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Sergio Ramos, le record gâché
Devenu samedi soir en Suisse le joueur européen le plus capé de l’histoire (177 sélections), Sergio Ramos a vu son record passer au second plan, après avoir étonnamment raté deux penaltys qui auraient pu donner la victoire à la Roja. Il est désormais légitime de se demander si l’importance de l’évènement n’a pas influé sur ces deux foirades, tellement inhabituelles pour lui.
Quand on ouvrira des livres sur l’histoire du football, dans dix, vingt ou trente ans, ce garçon-là y tiendra obligatoirement une place importante. Encore plus maintenant qu’il est officiellement devenu le joueur détenant le plus de sélections nationales en Europe. Exit Gigi Buffon et ses 176 capes, le grand patron du Vieux-Continent sur la scène internationale s’appelle désormais Sergio Ramos. Samedi soir dernier, sur la pelouse du Parc Saint-Jacques de Bâle, tout était d’ailleurs réuni pour que le capitaine de la Roja fête son record de la plus belle des manières.
Le scénario était aussi bien ficelé que dans un blockbuster hollywoodien. D’abord, une première mi-temps traversée – comme tous ses petits copains – en subissant les assauts de la Nati et à logiquement voir Remo Freuler ouvrir le score. Et puis, un sauvetage sur la ligne devant Haris Seferović en début de seconde période pour empêcher le break, mais aussi et surtout amorcer le réveil espagnol, symbolisé moins de 120 secondes plus tard par un penalty dans l’autre surface, obtenu évidemment par le barbu au chignon. C’était fait, c’était écrit, c’était signé : Ramos allait marquer pour arroser son record et entrer un peu plus dans les mémoires. Et pourtant, patatras : la machine s’est enrayée.
Cauchemar pleine Bâle
Après 25 penaltys de suite marqués, le colosse a vu sa frappe sur la gauche du but détournée par Yann Sommer. Mais comme le destin est sympa, il lui a offert un second penalty à dix minutes de la fin. Nouvel essai et nouvel échec sur une espèce de panenka revisitée aussi laide que ridicule. Deux ratés qui étonnent, et qui interrogent : doit-on forcément voir un lien de cause à effet entre cette soirée record et ces deux cagades ? « C’est possible qu’il se soit dit : « Ce serait bien que je marque », estime Manuel Dupuis, préparateur mental spécialisé dans le football. Il s’est peut-être mis un peu plus de pression que d’habitude, même si je n’en suis pas persuadé. Un échec, de temps en temps, peut arriver. »
Selon le préparateur mental belge, si ce premier raté n’a pas forcément de lien avec un quelconque critère psychologique, il « l’a probablement perturbé et influencé pour le deuxième ». « Quand on marque 25 penaltys d’affilée, on n’est plus habitué à rater. Sur la deuxième tentative, il tire au même endroit, de façon très molle, n’y va pas de manière franche, retient son mouvement… On peut émettre l’hypothèse qu’il était dans le doute au moment de tirer. Et pour un penalty, si on hésite entre deux zones, il y a deux ou plusieurs messages qui sont envoyés au cerveau et qui sont forcément opposés. Cela porte à confusion par rapport à l’exécution à venir du mouvement. Même un grand joueur ou un spécialiste du penalty peut perdre ses moyens. L’excitation d’un jour de record, couplé au premier penalty raté, fait qu’il a sûrement tout cela en tête au moment de tirer le second. »
La case rattrapage arrive dans huit matchs
La meilleure solution aurait-elle alors été de laisser tirer un partenaire sur le deuxième ? « S’il y avait eu trois, quatre ou plus de penaltys lors de ce match, il les aurait frappés, a lancé le sélectionneur de l’Espagne, Luis Enrique, en conférence de presse d’après-match. Nous avons une liste de tireurs, et Ramos est le premier. Il les aurait pris aussi longtemps qu’il était sur le terrain. » Le problème n’est pourtant pas aussi simple pour Dupuis : « Quand on rate, tous les mouvements exécutés et enregistrés dans le cerveau se fondent sur un échec. Pour reprendre confiance et aborder un deuxième penalty, il faut s’imaginer dans sa tête une réussite. Soit il doit avoir une bonne stratégie mentale pour réussir à faire cela, soit il doit laisser tirer quelqu’un d’autre. Dans ce cas précis, je pense que la deuxième solution était meilleure. »
Sergio Ramos en a décidé autrement. Histoire que sa soirée de rêve initiale ne soit pas totalement pourrie, il a tout de même vu Gerard Moreno égaliser en fin de match, permettant à la Roja de gratter un point. Un maigre lot de consolation, pour un type certainement déjà passé à autre chose : « C’est un joueur de top niveau, et il a déjà eu à gérer des échecs. Analyser un échec, c’est comprendre ce qu’il s’est passé, et mettre en place des choses pour que cela ne se reproduise plus, explique Manuel Dupuis. Pour digérer ça, je ne pense pas qu’il y aura de problème. » Passer à autre chose, Ramos aura définitivement l’occasion de le faire dans huit matchs, quand il battra le record du monde de sélections détenu par l’Égyptien Ahmed Hassan (184 capes). Et pas de doute sur le fait que les deux pénos qui s’offriront à lui ce soir-là termineront au fond des cages.
Par Félix Barbé
Propos de MD recueillis par FB