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Selim Bengriba : « À mon âge, c’est encore plus jouissif »

Propos recueillis par Maxime Brigand
9 minutes
Selim Bengriba : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>À mon âge, c&rsquo;est encore plus jouissif<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Revenu à Grenoble en 2011 pour renforcer la défense centrale et ramener le club dans le monde professionnel, Selim Bengriba a signé cet été son premier contrat pro à 37 ans. Le tout avec un CV riche de 17 saisons passées entre le National et la DH, un passage à l'usine, un autre chez Caterpillar et un but historique contre l'OM de Bielsa. Entretien avec un monstre.

Il y a quelques mois, tu expliquais dans un entretien donné à L’Equipe que si Grenoble remontait en Ligue 2 et que tu n’avais pas le niveau pour jouer chez les pros, tu l’accepterais. Pourquoi ?Le truc, c’est que je ne sais pas encore si j’ai le niveau. J’arrive dans une division que je ne connais pas. C’est comme quand je suis arrivé en National en fait : je ne pensais pas avoir le niveau et finalement, je l’ai eu. La Ligue 2, je sais que ça sera aussi très compliqué mais il faut croire en ses chances. On verra dans l’année si j’ai le niveau, on ne peut pas savoir avant.

Là, comment tu te sens au moment de débarquer dans ce championnat ?Bien, très bien. La prépa s’est très bien passée, physiquement je me sens bien et c’est certainement ma meilleure prépa depuis pas mal de temps.

Tu as été formé au club, tu y es revenu en 2011, ça se passe comment en ville en ce moment ?Il y a de l’enthousiasme, notamment de la part des supporters qui ont longtemps attendu de retrouver le monde pro et leur place en tribune ouest. Ils sont affolés (rires). Après, je pense qu’il y a aussi des personnes qui avaient arrrêté de suivre le GF après le dépôt de bilan il y a sept ans et qui vont revenir cette année. C’est positif pour le foot à Grenoble.

On a quand même mis cinq ans à sortir de CFA, ça n’a pas été évident de recommencer chaque été à ce niveau mais ça me tenait à cœur parce que j’ai été formé au GF38 et l’aider à remonter, je ne pouvais que dire oui.

Tu te rappelles du moment où le club t’a rappelé ?Oui, c’est un concours de circonstances. Olivier Saragaglia devait venir à Chambéry pour entraîner la CFA, on venait de monter de CFA2 et il y a eu un souci financier au club. Résultat, il est revenu à Grenoble et il m’a demandé de venir avec lui. J’ai accepté tout de suite. Le challenge était super : ramener le club dans le monde pro. Bon, on pensait y arriver un peu plus tôt… mais voilà, ça n’a pas toujours été de tout repos. On a quand même mis cinq ans à sortir de CFA, ça n’a pas été évident de recommencer chaque été à ce niveau mais ça me tenait à cœur parce que j’ai été formé au GF38 et l’aider à remonter, je ne pouvais que dire oui.

Dans quel état était le club à ton arrivée ?Dans mes souvenirs, quand on est arrivés, il ne restait que deux semaines avant le début du championnat. On avait la chance d’avoir les infrastructures d’un club de Ligue 2 mais pour le reste, forcément, il y avait surtout beaucoup de bénévoles. Et heureusement qu’ils étaient là pour faire tourner la machine, sinon, tout ça aurait été impossible ou du moins pas aussi rapidement. Certains bénévoles sont encore là et il faut les remercier.

Et au stade, ça se passait comment ?Les gens étaient en colère. Pas par rapport à nous, mais par rapport à la gestion du club. Mais après, tu vois, on avait quand même parfois presque 3000 personnes en CFA2, c’est quand même pas mal. Le stade sonnait vide mais les supporters venaient nous voir à l’entraînement, c’est des vrais, ils n’ont pas lâché.

Tu n’as pas eu besoin de bosser à côté ?Depuis que je suis revenu à Grenoble, non. J’ai arrêté de travailler il y a huit ans maintenant.

