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Bleus : l’arène et le règne
Opposés à l’Allemagne ce samedi au Groupama Stadium, l’équipe de France cherchera à lancer de la meilleure des manières son année et sa préparation à l’Euro du mois de juin. Pas une mince affaire quand on sait que ces défis seront relevés par une génération qui ne veut surtout pas être celle qui signera la chute de l’empire Deschamps.
« Tous les rendez-vous sont importants, il n’y en a pas beaucoup avec l’équipe nationale. » Pour Didier Deschamps, pas beaucoup, ça peut aussi faire 150. Cent cinquante conférences de presse d’avant-match sans jamais dévoiler le onze qu’il couchera sur la feuille de match le lendemain. Cent cinquante discours de motivation dans les vestiaires. Cent cinquante refrains de La Marseillaise chantés en collant ses côtes à Guy Stéphan. Cent cinquante analyses tièdes crachées dans un micro à la mi-temps. Pour n’importe quel humain normalement constitué, cette répétition aurait soit l’allure d’un supplice soit celle d’un sommet inaccessible, voire les deux à la fois. Didier Deschamps cochera samedi toutes ces cases en même temps que son 150e match à la tête des Bleus en 12 ans de boîte, sans pour autant en faire tout un fromage. Si le meilleur ami de Nagui en est là, c’est certainement parce qu’il a également serré le poing avec vigueur à 97 reprises pour agripper un peu mieux cette sacro-sainte victoire. Autant dire que tout le monde veut lui laisser sa place, et en premier lieu son président Philippe Diallo qui a, cette semaine, éloigné le spectre de Zinédine Zidane et réaffirmé sa confiance au boss des Bleus, en contrat jusqu’en 2026.
Deschamps : la force de l’habitude
Rien ne dit que c’est un problème, mais il croisera pour la 10e fois l’Allemagne, l’adversaire qui l’a le plus mis au tapis durant son mandat. Dans ces trois défaites, il y a eu en 2014 un quart de finale au Mondial brésilien, échec devenu initiatique, et aussi le seul revers de 2023, concédé à Dortmund en septembre dernier et avec le capitaine Mbappé gardé au frais. Entre-temps, on gardera en mémoire pour des raisons diverses un amical disputé un certain 13 novembre 2015 à Saint-Denis, une demi-finale de l’Euro enfiévrée à Marseille ou encore un coup de force à Munich lors des derniers championnats d’Europe. Dans tous les cas, un France-Allemagne n’est jamais anecdotique. Celui qui arrive ne présente aucun enjeu comptable, mais il fait déjà son poids. Surtout pour la Nationalmannschaft, lancée dans une course contre la montre pour être prête pour son Euro maison après une crise sportive existentielle. Mais aussi, mine de rien, pour les Bleus, qui lancent une année 2024 où ils seront attendus au tournant.
Certes, en 2022, les Bleus ont balayé d’un revers de la main (ou plutôt d’un revers aux tirs au but) la malédiction des champions du monde en titre. Celle qui voulait que quatre ans après avoir brodé une nouvelle étoile sur son maillot, il fallait forcément quitter le tournoi avant les quarts de finale (France 2002, Brésil 2006, Italie 2010, Espagne 2014, Allemagne 2018). Une preuve de plus que ce Deschamps, seul homme encore vivant à avoir remporté la Coupe du monde en tant que joueur et sélectionneur, est un être à part. Aujourd’hui, sa mission est de devenir le premier à avoir gagné l’Euro comme joueur et comme entraîneur.
Élargir le cercle vertueux
Puisqu’il s’agit de ne mettre aucune charrue devant les Bleus, il y aura quand même d’ici là plusieurs choses à régler, et pas seulement la préparation des pénos. On a suffisamment souligné la propension de Didier Deschamps à fonctionner en cercle restreint pour ne pas remarquer que sa dernière liste fait surtout la part belle à une flopée de jeunes garçons appelés à devenir les lieutenants du capitaine Mbappé pour les années à venir. Maignan, Konaté, Upamecano, Theo Hernandez, Tchouaméni, Camavinga, Fofana, Kolo Muani et même Zaïre-Emery, tous sont relativement encore frais au niveau international, bien qu’on ait déjà vu certains monter au front en finale de la Coupe de monde et n’être pas loin de retourner l’Argentine.
Cependant, changer de décor suppose tout de même de surveiller les fondations et les piliers de l’ère Deschamps ne sont plus légion. Avec les retraites de Lloris et Varane, les déboires de Pogba et l’absence momentanée de Griezmann, Olivier Giroud est dans ces 23 le dernier rescapé parmi le cinq majeur du coach basque. De la même manière, ils ne sont plus que six champions du monde à répondre présent (Areola, Lucas Hernandez, Pavard, Dembélé, Giroud et Mbappé) et 9 à avoir participé au dernier Euro (Maignan, Lucas, Hernandez, Koundé, Pavard, Rabiot, Dembélé, Giroud, Mbappé et Thuram). La page n’est pas encore tournée, personne ne le souhaite d’ailleurs, mais il s’agit aujourd’hui d’accompagner le mouvement pour qu’un nouveau chapitre puisse s’écrire. Et s’il peut débuter avec l’obtention d’un titre continental, avant même de parler d’une médaille d’or olympique au milieu de l’été pour les Bleuets, cette année ne pourra qu’être marquée d’une pierre blanche.
Par Mathieu Rollinger