- CAN 2021
- Finale
- Sénégal-Égypte (0-0, 4-2 TAB)
Sénégal, le lion est d’or ce soir
C’est aux tirs au but que le Sénégal a enfin décroché sa première CAN en battant l’Égypte en finale (0-0, 4-2 TAB). Tiraillés par les vieux démons du passé, les Lions de la Téranga les ont surmontés en replaçant bien haut un pays phare du continent longtemps et anormalement privé d'étoile.
Un peu comme les Three Lions d’Angleterre, les Lions de la Téranga ressassaient depuis longtemps leur lose aux tirs au but. Comme pour exorciser les vieux démons et préparer Sadio Mané à affronter sereinement encore cette épreuve éventuelle, le sélectionneur Aliou Cissé avait choisi d’endosser par avance toute la pression, la veille de cette finale contre l’Égypte qu’on devinait très fermée. Car l’attaquant de Liverpool avait souvent été critiqué au pays pour avoir manqué son tir au but face au Cameroun, lors du quart de finale perdu à la CAN 2017. « Sadio Mané est un grand joueur même s’il a raté. J’ai raté un penalty plus important que le sien », avait tenu à dédramatiser le coach des Lions, tireur malheureux en finale de CAN 2002 perdue aux tirs au but face au Cameroun…
Une si longue marche…
Hier, Sadio Mané a offert le trophée continental à son pays en réussissant l’ultime shoot d’une séance chargée de périls. Il avait déjà manqué son penalty à la 7e minute face au roc Gabaski, gardien d’un pays invaincu aux tirs au but depuis la CAN 1984. Même les stats de son coéquipier Edouard Mendy étaient défavorables, avec seulement deux arrêts sur 31 penaltys… Mais Sadio a gagné le duel des Reds contre son pote Mo Salah qui n’a même pas participé à l’épreuve ! Le Roi Lion a corrigé une des grandes anomalies de l’histoire du ballon rond en offrant au Sénégal, grand pays de football, un titre continental jamais remporté ni en sélection ni en club. Un peu comme d’autres grandes nations, telle l’Argentine en 1978 ou l’Espagne en 2010, qui avaient longtemps attendu avant de gagner enfin une Coupe du monde. Une autre génération sénégalaise talentueuse avait échoué en finale de CAN, en 2002, année de l’épopée du Mondial en Asie achevée en quarts. Il y a trois ans, les Lions avaient perdu d’un rien (1-0) en dominant globalement en finale une Algérie bénie des dieux. Cette année, c’était au tour du Sénégal, mieux remis en selle après sa chute en 2019 contre des Fennecs sortis, eux, prématurément en 2022. L’élimination du tenant du titre a ouvert symboliquement la voie royale à des vieux Lions trentenaires, renforcés par quelques lionceaux (Ismaïla Sarr, Abdou Diallo, Bamba Dieng et Pape Gueye), tous engagés dans l’aventure de la dernière chance. Car ce Sénégal était en mission. À l’image de Sadio Mané, qui ne s’est autorisé à rire, à danser et à faire le pitre qu’au moment où le titre a été définitivement acquis après son tir au but victorieux. Jusqu’à présent, il avait affiché l’impassibilité du compétiteur absolu qui ne consentait à se lâcher un peu qu’au moment de célébrer ses buts. Son tir au but en finale, ses trois buts et ses deux passes décisives ont fait de lui le héros de cette CAN 2021.
L’éclate au Sénégal !
Le Sénégal a donc remporté cette CAN décevante marquée par le drame d’Olembe et parasitée par la crise sanitaire après un premier tour fade marqué par un unique but miracle inscrit à la 97e minute sur penalty face au Zimbabwe. Les Lions sont ensuite montés en puissance en bénéficiant d’un parcours moins difficile que leur adversaire égyptien ainsi que d’une journée supplémentaire de récupération. Outre leur défense de fer (deux buts encaissés seulement) et leur arme fatale Sadio Mané, les Sénégalais ont aussi profité d’un petit coup de pouce du destin avec l’arrivée de l’attaquant Ismaïla Sarr. Parachuté dans la tanière, il a accompli des entrées en jeu décisives en quarts contre la Guinée équatoriale (un but) et en demies contre le Burkina Faso (une passe décisive). Comme pour l’Algérie 2019 ou la Zambie 2012, les astres se sont enfin alignés pour éclairer la voie du succès d’un ténor du continent africain longtemps blessé par ses échecs successifs dans le sport-roi, et ce, même malgré l’épopée mondialiste de 2002. Depuis le moment des indépendances des pays africains au début des années 1960, le Sénégal du président-poète Léopold Sedar Senghor avait été une des nations phares du tiers monde, véhiculant les concepts émancipateurs de la négritude (culture) et du panafricanisme (politique). Pionnière de la démocratie effective et actrice diplomatique continentale de premier plan, la patrie de l’immense Youssou N’Dour souffrait du complexe sportif de perdant éternel en sport. Car en Afrique, continent jeune, c’est aussi par le sport, le football en premier, que les pays ont en partie bâti leur identité et accédé à un prestige considérable lors de victoires à la CAN. Hier soir, les hommes d’Aliou Cissé ont complété définitivement par le sport leur statut de géant africain, sportif et donc politique. Et en s’accrochant enfin une étoile à la crinière, les Lions de la Téranga ont rejoint d’autres Lions majestueux, ceux de l’Atlas et les Indomptables. Les Sénégalais n’ont pas toujours brillé, mais on le répète, ils étaient en mission. En Afrique, on dispute la CAN d’abord pour son peuple et la vie des footballeurs africains est marquée par les joies ou les peines éternelles d’avoir apporté du bonheur ou non à leurs compatriotes. Hier soir, les Lions sénégalais sont devenus immortels.
Par Chérif Ghemmour