- Coupe du monde 2014
- 1/4 de finale
- France/Allemagne (0-1)
Se faire avoir comme des Bleus
L'EDF est tombée sur plus forte qu'elle, certes, mais l'EDF a manqué de réussite, d'expérience et de confiance. Pire, d'idées. Dommage, pour une fois qu'on avait vraiment du pétrole…
Douze, ou le nombre de minutes qu’il a fallu au système allemand pour prendre l’avantage sur le français, avec ce but de Hummels. Douze, ce n’est pas beaucoup. La France joue là son plus mauvais football depuis le début du Mondial, un passage à vide qui lui coûtera la qualification. Car ensuite, comme à leur habitude, les Bleus ont fini plus fort, et mis une belle pression sur le but allemand en fin de rencontre. Mais le mal était déjà fait.
Lahm à droite, Per sur le banc, Khedira et Bastian enfin réunis au cœur du jeu. Özil en meneur, Klose en pointe, Löw avait arrêté les expérimentations et choisi d’aligner un 4-2-3-1 pensé vers l’avant. D’ailleurs, la France fut bien trop rapidement acculée dans son camp, ses lignes trop vite dilatées. Didier Deschamps, lui, a disposé ses joueurs en 4-3-3. Le choix le plus marquant ? La titularisation d’Antoine Griezmann plutôt qu’Olivier Giroud. Explication de DD : « J’ai fait le choix d’Antoine, car c’était important de mettre de la vitesse. Je m’attendais aussi à voir Lahm à droite, et il fallait qu’on puisse bien défendre sur ce côté-là. »
Quand se pointent les teutons
Malheureusement, la France ne défend pas assez bien. Ni de ce côté-là, ni dans l’axe. Griezmann titulaire, Benzema est donc avant-centre. Soit encerclé du premier carré allemand, la charnière plus Khedira et Schweinsteiger, qui en profite pour trouver Özil dans les espaces. Cabaye est déjà obligé de sortir bien trop haut. Matuidi et Pogba pressent, moins que d’habitude certes (et c’était prévu : pas forcément besoin de compresser la relance allemande, la France veut surtout contrôler, tenir et jouer le contre, la vitesse, les bons coups, plus que gagner la bataille de la possession), mais sont suffisamment aspirés par la balle pour se retrouver trop hauts par rapport à leur charnière centrale, qui ne les suit pas au pressing et se retrouve du coup trop vite livrée à elle-même. L’Allemagne l’accule. Douzième minute, l’Allemagne mène même 1-0. Sur coup de pied arrêté d’ailleurs, il n’y a pas de secret, et peut-être même une histoire de karma là-dedans. Rappelez-vous, ce match préparatif contre le Paraguay, et ce but encaissé, déjà, sur coup franc… Quoi qu’il en soit, karma, erreur de marquage ou foutus Allemands, la France doit absolument revenir.
Elle commence déjà par resserrer son bloc. Les autres ont toujours la balle et jouent entre nos lignes, sous le nez de notre défense, c’en est trop. La France se reprend et essaie de repousser l’Allemagne dans son camp, mais rien à faire, les Allemands défendent trop bien leurs positions. Joachim Löw a bien fait d’abandonner son 4-3-3 pour une organisation plus solide. Le 4-2-3-1 avec Kroos et Müller un peu plus hauts que Schweinsteiger et Khedira a dessiné une vraie ligne de 4 façon ligne Maginot, en mieux. Tous les Allemands ont bien défendu, et dégagent une vraie force collective sur ce match. Sans parler de Neuer, il semble acquis qu’on retrouvera ce système en demi-finale contre le Brésil.