Alors que quand tu étais à Chambéry, c’était autre chose.Oui, j’ai toujours bossé à côté du foot jusqu’à mes trente ans. J’allais au boulot la journée, je m’entraînais le soir. Lors de ma dernière année à Chambéry, je n’aurais jamais pensé avoir un contrat pro un jour. Et il y a mon âge aussi qui fait que c’est encore un peu plus jouissif. Devenir professionnel, c’est une idée que je m’étais enlevé de la tête. Dans ma vie, j’ai été braseur, j’ai été à l’usine, j’ai travaillé un temps à la mairie d’Échirolles, j’ai été chez Caterpillar… J’ai fait plein de boulots (rires).

La bascule vers le monde professionnel ne te fait pas peur ?Peur, non, même si c’est sûr que jusqu’ici, j’ai surtout connu un milieu très humain, très familial. Là, à Grenoble, avec les montées, ça s’est doucement reprofessionalisé donc je me suis mis progressivement dans le bain pour être plus performant. J’ai commencé à faire attention à certaines choses parce qu’à ce niveau, on ne peut plus se permettre tout ce qu’on pouvait se permettre en DH ou en CFA. C’est du haut niveau, le pur et dur, donc faut être plus rigoureux, c’est normal. Par exemple, je ne faisais jamais la sieste l’après-midi, là j’en fais une tous les jours. Je fais plus de soins, de petites choses.

Devenir professionnel, c’est une idée que je m’étais enlevé de la tête. Dans ma vie, j’ai été braseur, j’ai été à l’usine, j’ai travaillé un temps à la mairie d’Échirolles, j’ai été chez Caterpillar…

L’entourage a son rôle aussi là-dedans ?Oui, forcément. Moi, je suis avec ma femme depuis vingt ans, on s’est rencontrés lorsque j’étais au centre de formation et elle m’a toujours poussé. Sans elle, j’aurais sûrement fait quelques conneries et je n’en serais pas là, c’est une certitude.

Tu n’as jamais eu envie d’envoyer tout ça balader ?Quand j’ai été viré du centre de formation, en 1998, ça n’a pas été simple : je devais rattaquer avec l’équipe première et mon père a reçu une lettre du GF, expliquant que c’était terminé avec impossibilité de re-signer. Du coup, je me suis dit que j’allais jouer comme ça, pour me faire plaisir, et je suis parti jouer à Saint-Marcellin, en DHR… J’avais mis une croix sur le monde pro, clairement. J’aime le foot mais il fallait surtout que je trouve du boulot avec les clubs. C’est ce qu’il s’est passé à Échirolles. Mais le rêve, pour être honnête, je ne l’avais plus. J’étais à Chambéry, en CFA2, c’était bien mais je ne me voyais pas plus loin.

Ces derniers temps, Grenoble n’a jamais voulu se séparer de toi ?Cet été, quand j’ai vu Max (Marty, le manager général du GF38), il m’a dit qu’il voulait me garder parce que je pense que j’ai fait une bonne saison l’an dernier. Il y a deux ans, c’était autre chose : après quatre montées avortées, le club a voulu changer des choses et ne voulait pas me garder dans le groupe. Comme j’aime le foot, que je voulais continuer à jouer, j’étais allé jouer en réserve puis le coach m’a finalement rappelé en novembre.

À bientôt 38 ans, on a un rôle différent dans un vestiaire ?Je sais que mon rôle est un peu important par rapport aux nouveaux, notamment au niveau de l’état d’esprit. L’idée est de garder ça. Moi, je suis un conquérant, je ne lâche rien. Parfois, les jeunes lâchent un peu plus rapidement donc mon rôle est par exemple de m’assurer qu’ils ne le fassent pas. Ça passe par les petits jeux à l’entraînement, des discussions, même si je ne suis pas une grande gueule qui va l’ouvrir en permanence pour rien.

Moi, je suis un conquérant, je ne lâche rien. Parfois, les jeunes lâchent un peu plus rapidement donc mon rôle est par exemple de m’assurer qu’ils ne le fassent pas.

