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#SauvonsLeTFC, désamour épistolaire

Propos recueillis par Arthur Stroebele
10 minutes
#SauvonsLeTFC, désamour épistolaire

Lancé il y a un peu plus de deux semaines par des supporters toulousains, le mouvement #SauvonsLeTFC prend peu à peu de l’ampleur. L’objectif ? Faire parvenir une lettre de mécontentement aux dirigeants du TFC afin de faire bouger la situation d’un club avant-dernier de Ligue 1 qui flirte chaque année un peu plus avec l’étage inférieur.

Souvent moqué pour son manque d’engouement, Toulouse est un club où certains fidèles résistent, malgré des résultats en chute libre depuis plusieurs saisons. Chaque année, le couperet tombe juste à côté, parce qu’il y avait moins bon que lui. Ou moins chanceux. Mais cette saison, le Tèf semble plus que jamais lancé sur l’autoroute de la Ligue 2. Une autoroute en travers de laquelle trois entités tentent de se mettre : le site LesViolets.Com, l’Association de défense des intérêts des supporters toulousains (Adist) et l’émission de radio La Feuille de match (F2M). Entretiens croisés avec des membres du triumvirat des supporters toulousains, à l’origine de #SauvonsLeTFC.


D’où est venue l’idée ce projet ? Camille Hermet (Membre de F2M) : L’élément déclencheur est intervenu après la défaite catastrophique à Montpellier (3-0, N.D.L.R.). L’idée de ces deux lettres types à envoyer est venue d’un membre de l’Adist. Tout le monde les a suivis, et on a lancé l’opération. On veut que les Toulousains se réveillent et qu’ils s’unissent pour s’exprimer : râler chacun dans son coin n’a aucun impact. Yves Dussert, président de l’Adist : C’est notre idée, effectivement. Encore une fois, on se retrouve avec un club qui nie la réalité. Le constat qui ressort des diverses réunions auxquelles on a pris part est qu’on est face à un mur. Alors, c’était à nous de trouver une solution pour fédérer les gens afin qu’ils expriment leur ras-le-bol. Jean-Baptiste Jammes, créateur du site LesViolets.Com : Ce projet, c’est la preuve qu’il y a des supporters prêts à se mobiliser pour faire en sorte que, même à leur niveau, le club ne meure pas à petit feu dans l’indifférence générale.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste l’opération ?CH : L’idée, c’est simplement d’envoyer une lettre au club. Il y a deux lettres « modèles » qui sont à télécharger :

On a déjà tout changé depuis dix ans : les joueurs, les entraîneurs, les dirigeants du centre de formation, la pelouse… Il y a une seule chose qui n’a pas changé : la direction.

une qui demande le remboursement de l’abonnement et l’autre qui explique pourquoi on ne veut plus venir au stade. Mais on insiste sur le fait que l’opération est symbolique. Le remboursement de l’abonnement au Stadium, nous, on s’en fout. C’est surtout pour être entendu par le club, pour inonder leur boîte mail ou boîte postale. On a déjà tout changé depuis dix ans : les joueurs, les entraîneurs, les dirigeants du centre de formation, la pelouse… Il y a une seule chose qui n’a pas changé : la direction. JBJ : Permettre aux supporters du TFC de se mobiliser derrière un mouvement : voilà l’ambition. Il se veut pour le moment digital et effectivement symbolique. Les gens peuvent envoyer la lettre telle quelle, mais ils peuvent aussi bien sûr la modifier avec leurs mots. YD : Pour être honnête, je ne sais absolument pas si l’idée des lettres peut être efficace, ou non. Mais on a essayé un tas de formats : les boycotts, les banderoles, les fêtes ironiques… Bref, ça n’a jamais assez marché. C’étaient des opérations par à-coups. Maintenant, on veut un truc en profondeur, mais on est à tâtons, on cherche des leviers.

