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Sécurité : Sait-on combien a coûté l’Euro ?
Du 10 juin au 10 juillet, la France a accueilli l’Euro 2016. Pendant un mois, des dizaines de milliers de supporters ont assisté presque quotidiennement à des matchs dans les stades ou les fan zones. Pour éviter des débordements et devant le risque terroriste, l’État, l’UEFA et les villes hôtes ont mis le paquet en matière de sécurité. Mais au fait, combien cela a-t-il coûté et qui a payé quoi ? Face à ces questions, certaines réponses restent difficilement accessibles…
« Malgré un contexte de menace très élevée, l’Euro 2016 de football a été une réussite. » Au lendemain de la victoire du Portugal en finale face aux Bleus et trois jours avant la terrible attaque de Nice, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a livré un bilan très positif de cet événement sur le plan de la sécurité. Si les affrontements entre supporters de différentes sélections nationales à Lyon, Lille et surtout Marseille ont montré les limites des forces de police dans la gestion des fans, le locataire de la place Beauvau a préféré mettre en avant l’absence d’attentat commis lors des 51 matchs disputés et les 1550 interpellations réalisées entre le 10 juin et le 10 juillet qui ont débouché sur 891 gardes à vue, 64 reconduites à la frontière et 59 condamnations. Il faut dire que les différents acteurs de l’Euro avaient dû y mettre les moyens… À commencer par l’UEFA. En charge de la sécurité à l’intérieur des stades, l’organisation a sorti pas moins de 34 millions d’euros de sa poche pour couvrir ces frais. « La plus grande partie couvre les salaires du personnel de sécurité » , détaille le service de presse de l’UEFA. « Les stadiers ont été embauchés auprès de sociétés de sécurité françaises et certains travaillent aussi pendant les rencontres de Ligue 1. Les coûts matériels (barrières, etc.) comptent pour environ 5 millions. »
Des fan zones réévaluées
Outre les frais de sécurité autour des sélections nationales (hôtels et camps d’entraînement, la protection sur la voie publique étant gérée par l’État) et sa participation à la mise en place des normes de sécurité dans quelques stades accueillant des rencontres de l’Euro 2016, l’UEFA a également pris part au financement des fan zones à hauteur de 4 millions d’euros. Initialement évalué à une dizaine de millions d’euros, le coût de l’ensemble des fan zones, dont la sécurisation a été attribuée aux villes hôtes où elles étaient situées, a finalement été revu à la hausse au mois d’avril dernier en raison des risques d’attentats et atteint au total les 24 millions. « Une réévaluation que personne ne pouvait imaginer et dont ils se seraient bien passés » , indique Christophe Lepetit, économiste du sport au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges.
« Sur ces 24 millions d’euros, 16 ont été donc pris en charge par les dix villes hôtes et 8 par l’État dont 2 millions d’euros pour la vidéo-protection » , explique Thierry Braillard, le secrétaire d’État chargé des Sports auprès du ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Ces coûts se justifient par les nombreuses embauches d’agents de sécurité issus de sociétés privées pour s’occuper de l’intérieur des fan zones, mais aussi du contrôle des accès et des palpations de sécurité. Au total, ils étaient environ 3000 répartis dans les dix villes hôtes…
Trop tôt pour connaître la facture
Passé cette soixantaine de millions d’euros, reste enfin la mobilisation des forces de l’ordre autour des stades et dans les villes qui a été organisée par l’État et coordonnée sous l’égide du ministère de l’Intérieur. Au total, plus de 72 000 membres des forces de police et de la gendarmerie, de la sécurité civile et des douanes étaient à pied d’œuvre sur toute la durée de l’Euro 2016 ! Sans oublier les 10 000 militaires de la mission « Sentinelle » renforcée depuis les attentats de novembre et les milliers d’agents de sécurité privée. Impossible cependant d’obtenir des chiffres officiels concernant les coûts entraînés par cette mobilisation exceptionnelle… Peu importent les services contactés (ministère des Sports ou de l’Intérieur, préfectures, etc.), aucune somme ne sera dévoilée. « Les préfectures de police, en lien étroit avec le ministère de l’Intérieur, ont évalué le risque de chaque match et pris les dispositions nécessaires pour répondre aux exigences de sécurité, mais il est difficile d’estimer précisément un coût/match tellement les acteurs sont multiples » , tient à préciser Thierry Braillard. Même son de cloche à propos des mobilisations des forces de l’ordre pour gérer les supporters au sein des villes et hors des jours de match. Si l’État « a assuré l’ordre public et la sécurité » , poursuit le secrétaire d’État chargé aux Sports, ce dernier affirme qu’il est également « encore trop tôt » pour savoir à combien se monte la facture en matière de sécurité sur ce point-là et donc sur l’ensemble de la compétition.
Pour l’économiste Christophe Lepetit, il est aussi très compliqué d’avoir des chiffres précis. Seule certitude à ses yeux, une rencontre de l’Euro « réunissait davantage de forces vives que les matchs les plus surveillés du championnat français » . En revoyant donc légèrement à la hausse le coût entraîné par un PSG-OM pour les forces de l’ordre (soit environ 200 000 euros), le montant grimpe à plus de 10 millions d’euros uniquement pour couvrir les 51 rencontres disputées pendant la compétition. Un montant qui ne prend évidemment pas en compte les nombreuses autres mobilisations de gendarmes et policiers pour l’Euro (ainsi que leur entretien) et qui ne représenterait donc qu’une infime partie des dépenses liées à la sécurité dont l’État a dû s’acquitter pour la « réussite » de cet événement. Réussite aujourd’hui bel et bien occultée par le drame niçois…
Par Antoine Aubry