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Schiappa, impossibles quotas

Par Adrien Candau
5 minutes
Schiappa, impossibles quotas

La secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes souhaite que « 50% des retransmissions sportives soient vouées au sport féminin », les femmes « constituant 52% de l'humanité ». Une opinion évidemment clivante, alors que la question du manque de représentativité du sport et plus spécifiquement du football féminin ne convoque encore aucune solution évidente.

L’histoire retiendra que Marlène Schiappa semble adepte des solutions simples. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel présentait ce mardi l’opération Sport Féminin Toujours, qui a pour but d’inciter les médias à valoriser plus largement le sport féminin, et la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes avait quelques arguments d’une précision mathématique à faire valoir : « En 2012, le sport féminin, c’était 7% des retransmissions sportives, en 2016 c’était 20%, la trajectoire de progression est encourageante. Mais les femmes constituent 52% de l’humanité. Demander 50% des retransmissions, ce serait déjà un compromis. »

Le règne de l’audience

L’affaire, évidemment, est sensible, et la Macroniste se retrouvait une fois de plus au cœur d’un interminable dégueulis de haine sur les réseaux sociaux, où les arguments étayés et mesurés de certains de ses contradicteurs sont invisibilisés par l’océan d’insultes numériques dans lequel elle se trouve une fois de plus ensevelie. Si la rhétorique de la secrétaire d’État s’appuie sur des données numériques objectivement observables, l’interprétation qu’elle en retire peut s’apparenter à une conclusion expéditive. Si le volume du diffusion du sport féminin reste très inférieur à celui du sport masculin, c’est évidemment d’abord parce que les disciplines dames n’engendrent pas une audience comparable. Exemple avec le tennis, historiquement une des disciplines les plus avant-gardistes au regard de la médiatisation et l’exposition des sportives, où les femmes convoquent significativement moins de spectateurs que les hommes. À titre d’exemple, en France, 1,8 million de téléspectateurs ont regardé Ashleigh Barty battre Markéta Vondroušová lors de la dernière finale de Roland-Garros, tandis que 3,3 millions de personnes ont observé Rafael Nadal se payer Dominic Thiem chez les hommes.

La loi du Marché

Les chiffres en eux-mêmes ne constituent pour autant pas un argument imparable pour justifier l’inégalité constatée quant au volume de retransmission des sports féminins et masculins. Pour gagner en popularité, la visibilité, surtout télévisuelle, n’est pas une option, mais un impératif, et la responsabilité des médias du petit écran français dans la sous-médiatisation du sport féminin illustrée par Marlène Schiappa ne relève pas du fantasme, comme l’illustrent les chiffres communiqués par la secrétaire d’État. Cette dernière, en affirmant que 50% des retransmissions sportives doivent être vouées au sport féminin car « les femmes constituent 52% de l’humanité » , construit néanmoins son argumentaire sur des notions d’équité, d’égalité et de responsabilité éthique très éloignées de la logique de fonctionnement du sport business et des médias qui participent à sa valorisation. Pour une chaîne de télévision privée, le sport est un simple produit d’appel, aussi bien pour attirer les annonceurs que les spectateurs. Point final.

Tout ce qui n’engendre pas immédiatement une audience satisfaisante est, toujours pour répondre à la logique économique d’une entreprise privée, marginalisé, voire carrément banni de la grille des programmes. Et le foot féminin dans tout ça ? Depuis la saison 2018-2019, c’est Canal+ qui s’est adjugé les droits du championnat de France. Des matchs que la chaîne cryptée s’est empressée de reléguer sur Foot+, seules les grosses affiches, comme PSG-OL mi-novembre dernier, se retrouvant sur la chaîne mère. Signe que l’engouement pour la D1 hexagonale féminine semble rester relatif (à l’image du nombre de spectateurs dans les stades de l’élite féminine, où la majorité des clubs rassemblent en moyenne moins de 1000 spectateurs par match), alors même que celui pour l’équipe de France, lui, semble avoir passé un cap décisif : les trois meilleures audiences de la TV française en 2019 sont en effet les matchs des Bleues face aux USA, le Brésil et la Corée du Sud, tous diffusés sur TF1. Quoi qu’il en soit, imposer un volume obligatoire de diffusion de sport féminin aux chaînes TV entrerait en contradiction avec la nature même du sport et plus particulièrement du football de haut niveau, dont les acteurs, aussi bien clubs, institutions que diffuseurs, n’obéissent globalement plus qu’à une seule grande loi immuable : celle du marché.

Inaction publique

Dans un tel contexte, le rééquilibrage souhaité par Schiappa ne peut dès lors s’effectuer qu’au travers d’acteurs qui ne sont eux-mêmes structurellement pas soumis aux impératifs économiques engendrés par ce même marché. Le cas échéant, on pourrait se demander pourquoi France Télévisions, une société détenue à 100% par l’État français, ne s’est pas positionnée pour acquérir les droits de la D1 féminine pour, au contraire de Canal, diffuser les matchs à des horaires significativement plus attractifs, sur France 2 ou France 3. Le tout afin d’éventuellement engendrer un cercle vertueux, qui permettrait au football féminin d’élargir et fidéliser son public, comme d’augmenter sa valeur vis-à-vis des diffuseurs et des annonceurs. L’argumentaire de Marlène Schiappa ne serait-il pas dès lors désamorcé, au regard de la relative mollesse de l’action publique, quant à la médiatisation du sport et du foot féminin ? Une certitude demeure : la secrétaire d’État peut difficilement prôner un devoir d’exemplarité et d’équité aux médias privés en la matière, quand les gouvernements successifs, y compris le sien, n’ont jamais sauté le pas de la médiatisation à grande échelle du sport féminin, et plus spécifiquement du football, sur les chaînes du service public.

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