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Schalke et Gazprom : un divorce inévitable à l’heure de la guerre en Ukraine

Par Julien Duez
7 minutes
Schalke et Gazprom : un divorce inévitable à l’heure de la guerre en Ukraine

Proche de Vladimir Poutine, directeur du projet de gazoduc Nord Stream 2, Matthias Warnig était également membre du conseil de surveillance de Schalke 04 jusqu’à ce jeudi matin, date à laquelle il a annoncé sa démission d’un club avec lequel il n’avait a priori aucun lien. Et pour cause : avant de rouler main dans la main avec Gazprom, sponsor de longue date des Königsblauen, et le pouvoir russe, Matthias Warnig a fait carrière dans l’espionnage pour le compte de la Stasi. Autant dire que son encombrante personnalité ne manquera pas à tout le monde. Quant à son employeur, son nom ne s'affichera plus sur les maillots des joueurs. Avant de complètement disparaître ?

Hasard ou pas ? Parfois, la réalité dépasse la fiction. Lorsque ce lundi, le compte Twitter de Schalke 04 annonçait la réduction du prix de son maillot floqué Gazprom, qui aurait parié que ces soldes anodines précéderaient la reconnaissance de l’indépendance des républiques de Donetsk et Lougansk par Vladimir Poutine ?

Toujours est-il que le jour J, soit ce mardi, le très caustique twittos @TaxitellerFonzy, bien connu des supporters königsblau, a proposé de changer de sponsor principal, en remplaçant le logo du géant gazier russe par celui d’un célèbre fast-food grec de Gelsenkirchen, plus représentatif du terroir local. Moins polémique aussi.

Parce qu’au-delà de la blague, ce détournement est venu rappeler que cela fait maintenant 15 ans que Gazprom sponsorise le club de la Ruhr et que ce partenariat pose problème à certains. Surtout au vu de la guerre déclarée par la Russie à l’Ukraine au matin de ce jeudi. L’effet papillon ne se trouvant pas toujours là où l’on pense, cet événement a secoué le (petit) monde du football allemand lorsque, en fin de matinée, un membre du conseil de surveillance de Schalke 04 a annoncé sa démission. Son nom : Matthias Warnig. Un nom pas forcément très connu, mais dont le départ ne risque pas de chagriner grand monde.

L’encombrant Herr Warnig

Les premiers à s’en réjouir seront certainement les supporters de Schalke eux-mêmes. Et pour cause, dans un pays viscéralement attaché à la démocratie en vigueur au sein des clubs de foot, Matthias Warnig fait tache. Contrairement au reste du board de l’écurie de Gelsenkirchen, il n’a pas été élu par les Mitglieder du Nullvier, mais coopté au sein du conseil de surveillance en juillet 2019, à la faveur d’une poignée de sièges à pourvoir de cette manière. Et si, à l’heure d’Internet, il ne faut guère longtemps pour se renseigner sur le parcours d’une recrue, celui de Warnig a des allures de personnage de roman policier. Né en 1955 à Altdöbern, une petit bled de la campagne brandebourgeoise et, donc, situé en République démocratique allemande, l’homme, passé par les Freie Deutsche Jugend (jeunesse allemandes libres, sortes de komsomols à la sauce allemande de l’Est) entre à la Stasi à sa majorité et, sous divers alias, espionne plusieurs institutions en Allemagne de l’Ouest. Avec zèle, comme en témoigne, peu avant la chute du Mur, sa décoration de la médaille d’or de l’armée nationale populaire (NVA) par le chef de la police politique, Erich Mielke, lui-même. « Il nous paraît inconcevable qu’un ancien officier de la Stasi, une organisation qui a détruit des milliers de vies, occupe un poste officiel au sein de notre club en étant coopté par le conseil de surveillance, et ce, sans discussions préalables avec l’assemblée générale des membres », avait alors dénoncé le groupe de supporters Schalker Block 5 dans une lettre ouverte, tout en constatant n’être « nullement pris au sérieux » par la direction face à laquelle ils exposaient de nombreux griefs, à commencer par l’ex-président du club, Clemens Tönnies.

