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Sécheresse et canicule : Coup de chaud sur les pelouses

Par Gabriel Joly
6 minutes
Sécheresse et canicule : Coup de chaud sur les pelouses

Alors que les vagues de chaleur se succèdent sur le pays, les pelouses de l'élite du football - comme les autres d'ailleurs - tirent sérieusement la langue. Et si les arrêtés préfectoraux ou la prolifération de champignons rendent les billards soit jaunes, soit rêches, c'est un problème qui ne se résorbera pas du jour en lendemain. Surtout si ceux-ci seront toujours de plus en plus chauds...

Ce vendredi 5 août, la Ligue 1 reprenait ses droits dans un contexte climatique particulier. L’Europe occidentale connaît une période de sécheresse et de fortes chaleurs continues et, à l’appel de la Première ministre Élisabeth Borne, une cellule interministérielle de crise a appelé à la responsabilité de chacun pour gérer les réserves d’eau. Ainsi, la LFP a logiquement suspendu ses championnats des pelouses pour l’élite et son antichambre. Une décision bienvenue au vu de l’état du terrain de Montpellier observé ce dimanche lors de la victoire des locaux contre Troyes (3-2).

En temps normal, le substrat laisse passer l’eau plus facilement. Le seul souci, c’est qu’il garde toute l’humidité et quand il fait chaud, cela crée un bouillon de culture propice à l’arrivée de champignons.

Champignons et tuyauterie

S’il n’a pas empêché Téji Savanier d’y aller de son doublé, le pré de la Mosson fait depuis quelques jours grise mine. Ou plutôt jaune mine. Comme en 2018, il a été attaqué par deux champignons aux noms charmants : un pyricularia et un curvularia. La faute non pas à la sécheresse mais bien au mercure qui s’excite. « Il faudrait qu’il fasse maximum 20 degrés la nuit. À 25°C, comme c’est le cas en ce moment, la pelouse n’a pas le temps de se reposer, explique Bruno Fablet, le référent pelouse de la métropole de Montpellier, qui s’occupe de celle sur laquelle évolue le MHSC. Pour la pelouse, plutôt que de la terre, on utilise un substrat. C’est un mélange de sable fin, de copeaux de liège et de fibre synthétiques. En temps normal, ce substrat est mieux parce qu’il laisse passer l’eau plus facilement. Le seul souci, c’est qu’il garde toute l’humidité et quand il fait chaud, cela crée un bouillon de culture propice à l’arrivée de champignons. » Une situation loin d’être unique. « Il y a différents types de surface pour les terrains mais tous subissent les conditions climatiques de la même manière », rajoute Sébastien Cottat, responsable technique des pelouses pour l’entreprise Sparfel, qui fournit certains billards de Ligue 1.

La semaine dernière, Troyes indiquait dans un communiqué que la pelouse du stade de l’Aube connaissait les mêmes difficultés : « Ces maladies se traduisent par l’apparition de taches brunes, un dessèchement des brins d’herbe qui meurent avant de se détacher. D’après les échanges entre jardiniers, d’autres stades et centres d’entraînement sont également touchés dans l’Hexagone ». Comme à Montpellier, l’enceinte des Troyens se trouve à proximité d’un cours d’eau, ce qui ne facilite pas la tâche des jardiniers. D’autant qu’il n’existe pas vraiment de solution miracle pour se débarrasser de ces mycoses de pelouses. « On a de moins en moins de produits phytosanitaires contre ces maladies pour des raisons écologiques. Dès 2025, ça sera fini, développe Bruno Fablet. Nous, on traite avec des produits homologués mais ils font plus ou moins effet. Sinon, on arrose moins pour réduire l’humidité. Les tâches jaunes sur le terrain sont aussi liées à ce sevrage. »

Stress et paille

D’ailleurs, la plupart des pelouses saines sont en ce moment privées d’eau, elles aussi. Partout en France, les préfectures ont pris des arrêtés en raison de la sécheresse pour limiter son utilisation, notamment dans le cadre de l’arrosage des gazons de Ligue 1. Le Stade rennais s’était justement fait épingler mi-juillet par l’association Eau et Rivières de Bretagne pour avoir abreuvé ses terrains d’entraînements en plein après-midi. « Il y a eu quelques petits arrosages en journée. C’est une erreur de notre part, il y a eu un couac en interne, avait réagi un porte-parole du club contacté par la presse locale. Depuis, tous les arrosages de la Piverdière et du Roazhon Park se font de nuit. »

Si on était un peu moins regardant sur le côté esthétique, le cynodon pourrait se généraliser dans les stades à l’avenir car malgré sa couleur jaunie, la pelouse conserve sa qualité

Les Bretons n’avaient en effet aucune dérogation malgré l’arrêté préfectoral en vigueur dans l’Ille-et-Vilaine. Pourtant, il n’est pas rare que les professionnels arrivent à en obtenir une. « À Brest, on peut arroser tous les deux jours, détaille Sébastien Cottat dont l’entreprise s’occupe de la pelouse au stade Francis-Le Blé. En journée, on arrose certes pour que la balle fuse sur le terrain mais avant tout pour l’entretien. Avec la sécheresse, la plante manque d’eau plus rapidement donc sa pousse va être ralentie, parfois même elle noircit ». En cas d’autorisation de contournement, les jardiniers doivent tout de même prendre des pincettes avec l’herbe. « Il faut se limiter aux opérations vitales. On arrose au petit matin parce que la plante capte l’eau beaucoup mieux que pendant la nuit où elle est en dormance, précise le spécialiste de chez Sparfel en rappelant que l’arrêté permet tout de même d’économiser une centaine de mètres cubes d’eau sur l’été. On peut aussi relever la hauteur de tonte de la pelouse d’un millimètre ou deux. Ce n’est pas grand-chose mais cela permet à la plante de faire plus de réserves au niveau de ses feuilles. Mais il n’y a pas de recette miracle, chaque club fait différemment ».

À Montpellier, les greenkeepers de la ville ont déjà testé un nouveau type de pelouse dans l’antre du Montpellier Hérault Rugby, le champion du Top 14. Ils emploient plutôt du cynodon qui demande beaucoup moins d’eau et reste vert en été. « On l’a testé au GGL Stadium et après une mêlée, ça tient bien ! Mais comme cette plante jaunit l’hiver, cela pose problème pour la télé, regrette Thierry Guittet, directeur des sports de la métropole. Si on était un peu moins regardant sur le côté esthétique, cela pourrait se généraliser dans les stades à l’avenir car malgré sa couleur jaunie, la pelouse conserve sa qualité ». Reste que les jardiniers héraultais ont une réputation à défendre puisque depuis 2020, la Mosson a terminé successivement première et deuxième au classement des pelouses. À la Ligue et aux diffuseurs d’entendre cet argument et d’en tirer les conséquences pour faire face à la réalité écologique actuelle.

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Par Gabriel Joly

Tous propos recueillis par GJ, sauf mentions.

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