- Coupe du monde 2014
- 1/2 finale
- Brésil/Allemagne
Sans Neymar, le Brésil a la vie dure
Que le Brésil gagne ou perde contre l'Allemagne, il devra jouer ses deux prochains matchs sans Neymar, sorti sur blessure contre la Colombie. De quoi être pessimiste pour la Seleção, car les options de rechange ne sont pas nombreuses...
Dans une boutique de souvenirs quasiment vide de Rio de Janeiro, deux femmes discutent entre deux ou trois « bom dia » et « adeus » courtoisement adressés aux touristes qui passent par leur échoppe. « Tu as vu ce qui s’est passé avec Neymar ? » , interroge l’une d’entre elles. « Il aurait dû être expulsé. Il devrait être interdit de football pour le reste de sa vie. » Si cette analyse, digne des meilleurs bars PMU parisiens, n’est pas forcément pertinente, elle témoigne de la place du prodige dans les cœurs brésiliens, ainsi que de son importance sur le rectangle vert. Elle rappelle aussi l’indignation des plus anciens devant la liquidation de Pelé en 1966 par les Bulgares et les Portugais lors du Mondial anglais. Sauf qu’à l’époque, et même s’ils ont fini par sortir sans gloire au premier tour, les Brésiliens avaient les armes pour passer les poules, voire plus, même sans leur atout numéro un. Jairzinho, Tostão et Garrincha, c’était une autre paire de manches que Fred, Hulk et Oscar. La Canarinha a perdu son seul joueur de classe mondiale et peut-être son unique chance de gagner sa Coupe du monde. À moins que Scolari – loin d’être fin tacticien -, ne trouve la parade.
De l’importance de Neymar dans le jeu brésilien
Avant de chercher à remplacer Neymar, il faut comprendre son rôle dans le dispositif tactique de Felipão. Officiellement, l’attaquant du FC Barcelone est catalogué comme ailier (ou milieu) droit sur la feuille de match. Évidemment, la réalité est toute autre. Le maître à jouer brésilien se trouve bien plus souvent dans l’axe de l’attaque que dans les couloirs, domaine de chasse de Hulk qui cavale de droite à gauche en fonction des déplacements du numéro 10 auriverde, tandis qu’Oscar est prié de se déporter légèrement sur le côté – il se mue en une sorte de milieu droit ou gauche – pour ne pas gêner l’artiste dans ses œuvres. De fait, Neymar est le seul joueur à bénéficier d’une liberté totale dans un Brésil rigide au possible, où chacun a un rôle et une zone bien précis. Neymar était la touche imprévisible, le seul élément capable d’improviser tant sur ses appels que ses prises de balles ou ses courses balle au pied. Techniquement, il a cette capacité unique de pourfendre les lignes grâce à sa vitesse folle et son touché de velours. Il est capable de débloquer des situations compliquées tout seul et en ce sens, il est largement comparable à Messi, Robben ou Ronaldo. Enfin, Neymar, c’est avant tout une aura, celle d’un type qui a remporté la Coupe des confédérations presque tout seul et sauvé son Brésil d’un accident d’entrée face à la Croatie. Ce qui lui permet, même quand il est moins bon, d’attirer l’attention – et donc les défenseurs – sur lui, donnant un peu de liberté à ses coéquipiers. Son absence sera a priori lourde de conséquences, surtout face à une Allemagne bien en place.
Le pragmatisme avant tout
Se priver de Neymar, c’est être obligé d’être plus patient en possession du ballon, c’est demander plus de mobilité et de disponibilité aux trois milieux centraux afin d’ouvrir des brèches ou au contraire… rester planqué derrière et jouer le contre. Malheureusement pour le Joga Bonito et vu la gueule du prochain adversaire de la Seleção, Scolari devrait opter pour la deuxième option pour plusieurs raisons. La première, c’est que, quel que soit le milieu de terrain aligné par le sélectionneur auriverde depuis le début de la compétition, à aucun moment il n’a fait preuve de maîtrise technique ou n’a dégagé de sérénité. Jouer haut avec un milieu difficilement capable de tenir le cuir contre un adversaire qui exerce un pressing constant sur le porteur relève presque du suicide. La seconde, c’est que Felipão dispose de joueurs rapides, beaucoup plus à l’aise sur contre que sur phases de possession, comme Hulk, Willian, Ramires, les deux latéraux – que Maicon ou Daniel Alves jouent à droite, cela ne change fondamentalement rien à la puissance offensive de l’équipe – et même David Luiz quand il a de l’espace pour lancer une de ses courses folles. Si le Brésil joue de cette manière, le remplaçant logique de Neymar serait Willian, mais le joueur de Chelsea s’est blessé au dos (décidément) à l’entraînement et est du coup incertain pour la bataille de mardi. En cas de forfait de la touffe, Bernard, dernier ailier naturel de l’effectif, pourrait commencer dans le onze, mais sa légèreté physique et tactique sont autant de facteurs défavorables à sa titularisation. À l’inverse, un coup de poker de Scolari comme le placement de Ramires à droite dans un rôle de latéral offensif à la Kuyt contre le Mexique a sans doute plus de chances de voir le jour. Problème, les Brésiliens disposeraient quasiment d’un joueur de couloir en moins et deviendraient dépendants de Hulk, généreux dans l’effort et précieux tactiquement, mais dont le compteur-but est toujours bloqué à zéro. À moins que l’absence de la star de l’équipe et les nouvelles responsabilités qui seront confiées au bonhomme vert le bonifient. Pour le reste, la vie est beaucoup plus simple avec Neymar.
Par William Pereira