerard Piqué, son ancien compère de la charnière centrale espagnole, Sergio Ramos n’a pas attendu la fin de sa carrière pour lancer ses multiples business. Si le Catalan a misé gros sur le tennis avec sa réforme (controversée) de la Coupe Davis, l’Andalou a naturellement opté pour ses amours de jeunesse : les chevaux. SR4, le haras qu’il détient à Bollullos de la Mitación – toujours à l’ouest de Séville – avec le cavalier Sergio Alvarez Moya, et dont il a confié la gestion au mari de sa sœur, possède quelques-uns des plus beaux spécimens du pays. Parmi eux, Yucatan de Ramos, un « pure race espagnole » , champion du monde 2018, dont le prix est estimé au-delà du million d’euros. Celui que dans la région on appelle Don Sergio Ramos Garcia vient régulièrement séjourner en famille dans sa finca de 44 hectares, où il a fait construire un terrain de foot pour maintenir la forme avec son préparateur physique personnel.

 Je ne leur pardonnerai jamais la douleur que mes grands-parents ont endurée, pour mes parents, qui ne peuvent pas retourner au stade de Séville.

La « trahison » de 2005

Cet amour pour sa région, celle-ci ne le lui rend pas forcément. À Sánchez-Pizjuán, Sergio Ramos et les siens ne sont pas les bienvenus. La rupture remonte à l’été 2005. Après une très bonne première saison complète avec son club formateur (45 matchs, 3 buts, 3 passes dé), le défenseur devient la première recrue espagnole de Florentino Pérez, qui pour 27 millions d’euros s’achète la future caution nationale d’un Real Madrid encore dans ses années Galactiques. Le départ anticipé du chouchou de la maison dans les dernières heures du mercato est très mal vécu par les supporters, qui apprennent par le président José Maria del Nido que la pépite locale a forcé sa sortie en résiliant unilatéralement son contrat – contre l’indemnité de 27 millions.

Dans sa biographie (Sergio Ramos : Cœur, caractère et passion) publiée en 2012, puis cette année dans son documentaire La Légende de Sergio Ramos diffusé sur Amazon Prime, le capitaine de la Roja démentait cette version. « Toutes les informations ont été manipulées, et ils ont menti à Séville. C’était douloureux, non seulement pour moi, mais aussi pour ma famille. Je ne leur pardonnerai jamais la douleur que mes grands-parents ont endurée, pour mes parents, qui ne peuvent pas retourner au stade de Séville. […] J’ai laissé les autres raconter l’histoire à ma place. Résultat, les fans ne m’ont pas donné la même affection que j’ai toujours eue et que j’aurai toujours pour le club. » Libre fin juin, l’Andalou, à la recherche d’un dernier joli contrat, n’a toujours pas statué sur son avenir, après une année de négociations frustrées entre son clan et Florentino Pérez. L’occasion de rentrer à la maison et de se rabibocher avec le peuple sevillista ? L’ancien de Camas, qui dans son documentaire dit se projeter jusqu’au Mondial 2026, aurait pour l’instant d’autres ambitions. « Sergio ne se contente jamais de ce qu’il a, ses objectifs sont son moteur principal, vante Pablo Alfaro. Mais je suis persuadé que quand il arrêtera, il reviendra à ses racines. »

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Par Léo Ruiz

Tous propos recueillis par LR sauf mentions

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