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Sélections nationales, la vie sans les matchs

Par Alexis Billebault
Sélections nationales, la vie sans les matchs

Depuis le mois de mars, les sélections nationales sont à l’arrêt à cause de l’épidémie de Covid-19. Hormis les européennes, autorisées à jouer en septembre par la FIFA. Ailleurs, on tue le temps comme on peut : les sélectionneurs continuent de travailler à distance, en attendant de retrouver les terrains en octobre pour certains... si tout va bien.

« C’est long, très long. Personnellement, je vis assez difficilement cette période. Un coach a toujours quelque chose à faire, mais depuis six mois, l’activité n’est plus la même. Le terrain, le contact avec les joueurs me manquent. » Depuis Ouagadougou, le sélectionneur du Burkina Faso Kamou Malo résume le sentiment quasi général ressenti par une grosse centaine de ses condisciples, exceptés les Européens, seuls concernés par la première date FIFA de la saison avec la Ligue des nations. Ailleurs, pas de qualification pour la Coupe du monde 2022 comme cela était prévu en Asie et en Amérique du Sud pour la CAN en Afrique ou de Ligue des nations dans la zone CONCACAF.

Malo, comme tant d’autres, compte les jours en espérant que la situation sanitaire permettra aux autres confédérations de sortir de ce sommeil : « Je n’attends que ça, mais sans être encore certain du programme. On travaille sur un rassemblement en France et deux matchs amicaux, mais tout dépend de la situation sanitaire. Les rencontres qu’on devait disputer en mars, juin et septembre ont été annulées alors que le championnat du Burkina Faso va reprendre le 18 septembre. Cela va me permettre de voir quelques matchs de mes internationaux évoluant au pays. Heureusement, ça a repris en Europe et cela me permet de suivre ceux qui y sont, en espérant qu’aucun ne soit touché par le virus. Notre capitaine Charles Kaboré l’a eu, mais il s’est bien remis. »

Le lien grâce à WhatsApp

Privés de match et pendant plusieurs mois de la possibilité de suivre les joueurs dans leurs championnats respectifs, les sélectionneurs ont appris à s’organiser autrement en s’efforçant de maintenir le lien avec leur staff et leurs internationaux. « Il y a des choses qu’on fait d’habitude et qu’on a continué à faire, peut-être de manière encore plus intense, comme revoir nos derniers matchs et étudier le jeu de nos prochains adversaires », intervient Nourredine Ould Ali, le sélectionneur franco-algérien de la Palestine engagée dans les qualifications pour la Coupe du monde 2022 et dont le match amical prévu en Irak le 14 septembre a finalement été annulé pour cause de Covid-19. La dernière fois qu’Ould Ali – qui vit à Marseille – a vu ses joueurs, c’était en janvier dernier lors d’un tournoi international remporté par son équipe au Bangladesh.

« Depuis, on communique par WhatsApp avec les joueurs et mes adjoints qui sont en Palestine. On prend des nouvelles, en faisant bien attention au moral des gars. Certains peuvent décrocher mentalement, après plusieurs mois sans compétition. Ils ne sont pas habitués à ça, et c’est encore plus difficile pour mes internationaux qui jouent en Palestine. Car si le championnat est professionnel, avec la crise sanitaire, des clubs n’ont pas toujours eu les moyens de payer les salaires », note Ali. Cela l’a obligé à jouer les psys pour réconforter des footballeurs en galère, comme l’a fait le Français et sélectionneur du Tchad Emmanuel Trégoat : « On a des locaux qui gagnent 200 ou 250 euros et qui, du fait de l’interruption du championnat, ne touchent plus un sou. Dans cette galère, il faut leur parler et les rassurer. »

Attention aux décrocheurs

Il y a l’aspect psychologique, évidemment primordial quand, pendant des mois, les joueurs sont privés de leur passion et de leurs habitudes. « Ils ont leurs rituels. Entraînement, vie collective, les matchs, etc. Et du jour au lendemain, il n’y a plus rien. Outre l’aspect psychologique, il y a aussi celui du physique », intervient Stéphane Auvray, le sélectionneur de Saint-Martin.

Et de continuer : « Par exemple, j’ai des joueurs qui évoluent en métropole, en National 2 ou 3, ou à l’étranger. Les mecs, pour certains d’entre eux, sont passés par des centres de formation, ont pu jouer en pro. Ils s’entraînent trois ou quatre fois par semaine et ils savent très bien ce qu’il faut faire pour s’entretenir, en respectant le protocole fourni par leur club. Mais prenez ceux qui sont à Saint-Martin : ils sont 100 % amateurs, et n’ont pas les mêmes réflexes. Résultat, certains ont décroché au niveau athlétique, et cette crise sanitaire a un peu cassé la dynamique qui était la nôtre depuis nos trois victoires l’automne dernier en Ligue des nations de la CONCACAF. »

Vidéo, stats et quiz

Maintenir le lien au sein d’un groupe d’internationaux dispersés un peu partout dans le monde a donc constitué un des socles du travail à distance fourni par les sélectionneurs. Comme bouffer de la vidéo et des statistiques a ses limites, certains ont cherché à innover. Emmanuel Trégoat, par exemple, a organisé des quiz « sur le système de jeu d’un entraîneur comme Claudio Ranieri, le rôle du numéro 6, sur Manuel Neuer, la défense à plat, etc. Les joueurs y participaient, dans leur grande majorité, avec enthousiasme. On a aussi bossé sur le design du futur maillot de la sélection nationale, et certains de mes cadres ont été consultés à ce sujet. » Trégoat a également pu organiser un stage de quatre jours à Lille, au mois de juillet dernier. Mais uniquement avec des joueurs évoluant en France, en Belgique et au Luxembourg : « Parmi eux, il y avait des gars qui ne sont pas internationaux, mais que je voulais voir et qui sont licenciés au niveau régional. Car j’ai profité du confinement pour chercher de potentiels sélectionnables. »

Comme les autres techniciens, il espère prochainement pouvoir reprendre une vie professionnelle un peu plus conforme à ce qu’il a connu avant le mois de mars. « Normalement, on a deux matchs amicaux fin septembre chez nous face au Soudan, deux autres en octobre, avant la double confrontation face à la Guinée en novembre en qualifications pour la CAN 2022 », récite Trégoat. Pour la Palestine, il faudra encore patienter, les quatre rencontres éliminatoires pour la Coupe du monde 2020 prévues en octobre et novembre ayant été reportées au mois de mars prochain. « Si la situation sanitaire le permet, on verra s’il est possible d’organiser des matchs amicaux en novembre et décembre », nuance Ould Ali. Le coach des Chevaliers va sans doute devoir trouver d’autres idées, d’ici là…

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