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Sarr Well
Le bilan papier est simple : une passe décisive. Mieux, le match de Bouna Sarr face à Nice révèle autre chose, d'une impression tacite que quelque chose a changé. Ce gars-là a progressé, c'est indéniable. Et une semaine après sa première présélection en équipe de France, voilà un nouveau débat de relancé...
Premier indice : Bouna Sarr se balade rarement nu en public, élément qui devrait déjà, en soi, suffire à faire la différence. Certains confondent pourtant encore, alors on continue : Bouna Sarr n’est pas non plus spécialement musclé, Bouna Sarr porte les cheveux courts et – preuve s’il en fallait – Bouna Sarr se trimbale rarement avec un rocher plus grand que lui dans la montée vers Notre-Dame-de-la-Garde. Bref, le gamin n’a, au premier coup d’œil, rien d’un Sisyphe, héros bodybuildé de la mythologie grecque, condamné dans le Tartare à faire éternellement rouler jusqu’en haut d’une colline un rocher qui en redescendait chaque fois avant de parvenir au sommet.
Dans les faits, on s’en rapproche pourtant : ici, pas de grosse pierre, on parle de réputation. Celle d’un ancien attaquant moqué par le public, « rétrogradé » latéral droit faute de mieux par un entraîneur en panne de solutions annexes, et qui, subrepticement, a rendu crédible une question qu’il était un temps le seul à se poser : pourrais-je mériter l’équipe de France ? Malheur aux sceptiques, après la rencontre face à Nice (où il a remplacé Hiroki Sakai, forfait de dernière minute), sa candidature prend encore du poids.
Dé-Sisyphe défensivement
Pour l’accepter, encore faut-il ravaler une salive acidifiée par deux ans de critiques, et écouter les propos du bonhomme au micro de RMC Sport le vendredi 19 octobre dernier. Il y parle des Bleus, « un rêve » pour lui, une « grande nation » , et, au détour d’un des plus insipides poncifs de footballeur, une surprise : « Je travaille pour prétendre aux Bleus, sans être prétentieux. J’ai reçu ma première présélection pour le dernier rassemblement. » Et c’est ainsi que, de fait, ce que beaucoup ont un temps pris pour une blague de René Malleville s’est concrétisé. Sarr en Bleu face à l’Islande et l’Allemagne ? Et puis quoi encore ? Encore fallait-il confirmer, prouver que le crédit fuyant dont fait preuve Pavard pourrait être à son bénéfice, alors que Ruben Aguilar louvoie également dans les pensées de Didier Deschamps.
Mission réussie face à une équipe de Nice séduisante en première période, perdue en seconde, et qui n’aura probablement pas craqué au moment du but de Sanson, mais quelques secondes plus tôt. Flash-back, la bobine saute légèrement : accélération côté droit d’Allan Saint-Maximin – qui, s’il savait lever les yeux, serait déjà au Bayern –, centre au cordeau pour Balotelli au second poteau… et corner. Au milieu du circuit électrique, la pile Bouna Sarr, venu faire faux contact au détour d’un tacle bien senti devant l’attaquant italien. On louait auparavant ses qualités offensives, façon de se foutre plus moralement ses jugements défensifs : merde alors, ce Bouna-là a progressé.
Fini l’abordage
Il y a la passe décisive pour Sanson dans la foulée, bien sûr, issue heureuse d’un centre en retrait décidément trop peu utilisé dans le foot moderne, mais il y a bien plus que cela. Si le milieu de l’OM a d’ailleurs manqué de mettre un doublé sur un copié-collé en début de seconde période, encore une fois sur un centre de Sarr, c’est bien derrière qu’il a été le plus utile. Simple, sobre, là où il le fallait, pas devant. Ce gars-là souffre d’un passif qui ne permet plus de le regarder avec des lentilles neutres, il faut pourtant s’y plier : si Deschamps l’a présélectionné, c’est qu’il le mérite.
Même constat pour le match de Saint-Maximin, dont les mouvements dangereux sont venus lorsqu’il débordait Amavi sur sa droite. Pas de signe de vie lors de ses permutations avec Maolida à gauche, et encore moins de Malang Sarr, sorti pour Srafi à la 86e. Un chiffre, toutefois, apparu au détour d’un bandeau de ces Canal+ qui vous font regretter Marcos Baghdatis : à la 55e minute, Bouna Sarr avait déjà récupéré huit ballons. Décidément pas le genre de gars à se laisser emmerder par un rocher qui le traîne vers le bas, même quand celui-ci s’appelle « crédit » .
Par Théo Denmat