Comme l’Allemagne défend plutôt bien, elle choisit de (relativement) laisser la balle à la France. Pourquoi pas. Hormis le long d’une diagonale Pogba-Griezmann, les Bleus ne trouvent jamais le chemin qui leur permettrait de vraiment déstabiliser le bloc teuton. Surtout que Neuer continue d’être le meilleur libéro de ce Mondial et que les Bleus ne parviennent pas vraiment à prendre la profondeur. Il y avait clairement consigne, d’ailleurs, de jouer entre Boateng et Lahm. Mais les quelques fois où c’est passé, le dernier geste a toujours été pile ce qu’il fallait de foireux, poil ce qu’il manquait de tranchant, précis ou chanceux pour égaliser…
Manuel Neuer, oui je fais un malheur
Pour la première fois depuis le début du Mondial, les Bleus jouent contre meilleurs qu’eux, et qui plus est contre meilleurs qu’eux qui n’ont pas peur de l’intimidation physique. Alors, pour la première fois depuis le début du Mondial, Didier Deschamps change de système. 73e, entrée de Loïc Rémy et passage en 4-2-3-1 avec Matuidi et Pogba à la récupération, Valbuena dans l’axe, Rémy à droite, Griezmann à gauche. Pas mieux. 85e, entrée d’Olivier Giroud et passage final en 4-4-2. Les Bleus peuvent continuer à chercher…
Bien sûr, on retiendra le manque de réussite française sur ces dernières opportunités et ce vrai bon gros coup de pression mis sur les buts allemands en fin de rencontre. Une fois encore, les Bleus finissent fort. Mais, plus que sur le manque de réussite (même si Benzema a par exemple frappé cinq fois sans marquer, à ce niveau, le très haut niveau, c’est embêtant), de chance, d’expérience ou la monstrueuse sensation d’invincibilité qui se dégage de Manuel Neuer, il convient ici de s’attarder sur le manque de créativité française. Si-si.
Si les Bleus ont magnifiquement su revenir dans le match, remonter le bloc, et gagner la bataille de la possession (complètement française en seconde mi-temps, même si la tactique allemande y est certainement aussi pour quelque chose), ils n’ont pas non plus su vraiment quoi faire de la balle et ont clairement manqué d’inspiration, d’idées, et, il faut bien le dire, d’un peu plus de talent. À l’image de la dernière possibilité du match, et cette passe foirée de Blaise Matuidi. Ce ballon qui roule en touche, lentement, le long de l’ultime action…
L’EDF ne manque pas de gaz
Les joueurs français n’ont jamais, ou bien trop peu, permuté. Quid du Petit Velo qui vient pédaler dans l’axe, de ses permutations avec Griezmann, de la mobilité de Benzema ? De même, Matuidi et Pogba auraient dû parfois prendre plus clairement le couloir, afin d’apporter une situation de trois contre deux, un surnombre, un décalage, et venir vraiment perturber ce bloc allemand. D’ailleurs, si Pogba s’est quelques fois essayé au cassage de reins et de lignes en première mi-temps, il ne l’a plus fait du tout en seconde. Et ce n’est pas là que Matuidi a commencé à le faire. Cabaye, lui, s’est montré appliqué à la construction, mais loin d’être génial. Une inspiration ? Une merveille de long ballon ? Une frappe de loin ? Il aurait fallu prendre plus de risques, oser, tenter ces choses que l’on a trop peu vu dans ce match. Le 4-3-3 de Deschamps est une très bonne organisation, performante à la récupération et à même de permettre à l’équipe de se créer des espaces pour mieux s’y engouffrer. Maintenant, le chantier consiste à trouver quoi faire quand il n’y en a pas. Hier, les Bleus n’ont pas su faire bouger les lignes et semblaient trop soucieux de garder leur système en place, de ne pas commettre une autre erreur et entraîner ainsi un deuxième but allemand, qui leur aurait été fatal. C’est con, c’est surtout de ne pas trouver comment égaliser qui le fut.
C’est d’autant plus con que les Allemands ont plusieurs fois raté des balles de break (ce 4 contre 2, avec Müller qui d’abord rate la balle, puis Schürrle sa reprise…), qui laissaient penser, si l’on est un tant soi peu sensible aux signes que nous envoie le football, que les Français pouvaient revenir. Les Allemands, eux, ne croient pas aux signes ; ils croient à la vérité du résultat. En attendant, les Bleus peuvent croire en leur avenir.
Par Simon Capelli-Welter