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Sarah M’Barek : « Les joueuses se fichent du sexe du coach »

Propos recueillis par Lhadi Messaouden
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Ancienne joueuse et internationale, Sarah M'Barek est la seule femme entraîneur à exercer dans le championnat de France féminin. Coach de l'En Avant Guingamp depuis 2013, la native de Chaumont revient sur son parcours et l'absence de techniciennes dans le football féminin.

Lorsque vous avez mis un terme à votre carrière de joueuse en 2006 à Montpellier, pensiez-vous déjà à devenir entraîneur ?

J’y pense depuis que je suis toute petite. C’était un rêve d’enfance et, à l’âge de vingt ans, c’est devenu mon objectif. Je faisais des études de sport, je souhaitais devenir coach ou professeur d’EPS. En revanche, je ne pensais pas devenir entraîneur si tôt. En 2005, je suis devenu maman et, en 2006, j’ai eu ma greffe du rein. Ces deux événements ont accéléré le processus, car je voulais encore jouer au football. À la fin de la saison 2006, alors que j’étais en congé maternité, l’entraîneur de Montpellier n’a pas été reconduit dans ses fonctions. Loulou Nicollin est venu me voir et m’a proposé le poste. Il m’a demandé si j’étais prête à me plonger dans le grand bain. Je n’avais que le DEF à ce moment-là, mais évidemment, j’ai accepté sa proposition. C’était très dur d’entraîner des filles avec lesquelles j’avais joué. Au début, j’étais extrêmement stricte avec elles, je n’étais pas ouverte à la discussion. Finalement, avec l’expérience, j’ai pris conscience de l’importance de la gestion du groupe, et les choses se sont considérablement améliorées. Je ne regrette pas ma décision. J’ai 37 ans et j’ai déjà dix années de carrière derrière moi.

Vous avez rencontré des difficultés pour devenir coach, notamment dans l’obtention du DEPF (Diplôme d’entraîneur professionnel de football) ?

Je ne peux pas dire que j’ai rencontré de difficultés, le terme est trop fort. Pour ce qui est du DEPF, c’est une formation qui s’effectue sur deux ans, et je suis actuellement en seconde année. J’aurai mes résultats en juin 2016. Dans ma promotion, je suis la seule femme sur quinze étudiants. Tout comme Corinne Diacre par le passé. Cela ne me dérange pas, car j’ai toujours baigné dans un univers masculin et je m’y suis toujours sentie à l’aise. Quand j’étais petite, je jouais avec mon grand frère. Le week-end, j’évoluais dans un club où il n’y avait que des garçons. Sur ce point, je n’ai jamais eu de problème. En revanche, je sens que je dois constamment démontrer mes compétences. Je dois toujours prouver la crédibilité de mon projet de devenir coach. C’est parfois délicat, mais cela fait partie du métier. Pour être entraîneur, il faut du caractère, de l’exigence et avoir des objectifs.

Nombreux sont ceux qui pensent qu’il est trop difficile pour une femme d’entraîner d’autres femmes. Qu’en est-il dans la réalité ?

Je le pensais en tant que joueuse et avant de devenir entraîneur. Finalement, ce n’est pas du tout un problème. Ce n’est en aucun cas lié au sexe du coach. C’est avant tout une question de caractère et de gestion de groupe. Ma conception du métier fait que ça se passe bien avec les filles, je prends du plaisir. Pour le moment en tout cas. Après, si j’étais un homme, peut-être que je ne verrais pas la chose du même œil. En revanche, je peux vous dire que c’était compliqué à Montpellier. Certaines joueuses de l’époque ont refusé que je devienne entraîneur. Elles sont même allées à la rencontre de Nicollin pour qu’il revienne sur sa décision. Le président a tenu bon et m’a confirmé au poste. Les filles avaient peur pour leur place, elles pensaient que j’allais faire jouer celles avec qui je m’entendais bien. Au bout du compte, j’ai dû faire sans ces joueuses afin de renforcer ma position. Il faut se rendre compte que le football féminin était très renfermé sur lui-même. C’est un monde spécial, confiné, où il est dur d’exister. Je pouvais les comprendre et je ne leur en veux pas. En revanche, à Guingamp, ça s’est très bien passé. J’ai été très bien accueillie. L’expérience accumulée par le passé a joué en ma faveur, c’est sûr. Et je pense aussi que les filles se contrefichent désormais du sexe du coach. Ce qui les intéressent, c’est de progresser avec quelqu’un qui a les compétences pour les aider à le faire. La professionnalisation du sport explique cela, tout comme la vitrine qu’est devenue l’équipe de France féminine avec ses résultats et son jeu de qualité.

Quelles relations entretenez-vous avec vos homologues masculins ?

Ça se passe plutôt bien. Je leur demande surtout du respect, qu’ils me reconnaissent à ma juste valeur, c’est-à-dire comme un entraîneur à part entière. J’ai juste eu un petit souci avec un collègue il y a quelques années. Une de ses joueuses était venue dans notre club, ce qui ne lui avait pas plu. Il avait dit qu’il m’accueillerait comme il se doit. Finalement, il m’a serré la main et fait la bise. Il y avait une envie de marquer son territoire un peu, mais ce n’était que de l’intox de sa part.

Comment expliquez-vous le fait que vous êtes la seule femme entraîneur d’une équipe de D1 féminine ?

C’est un métier très difficile, qu’on soit un homme ou une femme. Cela demande énormément de temps et une concentration de tous les instants. Il faut constamment penser à son équipe et aux besoins de ses joueuses. Quand on est une mère de famille, ce n’est pas évident. Les saisons sont longues, elles démarrent très tôt et elles sont éreintantes. Il faut beaucoup de caractère pour tenir le coup. Sinon, il faut tomber sur le bon homme. Si Monsieur n’est pas prêt à faire quelques sacrifices pour s’occuper de la famille, des enfants, etc, cela devient trop compliqué à gérer. Sur ce point, les mentalités évoluent. On est sur le bon chemin. Il faudrait aussi un soutien de la part de la Fédé, des Ligues et des clubs. Par exemple, à Montpellier, il me semble que le Conseil régional propose une garderie aux sportifs et coachs de haut niveau. Quand tu finis tes entraînements à 21 heures, c’est très dur de trouver une nounou. Là, on propose une garderie nocturne qui facilite la tâche de tout le monde. Ces initiatives représentent de belles alternatives, mais on n’est pas assez nombreuses aujourd’hui pour réclamer l’ouverture de ce genre de structures. Outre ces difficultés, il y a aussi un problème dans la formation. Il faut apporter de l’aide aux femmes qui souhaitent devenir entraîneurs. J’espère que mon exemple pourra les inspirer. C’est aussi pour cela que je veux laisser une trace positive derrière moi.

Vous imaginez-vous à la tête d’une équipe masculine à l’avenir ?

J’ai pas mal de choses en tête, cela en fait partie, mais l’an prochain, je me vois encore à Guingamp. Les prochaines années, je pense partir à l’étranger, notamment aux États-Unis pour observer le soccer féminin. J’envisage également d’intégrer un staff professionnel masculin pour ensuite envisager l’expérience. Je pense aussi à l’équipe de France, mais davantage sur ma fin de carrière. J’ai aussi pour projet d’ouvrir une académie de football pour filles. Mais pour le moment, je savoure et je prends mon temps.
Dans cet article :
Les Héros du gazon sur les pelouses françaises
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Propos recueillis par Lhadi Messaouden

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