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Sébastien Desabre : « Je comprends qu’à Niort, l’annonce de mon départ en République démocratique du Congo a été mal perçu »
Sébastien Desabre (46 ans) aura dirigé Niort deux saisons et deux matchs, avant de mettre un terme à son séjour dans les Deux-Sèvres, au début du mois d’août, alors que son successeur à la tête des Chamois, Rui Almeida, a été officialisé ce dimanche. Le technicien français est aujourd'hui bien loin de la paisible préfecture du centre-ouest, puisqu'il s'est établi à Kinshasa, afin de remplacer l’Argentin Héctor Cúper à la tête de la sélection de la République démocratique du Congo, pas très en forme ces derniers temps.
Passer de Niort (59 000 habitants) à Kinshasa (près de 16 millions d’habitants), c’est un vrai changement…En effet ! Kinshasa est une ville immense, même si, pour l’instant, je n’ai pas encore vu grand-chose, car je suis arrivé il y a une quinzaine de jours et j’ai accompagné la sélection locale au Cameroun pour un match qualificatif pour le CHAN 2023 contre le Tchad. C’est un sacré changement, mais je connais très bien l’Afrique, j’ai vécu dans plusieurs grandes villes, dont Le Caire, Abidjan, Casablanca, Kampala ou Tunis. Je m’adapte en général assez vite à mon nouvel environnement. Ce qui est assez impressionnant ici, ce sont les embouteillages. Mais je sais aussi que Kinshasa est une capitale animée, très active d’un point de vue culturel. Pour l’instant, je prends mes marques, je vis toujours à l’hôtel dans le quartier de Gombe, je travaille sur la composition de mon staff technique, sur les matchs amicaux prévus contre le Burkina Faso et la Sierra Leone en septembre à Casablanca.
Allez-vous vous installer à Kinshasa ?Bien sûr. Il y a un championnat d’un sacré niveau ici, avec des clubs comme le TP Mazembe, Vita Club, DC Motema Pembe, Saint-Eloi Lupopo… Je vais aller dans les provinces, voir des matchs, rencontrer des gens. Il y a des internationaux congolais qui jouent au pays, et je suis également de près la sélection locale, entraînée par Otis N’Goma et qui s’est qualifiée pour le CHAN. Mais bien évidemment, je viendrai régulièrement en Europe pour voir les internationaux, ou ailleurs, car il y a des Congolais qui évoluent dans d’autres pays africains.
Avant de parler de la sélection congolaise, il convient quand même de revenir sur votre départ précipité de Niort, après deux journées de championnat. Au mois de juin, alors que l’Argentin Héctor Cúper venait d’être viré, votre nom circulait déjà à Kinshasa… Oui, mais moi, à cette date, j’étais à 100 % dans le projet de Niort, car il n’y avait aucun contact avec la RDC. D’ailleurs, la RDC n’avait pas lancé d’appel à candidatures. C’est venu en juillet. Moi, je n’avais jamais caché à mes dirigeants à Niort que mon ambition était de redevenir sélectionneur national d’une équipe africaine à haut potentiel, capable de se qualifier pour une phase finale de Coupe du monde. J’ai donc été candidat en RD Congo, parce que cette possibilité répondait aux critères que j’avais définis. La RDC, c’est un des plus gros potentiels d’Afrique. J’ai été choisi et avec Niort, les choses se sont vite arrangées. Je suis parti en très bons termes avec tout le monde, et j’ai encore des contacts avec Mikaël Hanouna, le directeur sportif, avec qui j’ai passé deux très bonnes saisons. Revenir en France m’a fait du bien, après avoir passé des années à l’étranger, notamment en Afrique.
