- Euro 2012
- Groupe D
- Sélection d'Angleterre
Secret défense en Angleterre
Blessures, forfaits, recalés, choix surprenants, les défenseurs anglais ont tout connu avant le début de l'Euro. Rien de bien rassurant avant de défier les Français, lundi prochain, à Donetsk. Pourtant, l'urgence de la situation pourrait les aider à tenir la route.
« Lampard, Terry, Barry, Gerrard : tous des joueurs âgés qui ont été convoqués pour l’Euro. Pourquoi Rio est-il différent ? Traiter de la sorte un joueur qui a été capitaine et sélectionné à 81 reprises est honteux, ni plus ni moins. Pour moi, c’est un manque total de respect de la part d’Hodgson et de la FA » , s’étonne Jamie Moralee, l’agent de Rio Ferdinand. Le Mancunien de 33 piges, qui reste sur une très bonne fin de saison avec son club, regardera l’Euro depuis son canapé d’angle en cuir que l’on imagine doux et molletonné. Dans la même foulée, le défenseur s’est exprimé sur son Twitter, balançant son incompréhension à la gueule de ses quelques trois millions de followers : « What reasons?????!!! » Vous l’aurez compris, le forfait de dernière minute de Gary Cahill (mâchoire en ratatouille) n’a pas profité au défenseur le plus élégant de la perfide Albion depuis le regretté Bobby Moore. En lieu et place du joueur de Chelsea, Roy Hodgson a couché le blase de Martin Kelly, qui a la particularité d’afficher plus de bougies sur son gâteau d’anniversaire que de matchs en championnat cette saison, avec Liverpool.
Ashley Cole intouchable
Dès lors, c’est toute l’organisation défensive anglaise qui fait parler. Et qui inquiète. Au-delà du forfait de Cahill et de l’absence de Ferdinand, la sélection aux Trois Lions doit faire sans Kyle Walker, Chris Smalling (blessés), Micah Richards et Kieran Gibbs (non retenus). Devant une telle hécatombe, d’aucuns se demandent à quoi va pouvoir ressembler la défense anglaise contre la France. Une chose est certaine, le poste de gardien de but – habituel talon d’Achille de la sélection – est verrouillé depuis l’émergence de Joe Hart. Même si ses deux doublures sentent l’erreur de casting (Green et Butland), le dernier rempart anglais est solide. Très solide.
Devant lui, le Citizen devrait partir avec une charnière Lescott-Terry. Deux mecs aux profils sensiblement similaires. Des armoires, pas spécialement mobiles, mais intraitables sur l’homme et dans les airs. Pour la relance, on repassera (même si Terry n’est pas si maladroit que ça, la gonfle au pied). Sans être sexy, les deux mecs sortent quand même d’une grosse saison en club avec des titres à la clé (C1 et FA Cup pour Terry, Premier League pour Lescott). À gauche, Ashley Cole est intouchable avec ses 94 sélections et sa doublure est loin d’être une tanche en la personne de Leighton Baines (plus de 35 passes décisives en PL sur les cinq dernières saisons). En fait, c’est surtout le côté droit anglais qui laisse perplexe.
Phil Jones, le couteau suisse
Sur le mauvais côté de la route anglaise, Glen Johnson tente, autant que faire se peut, d’enlever l’étiquette « gâchis » collée sur son dos depuis quelques années. Présenté, sans doute trop rapidement, comme un bouffeur d’espace à trois poumons, l’ancien de West Ham peine à s’imposer en sélection. Et quand il enquille des matches intéressants, son corps le lâche. Quand ce n’est pas la cuisse, c’est l’orteil ou l’adducteur. Bref, le latéral droit de Liverpool n’est pas fiable sur le moyen terme. Forcément, ça oblige à bricoler. Et dans ce registre, la meilleure arme s’appelle Phil Jones. Inconnu il y a encore un an, quand il traînait sa tête de lycéen sous la liquette de Blackburn, le grand échalas est aujourd’hui qualifié d’homme à tout faire à Manchester United. Ce qui est tout, sauf un défaut. Capable d’évoluer dans l’axe de la défense, au milieu ou sur le côté droit, Philou est plus qu’un bouche-trou, c’est une putain de trouvaille. Surtout si l’un des deux titulaires de la charnière venait à se péter (on ne va pas se mentir, Phil Jagielka est terriblement léger enback-up).
Mieux, ce sentiment de bricolage défensif pourrait jouer en faveur des Anglais. On appelle ça la jurisprudence Chelsea 2012. Une équipe rongée par les incertitudes, les doutes et la malchance, mais qui défend son bout de gras comme une chienne. Savoir bien défendre, c’est également un art. Avant la blessure de Cahill, l’Angleterre pouvait se vanter d’aligner en son sein 75% du back four des champions d’Europe. Avec l’arrivée de Lescott dans l’axe, on part sur un mélange Chelsea-Manchester City, ce qui, en soi, est plutôt costaud. Reste cette saloperie de poste d’arrière droit et le flippe d’être à nouveau touché par la guigne (blessure ou suspension). Dans l’état actuel des choses, les Anglais partent pour le GR20 en tongs, sans boussole et sans gourde. Le genre de pari qui peut s’avérer fatal à la moindre averse. À la différence que les Anglais ont cette folie insulaire propre à eux. Quand on arrive à faire passer Greg Rusedski pour un virtuose du tennis, on n’est plus à un exploit près.
Par Mathieu Faure