Ce passé, Matthias Warnig ne le renie pas. Pas plus que sa proximité avec Vladimir Poutine, dont il a fait la connaissance après la chute de l’URSS en 1991, et ce, alors qu’il tentait d’ouvrir une filiale de la Dresdner Bank à Saint-Pétersbourg, où l’actuel président russe était alors chargé des relations économiques extérieures. En tout cas, officiellement, certaines sources affirment que les deux hommes s’étaient déjà rencontrés du temps de la RDA. Depuis, l’ex-espion a roulé sa bosse avec brio dans la Mère Patrie, enchaînant les mandats d’administrateur au sein de grandes entreprises proches du pouvoir (entre autres, la banque VTB et le fabricant d’aluminium RUSAL), avant de démissionner en 2018, à la suite de sanctions américaines, dans le cadre du conflit ukrainien. Cette même année, le quotidien autrichien Die Presse, auquel Warnig a accordé l’une de ses (très) rares interviews, affirmait « qu’aucun étranger en Russie n’était plus proche de Poutine que lui ». Cela explique probablement son poste de directeur du projet de gazoduc Nord Stream, dont le premier chantier, reliant Vyborg, dans le nord de la Russie, à Greifswald, au bord de la côte baltique allemande, a été achevé en 2011, avant de prendre la tête de son successeur, Nord Stream 2, dont l’actionnaire majoritaire est… Gazprom. C’est d’ailleurs en qualité de représentant de la filière allemande du groupe gazier que Warnig avait rejoint le board de Schalke 04, son prédécesseur Sergueï Kouprianov, alors directeur adjoint de la communication de la firme, ne pouvant faire suffisamment acte de présence en raison de sa domiciliation à Moscou.

Pour l’anecdote, le site allemand Spox avançait voici deux ans que le poste de Matthias Warnig aurait pu être récupéré par l’ancien chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, ce dernier siégeant lui-même au sein du conseil d’administration de Nord Stream. Mais sa non-nomination s’expliquerait par le fait que l’intéressé est également membre d’honneur du CA du Borussia Dortmund. Si le conflit d’intérêts paraît évident, Spox rappelle cependant que Schröder est un ami de longue date de Clemens Tönnies et que c’est grâce à lui que Gazprom est devenu le sponsor principal des Königsblauen en 2007. De quoi en faire l’un des partenariats les plus anciens de Bundesliga. Sauf qu’il aura fallu un début de guerre pour rappeler que même les plus belles histoires ont une fin.

Se défaire de la Gazprom-addiction

Avec la démission de Warnig se posait presque logiquement la question de la suite du partenariat Gazprom-Schalke. Un partenariat lucratif puisque le site Sportschau précisait il y a deux jours que celui-ci, renouvelé l’an dernier jusqu’en 2025, rapportait environ dix millions d’euros par saison au club de Gelsenkirchen. Une somme considérable, surtout pour une écurie évoluant désormais en D2 et qui, selon Bild, pourrait s’élever à quatorze millions (hors bonus) en cas de remontée en Bundesliga. Dans la foulée, le tabloïd allemand relevait que, ce jeudi midi, l’entraîneur Dimítrios Grammózis s’était présenté en conférence de presse en arborant une veste de survêtement neutre.

Exit Gazprom ? La confirmation est arrivée quelques heures plus tard, au moment de publier ces lignes : « Au regard des événements survenus ces derniers jours, le FC Schalke 04 a décidé de retirer l’inscription « Gazprom » de ses maillots. Cette décision a été prise à la suite des discussions avec le groupe Gazprom Germania (du nom de la fameuse filiale allemande du groupe, NDLR). À la place, seule l’appellation « Schalke 04 » apparaîtra sur le torse des Königsblauen  », a expliqué la direction dans un communiqué. Dans le discours officiel, aucun lien avec les frappes russes survenues en Ukraine ce jeudi matin n’est donc mentionné. Quant au maintien du sponsoring, aucune précision n’a encore été apportée de la part des deux parties. Et alors que le monde retient son souffle face à la brutale escalade du conflit en Ukraine, reste à savoir si Schalke 04 choisira de continuer à encaisser ces millions nécessaires à sa santé financière ou bien de se réinventer pour avoir, sinon les mains propres, au moins la conscience tranquille à l’avenir.

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