Le club sort quand même de quelques mois compliqués entre le changement d’entraîneur un peu brutal, les incidents du barrage… Comment on s’y retrouve dans tout ce bordel ? Ce sont des choix. Nous, on n’est que joueurs, on ne peut rien faire. Je sais que mon président est quelqu’un de correct et je savais que le club allait se structurer pour faire une bonne saison en Ligue 2. Ce qui était dommageable, c’était de perdre le coach (Olivier Guéguan a été viré en juin et a été remplacé par Philippe Hinschberger, ndlr) mais ça encore, c’est le président. Il faut respecter les décisions, c’est notre employeur et nous, on est juste là pour jouer.

Olivier Guéguan t’a envoyé un message, quelque chose, depuis son départ ?Non, on n’a pas eu plus de nouvelles que ça mais il nous avait tous envoyés un message au moment de son départ. Ça s’est passé pendant les vacances, donc on a juste eu un texto pour nous dire que le coach allait partir. Lui nous a félicités ensuite pour les deux saisons passées ensemble.

De ces dernières années, on se souvient aussi de ton but marqué contre l’OM, en Coupe de France, il y a trois ans. Quand tu vis ce moment-là, tu te dis que tu es arrivé à l’endroit où tu voulais aller ?Bien sûr, je ne l’oublierai jamais. Marquer un but, pour moi, c’est déjà super bien… Là, en plus, l’OM, le club mythique, Bielsa… Mais derrière, il y a eu les montées, c’est encore plus fort qu’un but en Coupe de France, sincèrement. Je ne regarde pas trop de foot à la télé si tu veux, je ne suis pas un mec qui va se faire tous les matches de Ligue 1, Ligue 2. Pour moi, le foot, c’est un sport collectif, pas individuel, donc c’est pour ça qu’une montée est encore plus intense à mes yeux.


Après, depuis ce but contre l’OM, t’as quand même une chanson au stade : « Avant, y’avait le roi Pelé, après y’a eu Maradona et maintenant y’a Bengriba… » La comparaison est un peu abusée (rires) mais oui, ça fait toujours plaisir. Je n’avais pas non plus prévu ça et c’est un peu comme tout ce qui m’arrive depuis quelques années en fait. C’est que du bonus.

Parce que tu te dis aussi que c’est peut-être ta dernière année ?Non, non… Peut-être que ça sera ma première et dernière année en pro mais si à la fin de la saison, j’ai encore envie de jouer au foot, je le ferai, même si ce n’est pas en Ligue 2.

Et après ?Bah avec les matches le vendredi, le samedi, j’ai arrêté mes diplômes d’entraîneur parce que ça devenait compliqué et que j’ai aussi envie de passer un peu de temps avec ma famille. Je continuerai quand j’arrêterai le foot de haut niveau. Si l’année prochaine je retourne jouer en réserve, je pourrai reprendre. L’idée, c’est de rester dans le foot et de gagner ma vie là-dedans mais la carrière d’un entraîneur, c’est comme la carrière d’un joueur, c’est difficile de savoir où ça va te mener.

Peut-être que ça sera ma première et dernière année en pro mais si à la fin de la saison, j’ai encore envie de jouer au foot, je le ferai, même si ce n’est pas en Ligue 2.

Pareil pour cette saison, finalement. Tu t’es fait une petite idée de ce que tu aimerais découvrir en Ligue 2 ?C’est vrai que quand tu vois le stade Bollaert ou d’autres, ça fait envie… Mais le plus important pour moi sera de voir si j’ai le niveau de la Ligue 2. Je vais tout faire à l’entraînement pour pouvoir enchaîner les matches et on verra.

Tu sais déjà ce que tu vas faire du maillot de ton premier match ?Je l’offrirai à mon père, comme le maillot de mon premier match de National. Mes parents ont été hyper importants dans ma carrière, ils faisaient trois fois 90 kilomètres par semaine pour m’emmener à Grenoble quand j’avais onze ans… Sans eux, peut-être que j’aurais arrêté le foot. Cette réussite tardive, je la dois aussi à mes parents. Vendredi soir, ils seront au stade.

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