Au niveau du timing, ce n’était en revanche pas vraiment ça, même si vous n’y étiez pour rien : la fédération congolaise avait annoncé votre nomination quelques heures avant le match face à Bastia, le 6 août. On a connu plus fair-play…Oui, mais on ne choisit pas toujours forcément le meilleur moment. Je comprends qu’à Niort, ça a été mal perçu. C’est comme ça, on ne va pas refaire l’histoire. Avec Niort, je me suis entendu pour que je puisse partir et moi, je ne souhaite que du bon à ce club. J’y ai passé deux années très enrichissantes. Niort, c’est un club qui n’a pas beaucoup d’argent, qui s’est appuyé l’année dernière sur de très jeunes joueurs pour se maintenir en Ligue 2. On avait terminé à la 13e place, alors que l’année précédente, on s’était sauvés lors des barrages, face à Villefranche. Mais jouer le maintien, ce n’est pas facile tous les jours. Vous avez beau être à Niort, dans une ville calme, dans un environnement plutôt tranquille, la pression, vous l’avez, car maintenir le club au niveau professionnel avec des moyens financiers limités, ce n’est pas évident.
Vous avez aussi prouvé aux dirigeants français, assez frileux dans ce domaine, qu’un compatriote qui entraîne depuis des années en Afrique peut réussir quand il revient dans son pays…J’espère que cela aidera un peu à faire changer les mentalités. Niort m’a fait confiance, et je pense avoir atteint mes objectifs. Revenir un jour en France ? Je ne sais pas, je viens de m’engager en RDC pour trois ans, c’est la seule chose qui m’intéresse. On verra un jour s’il y a des opportunités en France pour entraîner en Ligue 1. Honnêtement, je n’y pense pas.
Revenons à la RD Congo. Avez-vous l’impression d’arriver dans un pays où le football est en crise ?Pas en crise. Mais il traverse clairement une période assez compliquée, au niveau de sa sélection nationale. Elle ne s’est pas qualifiée pour la CAN au Cameroun ni pour la Coupe du monde et elle est mal partie dans les qualifications pour la CAN 2024 (deux défaites en deux matchs contre le Gabon et le Soudan, NDLR). Les supporters sont déçus, et c’est normal. Moi, j’ai signé un contrat de trois ans en tant que sélectionneur-manager. L’objectif, c’est la CAN 2025 et la Coupe du monde 2026. La CAN en Côte d’Ivoire reste accessible, mais le ministre des Sports (Serge Nkode, NDLR) et la fédération savent qu’avec deux défaites, ce sera compliqué.
Il n’y a plus qu’à expliquer cela aux supporters congolais…Je sais que la sélection nationale est très, très importante en RD Congo. Elle n’a plus participé à la Coupe du monde depuis 1974, ni gagné la CAN depuis la même année. C’est un vrai pays de football, avec des supporters passionnés et exigeants, mais comme cela arrive presque partout, la sélection traverse une période difficile. Moi, je suis là pour qu’elle atteigne ses objectifs, pour qu’elle fasse de nouveau partie des meilleures équipes d’Afrique. Il y a ici un potentiel incroyable, en plus des joueurs qui évoluent à l’étranger. Je sais que j’ai la pression, mais ça ne me fait pas peur, au contraire. Je me nourris de cela, j’avais envie de revivre une expérience dans un grand pays africain.
Certains joueurs se sont récemment plaints de problèmes récurrents de manque d’organisation au sein de la sélection. Avez-vous identifié les problèmes ?On va faire bouger quelques lignes. Le ministre des Sports a accepté que je sois sélectionneur et manager. Nous allons prendre quelques décisions, mais je ne vais pas en parler dans la presse maintenant. On va mettre certaines choses au point, car il faut que tout soit rapidement opérationnel. La sélection va jouer en septembre, puis peut-être en novembre, et en mars prochain, on jouera deux matchs qualificatifs décisifs face à la Mauritanie. Si on veut garder nos chances d’aller en Côte d’Ivoire, il faudra les gagner. Et tout doit être fait pour mettre les joueurs dans les meilleures conditions…
Propos recueillis par Alexis Billebault