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Procès Pogba : les amis, cette famille qu'on ne choisit pas

Par Baptiste Brenot, à Paris
5 minutes

Ce jeudi se tenait le troisième jour du procès de la séquestration de Paul Pogba. Après plus de sept heures d'audience, la défense de Adama C., un des plus proches amis d'enfance de la Pioche, a été mise devant ses contradictions.

Procès Pogba : les amis, cette famille qu'on ne choisit pas

Sept heures, avec une mi-temps de quarante minutes. C’est le temps passé à la barre de la 16e chambre du Tribunal de Paris par Adama C., l’ami d’enfance de Paul Pogba, son ancien homme de confiance. Jugé comme quatre de ses cinq co-accusés pour séquestration, tentative d’extorsion, extorsion en bande organisée et association de malfaiteurs, l’homme de 33 ans a connu un jeudi 28 novembre particulièrement éreintant. Tout de noir vêtu, il est apparu tantôt serein face aux mises en cause, tantôt ému au moment d’évoquer la fameuse scène du braquage du 19 mars 2022. Adama C. a néanmoins laissé poindre quelques contradictions dans le récit des événements soumis au débat lors de ce procès.

Adama avait un rôle clef auprès de la Pioche. Il servait d’intermédiaire quand « des gens de (leur) entourage voulaient présenter des projets à Paul ». Au moment de la séquestration, il vit de la générosité du joueur. Ses dons aléatoires, de « deux à quinze-vingt mille euros, trois ou quatre fois par ans », lui ont permis de s’installer avec femme et enfants aux Émirats arabes unis. Il y développe un projet de e-commerce dans le soin buccodentaire, alors qu’il ne travaille plus depuis fin 2017. Lors de l’enquête, il déplore que Paul Labile ait « coupé les ponts » avec son entourage de la Renardière au printemps 2022. « Sans Paul Pogba, il n’y a pas de vie à Dubaï. Vous avez peur que tout s’arrête ? », lui demande la Procureur. « Pas du tout. Je me suis trompé sur les termes », élude-t-il.

Discuter de tout, de rien, et de 25 millions d’euros

C’est lui, Adama, qui serait à l’initiative de la soirée du 19 mars alors qu’il se trouve encore à Dubaï. C’est lui qui souhaite de manière répétée établir un contact avec Paul au début du mois, pour parler « de tout et de rien ». Ce tout et rien est évoqué par messages avec Mamadou M. le 10 mars. « Si on demande 25 (millions d’euros), fou, c’est de la hagra, c’est un quart de sa fortune », lui dit Mamadou. À la lecture de ce message lors de l’audience, il botte à nouveau en touche. « C’est par rapport à un transfert, c’est quand Paul arrive en fin de contrat. Il peut partir libre dans un club, et comme en 2016, Mino Raiola prend plus de 20 millions, Mamadou dit que c’est l’occasion qu’on récupère Paul ». Récupérer un quart de la fortune d’un joueur sur son transfert ? La formulation prête à confusion, a minima. Surtout à la lecture du message suivant, encore une fois formulé par Mamadou M. : « Si on demande un million chacun, après on dit qu’on va gérer son image, son transfert… Il faut peaufiner tout ça ». Dans cette perspective, l’argument d’une commission sur un éventuel transfert semble prendre du plomb dans l’aile. Le tout à neuf jours de l’attaque à main armée.

Pour peaufiner « l’arrivée du renoi » – comprendre, Paul Pogba – à la Renardière, quartier de Roissy-en-Brie, une réunion serait organisée entre les amis dès le 7 mars afin de prévoir la rencontre du 19 mars. Adama, encore aux Émirats, y est convié via Zoom, comme l’atteste un message. Un événement auquel il nie avoir participé. Mamadou dit pourtant qu’il va retrouver « Roush pour organiser tout ça ». Cette soirée du 19 mars doit être une occasion de « mettre à plat » certains « griefs ». Une simple réunion « entre amis » à laquelle prend pourtant part Roushdane K., unique accusé n’appartenant pas au cercle privé du joueur. Ce soir là, il fait pourtant office de maître de cérémonie, intimant à tous d’éteindre leurs téléphones, puis en congédiant certains. Adama peut rester, pour son rôle d’intermédiaire auprès du joueur. Paul n’aurait de toute façon pas accepté de rester seul face au « grand  » de la Renardière. Comme Roushdane le soutient lors de l’enquête, il est présent pour parler d’un projet dans la restauration qu’il veut faire financer par le joueur. « Je n’ai jamais dit que c’était pour un projet », dément Adama au sujet de la réunion du 19 mars. Dans ce cas, quelle est la raison de la présence de Roushdane, suspecté d’être l’organisateur de la séquestration ?

Des braqueurs trop bien renseignés ?

L’attaque survient dans les vingt minutes qui suivent l’arrivée sur place du joueur de Manchester United. Un timing qui interroge. Deux hommes armés d’un M16 et d’un fusil à pompe, protégés de gilets pare-balles déboulent dans l’appartement. « Ce matin, vous évoquiez trois codes (pour pénétrer dans l’immeuble). Comment les braqueurs ont pu être aussi bien informés, aussi vite, dans un endroit où Paul Pogba n’a jamais été vu ? » s’interroge l’avocate de la partie civile. « Je les trouve très bien, et surtout très vite renseignés », insiste-t-elle. « Je n’ai pas d’avis », balaye Adama.

Je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi violent. Paul avait une voix tremblante, Roush s’est interposé, Paul a dit qu’il allait payer.

Adama C.

À la barre, au moment d’évoquer les faits, Adama cherche ses mots. Il prend son temps, l’air touché, les bras appuyés sur le pupitre. Son avocat, Maître Morand-Lahouazi, lui apporte un paquet de mouchoir. « Je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi violent. Paul avait une voix tremblante, Roush s’est interposé, Paul a dit qu’il allait payer ». Un procédé qui interroge la présidente : « Ils arrivent, ils vous braquent et ils repartent sans donner de modalités pour le paiement, sans donner d’ultimatum ? ». Sa défense rappelle qu’une plainte a été déposé concernant les faits du 19 mars dont il se dit victime. Une plainte classée sans suite.

Durant l’été suivant, Mathias Pogba est mis au courant de l’affaire. Il essaye donc de joindre son petit frère, et organise l’expédition pour Turin. Il écrit notamment à Paul : « Il faut régler le problème des treize millions avec Adama », transmettant le RIB de ce dernier. Sans réponse, Adama s’énerve. « Là c’est très grave, (…) il fait le warrior. » Il s’en défend à la barre :« Quand Mathias dit qu’il faut payer, c’est pour notre sécurité à tous ». À Boubacar, Roushdane et Mathias d’être autrement plus convaincants.

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