Est-ce que vous avez une estimation du nombre de lettres qui sont parvenues au club ? CH : Il y aurait plus de deux cents lettres de mécontentement, et plus d’une cinquantaine de demande de remboursement. Ça bouge parce que le club a rappelé ceux qui avaient demandé le remboursement pour leur demander des explications. On pensait que ça allait être mis à la corbeille immédiatement. JBJ : La mobilisation est intéressante. Dès le lancement de l’opération, plusieurs centaines de tweets ont aussi été envoyés avec le #SauvonsLeTFC, au point de le mettre en tendance Twitter. En plus des lettres, c’est donc une énorme réussite. YD : On est contents de ces chiffres, c’est un bon début. Mais surtout, c’est très bien que le club ait réagi, ça veut dire que ça fonctionne un minimum : on pensait que ce serait un énième coup d’épée dans l’eau.

Quel est le but, concrètement, avec l’envoi de ses lettres ?JBJ : En fait, c’est une première pierre à l’édifice de quelque chose qui se veut, peut-être à terme, plus grand.

C’est au-delà d’une victoire ou de résultats : il faut communiquer, donner envie, progresser, bref retrouver la flamme TFC.

En tant que supporter, je me refuse de voir ce club ne pas nous respecter et même nous insulter : je ne parle même pas de l’aspect sportif, là. C’est au-delà d’une victoire ou de résultats : il faut communiquer, donner envie, progresser, bref retrouver la flamme TFC. Le respect, ça coûte zéro euro, on n’est pas sur un problème d’argent. YD : La direction prend tout avec fatalité : la situation sportive, la décroissance du nombre d’abonnés… Alors, ils se renferment sur eux-mêmes. Sauf que tout ça peut évoluer. Le salut passera par le dialogue et la communication, c’est notre intime conviction. Tout le monde sait parfaitement qu’il n’y aura jamais de Neymar au TFC, ce n’est pas ce qu’on réclame. Ce qu’on réclame, c’est un projet clairement expliqué par une figure qui incarnerait le sportif : ça passera toujours mieux de se planter sur le terrain si, au moins, on a essayé de proposer quelque chose de cohérent et dont tous les supporters font partie.CH : Typiquement, la formation du groupe Élite cette saison avec une sélection des meilleurs jeunes qui côtoient l’équipe professionnelle en vue de l’intégrer, c’était très clair et cohérent. Bon, ça ne s’est pas révélé gagnant pour l’instant, mais au moins, on nous avait expliqué quelque chose. Mais la plupart du temps, on navigue à vue sur tous les plans, et on prend un entraîneur qui ne sait même pas contre qui on va jouer le prochain match, c’est dire…

Est-ce que Toulouse est un club propice à ce genre d’actions de supporters ? CH : Bien sûr ! Le stade est vide, ok. Mais il ne l’a pas toujours été ! Il y a un public qui aime ce club, quoi qu’on en dise. Quand tu vas dans un stade, tu vas voir un spectacle, sauf que celui du Stadium est médiocre. L’archétype du Toulousain — sauf exceptions bien sûr —, c’est celui qui a tendance à soutenir quand son équipe gagne. En ce moment, c’est tout beau tout rose au Stade toulousain, mais quand ils galéraient un peu plus, Ernest-Wallon n’était plus rempli non plus. JBJ : À Toulouse, on accepte trop de choses depuis des années, c’est vrai. Ce n’est évidemment pas la première saison teintée de problèmes sportifs et de relations conflictuelles entre la direction et les supporters. Mais il y a toujours des supporters pour trouver des excuses. Mais même ça, ça change. La situation est de moins en moins acceptable. On ne dit pas qu’on va tout révolutionner, qu’on a les meilleures idées du monde et qu’on va faire de Toulouse une équipe enviée par toute l’Europe. Mais changer les comportements, ça serait un très grand pas. YD : On verra sur le long terme si la mobilisation prend. Il y a des choses à faire à Toulouse, et la direction ne se rend pas compte qu’il existe un vivier de supporters dans cette ville et qu’il faut les impliquer.

Est-ce que la bonne solution ne serait pas de tomber en Ligue 2 et de repartir avec une nouvelle équipe aux mains du club ?JBJ : Je constate que beaucoup de supporters commencent à penser cela, et j’en fais peut-être partie. Sans penser que ce soit totalement bénéfique, bien sûr, mais je ne détiens pas la bonne solution.

Vu le peu d’engouement autour du club, si en plus on tombe en Ligue 2, ça signera la mort pure et simple du football de première division à Toulouse. Impossible d’en venir à vouloir espérer ça.

