Sergio Ramos, le coup de mou
Après un Euro XXL où le statut de meilleur défenseur central lui a été alloué, Sergio Ramos vit un début de saison scabreux. En conflit ouvert avec Mourinho, il est actuellement mis au placard. Dur…
La feuille de match arrivant en tribune de presse, c’est toute la populace médiatique qui s’agite : « Tu as vu, il (Mourinho, ndlr) fout Varane titulaire et Sergio Ramos sur le banc ! » Oui, tout un chacun a apprécié, jugé et/ou spéculé. Sans une minute dans les guiboles depuis le début de l’exercice – matchs avec les Espoirs français exceptés – Raphaël Varane s’en va garder l’axe central madrilène face au big boss de la perfide Albion. Mourinho avait pourtant prévenu quelques minutes après le marasme sévillan : « Aujourd’hui, il y a très peu de têtes pensant au match et à la victoire, au fait que le football est prioritaire dans leurs vies. J’arrive à en compter deux ou trois. » Sergio Ramos n’avait pas apprécié : « Nous sommes tous coupables de nos défaites et de nos victoires. Mais c’est bizarre que le coach se soit montré aussi dur au bout de quatre journées. » En deux saillies, le divorce est acté, Sergio Ramos devra squatter la guérite 90 minutes durant. Rien de très surprenant, tant les deux ego ibères se sont déjà « bataillés » . Pourtant, c’est bien sous les ordres du Special One que l’Andalou est devenu l’un des meilleurs défenseurs centraux du Vieux Continent. Vous avez dit paradoxe ?
Guerre des mots
Depuis l’arrivée du José 1er dans les offices de Santiago Bernabéu, l’histoire n’a pas toujours connu ce refrain. Alors latéral droit, Sergio Ramos est, tout en parcimonie, aligné dans l’axe d’une arrière-garde détenue par le duo portugais Carvalho-Pepe. Suite à la blessure du premier nommé, le natif de Camas s’installe définitivement au sein de la charnière blanc meringue. Quelque peu en dilettante sur son côté, il devient progressivement un roc indéboulonnable aux côtés du poète Képler Laveran Lima Ferreira. Et ce, malgré un triste record du plus grand nombre d’expulsions avec le Real Madrid (14 tajetas rojas depuis son transfert en 2005)… Ce replacement, et donc cette reconnaissance, Sergio les doit donc à José. Ce qui ne l’empêche pas de connaître ses premières chamailleries avec le Portugais. Au lendemain de la défaite de Coupe 2-1 face à l’ennemi catalan, les punchlines sont de sortie. Alors que Mourinho le critique avec virulence – « Vous vous protégez entre vous, (…) comme le gardien » , « Vous jouez à l’entraîneur, maintenant ? » – Ramos lui répond sans grincher : « Parfois, dans un match, il arrive qu’il faille changer les marquages. Comme vous n’avez pas joué, vous ne savez pas qu’il peut arriver ce genre de choses. » Headshot !
Cette discussion, inhérente à un vestiaire, est dégonflée en une semaine. Bien qu’éliminés par le Barça lors du retour au Camp Nou, les Merengues affichent un tout autre visage et désamorcent la toux naissante. Sergio, lui, voit encore rouge, mais est à créditer d’une performance somme toute pas dégeu. Un répit de courte durée. Suite à la défaite à Villarreal et à ses polémiques arbitrales, José Mourinho impose à ses joueurs une loi du silence médiatique. Ce que Sergio contredit sitôt le quart remporté sur l’île chypriote : « C’est une décision qui a été prise par le corps technique, mais aussi par les joueurs (…). Désormais, je crois que tout va revenir à la normale. Si nous avons été muets, c’est qu’il y avait une raison, mais ça serait une erreur de reparler de Villarreal et des arbitres. » Fond comme forme, Sergio n’apprécie guère les directives mourinhesques. La hache de guerre des Clásicos enterrée par le duo Casillas-Xavi et les suaves relations de la Roja ne plaisent que très peu au Special One, pour qui la rivalité Castille-Catalogne le porte au summum de son art, de son aura.
Guerre des clans
Le sieur de Setúbal s’est également fait une vertu de tenir tête aux grands ego. Pas peu avare en auto-compliments, celui qui aime à se faire appeler « El Unico » a déjà renvoyé dans les cordeaux Cristiano Ronaldo, Robben et Balotelli. Dans un fanion éminemment plus politique et soumis à la vindicte populaire, le cas Sergio Ramos est bien plus épineux. Intouchable de par son statut – champion du monde, d’Europe… – et sa nationalité – le ténébreux Sergio est un gars du Royaume – auprès des socios, il fait partie de la garde très rapprochée de San Iker. Les relations capitaine-coach étant loin d’être au beau fixe, Sergio paie en partie son amitié avec Casillas. Ainsi, après la déroute de Getafe, Mourinho s’en serait pris au gendre madrilène idéal. En public, et surtout en privé. En bon compatriote dévoué, Sergio est accouru à la rescousse. « Sur le 1-1 de Getafe, c’est une erreur de ma part. Mais jeudi, à Barcelone, sur le but de Pedro, au lieu de signaler les erreurs de tes protégés, tu as préféré évoquer une faute du juge de touche. Pourquoi les défends-tu toujours eux et nous casses-tu toujours en public ? » , relate El Pais.
Dans cette saillie, Sergio Ramos vise Coentrão, l’un des favoris du « Tout-Puissant » . Une guerre des clans qui cristallise les tensions au sein d’un vestiaire truffé de caractères bien trempés. D’un côté se trouveraient les « chouchous » (Pepe, Coentrão, Ronaldo et Marcelo), de l’autre les « locaux » (Casillas, Ramos, Arbeloa, Xabi Alonso et Albiol). Et au milieu, un beau paquet de nœuds et de tensions. Son éviction de la line-up européenne éveille donc toutes les suspicions outre-Pyrénées. En conférence post-match, Mourinho a beau faire l’éloge apaisante de Sergio Ramos, personne, même pas lui, n’y croit. Car le coquin si spécial a surpris tout son monde. Si bien que du côté du board de Florentino Pérez, on se questionne sur des choix si incongrus, relaie Marca – Özil et Modrić sur le banc, pour un milieu testostéroné. Bien décidé à reconquérir sa place de titulaire, Sergio Ramos s’est muré dans le silence. Si bien que mercredi, jour de repos, il s’en est allé seul à Valdebebas, histoire de parfaire sa condition physique. Et de s’éloigner de tout soupçon de méforme. Avec le déplacement hostile à Vallecas, le onze concocté par Mourinho sera gage de paix. Ou de belligérance. Des ragots murmurent même qu’en cas de prolongation du Mou à la tête de la Maison Blanche, Sergio irait voir ailleurs. De simples bruits de couloir pour le moment. Que les entrailles de Santiago Bernabéu peuvent pardonner. Mais ô grand jamais oublier.
Par Robin Delorme, à Madrid