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Sans Iker, c’est mieux ?
Dans l'ambiance morose qui règne actuellement autour de la sélection espagnole, un débat s'impose comme le principal : faut-il changer de gardien de but, et donc écarter Casillas, le capitaine, auteur d'une grosse erreur face à la Slovaquie ? L'Espagne dit oui. Pas sûr, toutefois, que cela ne change grand-chose aux soucis actuels de la Roja.
La trajectoire du ballon est flottante. Il y a un léger effet. Une mini déviation. Mais ce n’est pas non plus Gerland 97 et le coup franc de Roberto Carlos vs Fabulous Fab. Iker Casillas s’est trompé. Et son pays, l’Espagne, incapable de relever la tête depuis le massacre de Robben and co à Salvador, a perdu pour la première fois dans des éliminatoires depuis la victoire d’Oscar Pereiro sur le Tour de France (qui faisait suite, rappelez-vous, à la disqualification de Floyd « Testostérone » Landis). Huit ans, 36 matchs. Ça marque les esprits.
Alors, logiquement, la presse sportive espagnole s’est longuement attardée sur la « cantada » , la bourde de Casillas. Parler gardien de but est dans l’air du temps du côté de la capitale. Les Madrilènes de Marca sont ceux qui y sont allés le plus fort, proposant carrément des comparaisons avec Arconada en finale de l’Euro 84, Zubizarreta face au Nigeria 98 ou encore Molina contre la Norvège lors de l’Euro 2000. Vendredi, au lendemain de la boulette, un vote avait également été proposé sur le site internet du journal : « L’heure est-elle venue pour De Gea d’être titulaire ? » La réponse des internautes : oui à 82%.
« Marre de ma tronche »
C’est bien là tout le problème du pauvre Iker. Derrière le capitaine, ça pousse très, très vite. Et ça met la pression. À l’époque où le gardien de but du Real Madrid était indiscutable, il avait comme doublure Jerzy Dudez en club et Víctor Valdés en sélection. De quoi s’autoriser une petite faute de main de temps en temps sans qu’on en fasse tout un plat. Mais désormais, Casillas est le capitaine d’une sélection sans idées et a à ses trousses deux mecs talentueux qui n’attendent (sagement) qu’une seule chose : lui piquer (poliment) la place. Solide gardien des bois de Manchester United depuis trois ans, De Gea est tôt ou tard l’avenir de la Roja. Consciente que le changement, c’est sans doute maintenant ou dans deux ans, l’Espagne le réclame à haute voix.
À Madrid, après 15 ans de bons et loyaux services, le capitaine de la Maison Blanche a commencé à être sifflé par le Bernabéu. « Je comprends que les gens puissent en avoir marre de ma tronche » , a-t-il répondu. Ils ont surtout envie de voir ce que donne la relève, Keylor « le Faucon » Navas, grosse révélation du Mondial et acheté 10 millions d’euros par le Real cet été. En étant le premier à remettre en cause l’un des plus beaux palmarés du football mondial, Mourinho a ébranlé la fin de carrière d’un homme qui pensait pourtant avoir gagné un respect éternel.
De la difficile gestion des idoles
C’est le grand problème de la gestion des « idoles » , quand elles ne se retirent pas d’elles-mêmes et qu’elles passent du statut de rassurantes à embarrassantes. Xavi et David Villa n’étaient plus au niveau de la sélection. C’était l’heure de laisser la place à la (prometteuse) relève. Ils s’en sont allés. Sur un échec, certes, mais après tant de succès, ce n’est pas ce que l’on retiendra d’eux. En refusant d’en faire de même, après une année galère (Décima mise à part), un Mondial raté, des critiques incessantes (souvent exagérées) et tant de titres et de récompenses individuelles dans la besace, Casillas s’expose à ce genre de moment délicat. À 33 ans, c’est courageux de sa part, mais risqué. En Espagne, San Iker est déjà passé de la confiance à la méfiance de tous.
En cherchant à inverser la tendance, il se met sous pression, et ses coachs avec. Que faire de lui ? Del Bosque l’a maintenu et Ancelotti l’a réinstallé dans le onze en Liga. L’un et l’autre doivent désormais justifier systématiquement leur choix face à un public et une presse impitoyables. « Ce problème n’a plus de solution. Tout est trop centré sur Iker désormais. Moi, je pense qu’il n’a pas perdu son ange : avant son erreur contre la Slovaquie, il réalise un grand arrêt. C’est un joueur fantastique dont tous les Espagnols devraient être fiers » , a défendu Del Bosque. Sans doute. Au fond, le principal problème de cette sélection piégée à son propre jeu n’est certainement pas son gardien de but. Mais en temps de crise, il faut bien un coupable. Ceux qui en avaient le profil ont su quitter le navire à temps.
La boulette d’Iker face à la Slovaquie Le compte-rendu de Slovaquie-Espagne
Par Léo Ruiz