- Mondial 2022
- Gr. G
- Brésil-Serbie
Serbie : Les Aigles blancs vont s’envoler
Transformée par le sorcier Dragan « Piksi » Stojković, la Serbie peut s’autoriser à voir loin au Qatar. Premier défi de taille avant d’aspirer à un parcours surprise : limiter le potentiel du Brésil, pour faire valoir le sien. Spoiler : la meilleure défense, ce sera toujours l’attaque.
Pour rendre l’espoir à leurs 13 millions de compatriotes à travers le monde et renouer avec leurs valeurs, les Orlovi ont dû se lever de bonne heure. Après une énième désillusion face à l’Écosse en barrages de l’Euro 2020, l’heure était à la douche glaciale du côté de la FSS, la Fédération serbe, réputée pour être une malaxeuse de sélectionneurs. Choisi pour prendre la suite d’un Ljubiša Tumbaković incolore et inodore, Dragan Stojković est arrivé sur le banc de la Serbie avec son aura d’ancien numéro 10 intemporel, une souris imprévisible à la carrière tortueuse ( « Piksi » faisant référence à la souris Pixie, personnage du dessin animé Pixie et Dixie et Mr. Jinks). En secouant la pléthore de talents de son pays au nom de la sacrosainte unité, celle qui doit « sauver les Serbes » comme le veut l’adage, le voilà passé d’ex-meneur à guide.
De la Luz à Lusail
Opposés à l’Irlande, à l’Azerbaïdjan et au Luxembourg sur la route de Doha, les Aigles blancs ont pu rouler des mécaniques, ne lâchant deux points qu’à l’Aviva Stadium de Dublin, sur un malentendu. Mais pour conforter leur statut « d’équipe de Coupe du monde » (à l’opposé, zéro participation à l’Euro depuis la dislocation de l’ex-Yougoslavie), encore fallait-il plier le champion d’Europe 2016, le Portugal, sur ses terres. Déjà tout pleins de ressources physiques et mentales à Belgrade, pour remonter deux buts face à la Seleção, grâce notamment à une entrée tonitruante de Nemanja Radonjić, les Serbes ont préparé le terrain pour leur match référence, tombé il y a quasiment un an jour pour jour.
Là aussi, il aura fallu des Orlovi dos au mur dès la 2e minute après une boulette de Nemanja Gudelj, qui passe aujourd’hui derrière Saša Lukić dans la hiérarchie, pour assister à la bascule. Encore inspiré à la pause, Dragan Stojković change son fusil d’épaule et remplace le milieu défensif de Séville par Aleksandar Mitrović, en pleine bourre avec Fulham, pour l’associer à Dušan Vlahović. Vous l’avez ? Fini de jouer. C’est précisément l’ancien bad boy d’Anderlecht, adepte des crêtes peroxydées chez Coiffeur Michel à Bruxelles, qui a qualifié la patrie d’Emir Kusturica pour un second Mondial de rang, grâce à son placement et à son imprenable jeu aérien. Mais alors, outre un coaching polymorphe et instinctif, pourquoi la Serbie, qui retrouve le Brésil et la Suisse comme en 2018, serait cette fois capable d’imiter l’épopée russe de son rival croate, plutôt que de s’écrouler face au Cameroun, dans un style balkanique ?
Au pays des mâles alpha
À vrai dire, la cohérence émane de la galaxie Piksi, qui murmure à l’oreille de sa colonne vertébrale, et chauffe tout ce beau monde à blanc. Un 3-4-1-2 des familles porté sur l’offensive, qui libère Filip Kostić, alias le piston capable de centrer à l’arrêt, tout en plaçant le régulateur Sergej Milinković-Savić et le maestro Dušan Tadić, les chantres du total régal à la sauce kajmak, au centre de l’échiquier. SMS est aussi désormais suppléé par son frère, le ténébreux Vanja Milinković-Savić, passé numéro un dans les cages devant Predrag Rajković. Au-delà de ses envolées sur sa ligne avec le Torino, le barbu au physique de gentil maton a eu la bonne idée de se greffer des mains à la place des pieds. Pratique pour casser un pressing haut et trouver son capitaine dans la moitié de terrain adverse, au milieu d’un no man’s land.
Plus bas, l’élément le plus fiable de la défense à trois n’est autre que l’axial gauche Strahinja Pavlović (oui oui, le meilleur ami de Niko Kovač), un fana du casse-pipe et du jeu viril, mais correct. Insuffisant pour assurer une série de clean sheets ? Qu’importe, avec le cerbère Mitrović-Vlahović à la réception des bonbons du héros de Madrid. Malgré les secousses subies ces dernières semaines par les Golgoths dans leurs ligues respectives, le duo tout beau tout frais est annoncé prêt pour le jour J. Deux fossoyeurs made in Partizan, agressifs et complémentaires, prêts à faire dévier la toupie brésilienne de son centre de gravité.
Par Alexandre Lazar