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Schubert, symphonie d’un intérim
Si la Bundesliga avait commencé cinq journées plus tard, le leader ne serait pas le Bayern Munich. Sur les six derniers matchs, un entraîneur a réussi à faire mieux que Pep Guardiola : André Schubert, entraîneur intérimaire le plus solide du monde avec Mönchengladbach.
Il y a un mois et demi, le Borussia Mönchengladbach était bon dernier avec un zéro pointé. C’est la crise pour le club, et Lucien Favre choisit de partir de lui-même. Le choc est grand. Le même Favre ayant redonné de l’éclat aux Fohlen, pour parvenir jusqu’à la Ligue des champions. Seulement, depuis le début de la saison, rien ne se passe comme prévu. Au contraire, le club coule à toute vitesse, le choix est fait par le Suisse. Tout le travail accompli est à mettre aux oubliettes, et l’équipe dirigeante doit trouver une solution au plus vite pour assurer le minimum : gagner quelques matchs dès que possible et ne pas trop entamer l’embellie du club sur ces dernières années. En attendant d’avoir l’homme idoine, c’est le coach de la réserve qui va se charger de la transition. André Schubert devient intérimaire et gagne six fois, en six matchs. Dans l’histoire du championnat allemand, seul Willi Entenmann a fait aussi bien pour des débuts. C’était avec Stuttgart, en 1986, et déjà l’œuvre d’un intérimaire. Le record peut tomber si Schubert gagne contre Ingolstadt. Granit Xhaka pose alors la question que tout le monde pense : « Que peut-on vouloir de plus ? » Pourquoi changer ? Mais même avec ce record, André Schubert reste sur la sellette, comme simple intérimaire.
« Intelligent, drôle et poli »
André Schubert n’est pas non plus un débutant. Avant de se retrouver dans l’antichambre de Lucien Favre, le natif de Kassel a fait ses classes en 3e et 2e division, avec Paderborn – qu’il fait monter – puis le FC Sankt-Pauli. Avec ces deux clubs, Schubert prouve que son diplôme obtenu avec brio (major de la promotion 2004) n’était pas du chiqué. Les débuts sont étonnants. Paderborn termine par exemple 5e de 2. Bundesliga grâce à lui ; avant que Sankt-Pauli ne l’embauche et passe tout proche d’un retour en Bundesliga dès sa première saison comme entraîneur en chef – les barrages sont manqués à la différence de buts. À l’époque, il est suivi par Aljoscha Pause, pour son documentaire sur les entraîneurs (avec Jürgen Klopp, Armin Veh, Thomas Schaaf…). Dans les colonnes de 11Freunde, le cinéaste se montre élogieux à propos de Schubert. « C’est un homme très intelligent, drôle, et dans le même temps poli et précis. » Son secret pour réussir ? « C’est un très bon communicant. J’ai eu l’impression qu’il savait exactement comment parler à chacun des joueurs. » Malheureusement, tout se termine en eau de boudin. Après quelques matchs à l’été 2012 et deux victoires seulement, Schubert est remercié. Un coup dur qui n’empêche pas le bonhomme de reprendre sa voie, avec passion et philosophie. En juillet 2015, il rejoint Gladbach pour s’occuper de la réserve. Les événements le propulsent comme intérimaire en chef, mais il le dit sans complexe : « Je n’ai pas besoin d’être entraîneur d’une équipe de Bundesliga ou 2. Bundesliga pour être heureux dans ma vie. »
Intérim pour toujours
Sur le bord du terrain, avec son sweat à capuche vert fluo et son crâne luisant, Schubert a déjà apporté une certaine fraîcheur dans le monde des entraîneurs. Décontracté et drôle, comme peut l’être Jürgen Klopp dans ses bons jours, Schubert semble savoir qu’il ne sait pas exactement où il va et ne pas s’en inquiéter. Aljoscha Pause confirme. « On remarque encore aujourd’hui que c’est un grand travailleur. Il dépense beaucoup d’énergie quand il s’agit de son travail. Mais il voit les choses aujourd’hui avec plus de décontraction et ne se laisse pas influencer par la société ou par le paysage médiatique. » Peu importe l’excitation qui gagne les médias avec ce démarrage en fanfare. Schubert sait raison garder, comme après la victoire à Berlin : « Tous les entraîneurs sont des intérimaires. Moi, je n’ai pas de contrat, c’est tout. »
Max Eberl en rajoute une couche et prévient : il veut du très long terme, à l’image de Lucien Favre et ses 4 ans et demi chez les Poulains. Or, il y aura forcément de moins bons résultats, des défaites, des échecs. C’est à ce moment-là que les dirigeants vont devoir choisir si Schubert fait l’affaire. Il y a déjà de petits échecs, d’ailleurs, au niveau supérieur. En C1, Gladbach reste sans victoire sur ses 4 matchs et ne peut guère espérer plus qu’un pis-aller vers la Ligue Europa. « Malgré tout, ajoute Aljoscha Pause, je suis persuadé qu’André Schubert est le bon entraîneur pour cette équipe. » Probablement notamment parce que les réticences de la direction ne sont pas grand-chose face aux envies des supporters et… des joueurs. Les Fohlen se tiennent derrière Schubert. Ils sont prêts à se sacrifier pour lui. Nouveau venu en provenance d’Hanovre, Lars Stindl est élogieux : « On apprécie tous pour le moment sa manière de travailler. Son départ n’est pas un sujet de conversation. » Alors Max Eberl ravale son chapeau, met temporairement un terme aux discussions avec d’autres coachs et envisage même de discuter du mercato d’hiver en collaboration avec son intérimaire. Xhaka se montre satisfait dans la presse. « Je ne suis pas contre l’idée de l’avoir pour coach intérimaire pendant trois ans. » Mais au fait, ça peut être renouvelé combien de fois un contrat en intérim ?
Par Côme Tessier