Une descente entraînera-t-elle suffisamment de changements ? Une chose est sûre, pour le moment, on va dans le mur : et les seuls qui pensent l’inverse sont dans les bureaux du Stadium. YD : Il y a dix ans, j’aurais pu répondre que pourquoi pas. Aujourd’hui, les ligues sont de plus en plus fermées, notamment avec les barrages. Alors vu le peu d’engouement autour du club, si en plus on tombe en Ligue 2, ça signera la mort pure et simple du football de première division à Toulouse. Impossible d’en venir à vouloir espérer ça. Olivier Sadran est un formidable gestionnaire d’entreprise avec son groupe Newrest, je ne comprends même pas comment il peut accepter de voir son club dans cet état. Ça me rend triste que des salariés — et je ne parle pas des joueurs — soient en danger à cause de tout ça. CH : Beaucoup de gens pensent qu’une descente est synonyme d’un nouveau départ, mais c’est faux. Pourquoi les dirigeants bougeraient si on descendait en Ligue 2 ? Pourquoi les supporters reviendraient ? On va surtout s’enterrer dans un championnat très physique où des écuries historiques se cassent les dents depuis plusieurs saisons. Toulouse n’est pas assez structuré pour éviter la descente aux enfers.

On a l’impression que le principal problème reproché n’est même pas sportif, mais davantage relationnel avec le club.CH : Le terrain est un réel problème, malgré tout. Mais ça ne s’arrête pas là, oui. J’ai l’impression qu’on est le seul club de Ligue 1 dans cette situation. TFC-Lille en 2018, ça a été la goutte de trop, et ça a causé une énorme fracture. Sauf que d’un autre côté, le club est capable de faire une bâche pour Brice Taton, de faire des places à prix réduit pour son hommage et de sortir un maillot spécial : on se dit qu’il y a de la schizophrénie, alors comment y voir clair avec ce club ?JBJ : Le relationnel n’est absolument pas bon, clairement… Avec le site LesViolets.Com, c’est très compliqué. Et puis, on est le seul club en France où l’entraîneur part, et ni Olivier Sadran ni Jean-François Soucasse ne daignent venir expliquer les raisons du pourquoi et du comment. Ça montre un désintérêt total. Sans parler des promesses non tenues comme le changement de la cellule de recrutement ou les nouveaux terrains d’entraînement. YD : La problématique est aussi dans la stratégie. Rien n’est préparé. Kombouaré, personne ne sait pourquoi il est venu, ni pour combien de temps. Même lui ne s’était pas préparé à venir. Il va faire la saison, peut-être nous sauver, puis il sera viré quand ça ira mal la saison prochaine. Et on recommencera avec un pompier de service qui ne permet rien de plus que de végéter.

Il y a Toulouse-Marseille, ce soir (21h). Le Stadium sera très probablement bleu et blanc. Est-ce que, finalement, ce match n’est pas parfaitement représentatif de ce que vous dénoncez : la défaite du club face à ses propres supporters ? YD : C’est complètement ça. C’est l’accumulation d’erreurs qui font perdre au club son identité. La boutique vendait quand même des demi-écharpes Toulouse-Marseille… Si c’était un match de Coupe d’Europe, encore… Mais là, ça sert juste à faire de l’argent. Comment tu veux donner envie aux gens de venir et de soutenir Toulouse ? La communication est devenue minable.JBJ : Pascal Dupraz avait essayé de faire bouger les Toulousains sur ce sujet, mais ça n’avait pas fonctionné. Faut quand même se rendre compte qu’avant ce match, il existe de la tension chez les supporters : dès qu’on croise quelqu’un dans la rue, on se dit qu’il va venir au Stadium en supportant l’OM. On va jouer à l’extérieur, chez nous.CH : Et je remonterais même quelques années en arrière : il y avait le groupe de supporters Sharks31 en virage Ouest, auquel le club avait gentiment demandé de partir. L’idée, c’était de pouvoir mettre davantage de supporters adverses et gagner de l’argent. Les Marseillais, Lyonnais et Parisiens ont un virage acquis à leur cause au Stadium. L’identité toulousaine se perd.

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