- Espagne
- Liga
- 10e journée
- Getafe/FC Barcelone
Sandro et Munir, le baby blues du Barça
Annoncés comme les deux nouvelles pépites de la Masia, les deux ailiers blaugrana déçoivent et inquiètent en ce début de saison. Loin du niveau exigé par le collectif du FCB, ils ont jusqu'à janvier pour redresser la barre. Sous peine de disparaître aussi subitement qu'ils sont apparus.
D’un extérieur lobé, Munir El Haddadi se met le Camp Nou dans la poche. Ce geste génial, également synonyme du break face au modeste Elche, offre à l’anonyme canterano le statut de relève de la Masia. « Il brûle les étapes à une vitesse compliquée à gérer, mais il le fait avec naturel, juge alors Luis Enrique qui vient de le lancer dans le grand bain lors de cette première rencontre de la Liga 2014/15. Il a le sens du but, de la mobilité, de la personnalité et du talent pour ne pas s’endormir sur ses lauriers. » Quelques jours plus tard, il endosse même le costume de potentiel pépite de la Roja, Vicente del Bosque jugeant opportun de le convoquer pour mettre à mal les envies de la sélection marocaine. En à peine un mois, le natif de San Lorenzo de El Escorial truste les devantures des kiosques et les débats des troquets. Son comparse de la génération 1995, Sandro Ramírez, l’imite lors du second round de cette même saison. Seul buteur au Madrigal, il offre trois points au Barça et gagne sa place dans l’effectif du triplé. Un an plus tard, le constat diffère du tout au tout. Ou quand les promesses d’hier deviennent les maux d’aujourd’hui.
Luis Enrique : « Des minutes pour qu’ils grandissent »
Pour son entrée en lice en Copa del Rey, le tenant du titre se rend en Estrémadure sans sa ribambelle de stars. Messi, Suárez, Neymar et Iniesta regardent donc ce duel face au modeste Villanovense, pensionnaire de troisième division, depuis leurs canapés respectifs. Des divans qui, tout au long de la rencontre, subissent l’agacement de leurs propriétaires blaugrana. Car, sans idée collective ni exploit individuel, ce FCB rejoint la Catalogne avec un match nul sans saveur dans ses bagages. Une contre-performance, aux conséquences limitées, puisque le retour se joue au Camp Nou, qui porte le sceau du mutisme offensif des hommes de Luis Enrique. De fait, les deux canteranos Munir et Sandro, titulaires sur le front de l’attaque, reçoivent les critiques les plus acerbes, à l’exception d’un Luis Enrique toujours aussi patient : « Qu’aucun des deux n’ait marqué ne me préoccupe pas. C’est très différent d’avoir des minutes avec pression ou sans pression. Ce sont des minutes pour qu’ils grandissent. Et puis ils ont participé aux buts de l’équipe. » Un avis à contre-courant qui pèse, mais qui ne saurait faire oublier la disette des deux promesses de la Masia.
Car plus que des jokers utilisés avec parcimonie, Munir et Sandro sont aujourd’hui devenus des pions essentiels dans le turn-over de Luis Enrique. Un rôle acquis bien malgré eux, cet été, suite au départ de Pedro Rodríguez – comble de l’histoire, il se murmure aujourd’hui que le Canarien regrette amèrement ce départ… Sans son joker de luxe, générateur d’occasions et de don de soi, Luis Enrique se retrouve sans doublure de niveau international pour prendre le relais du fabuleux trio sud-américain. Même Rafinha, pari personnel de Lucho et auteur d’un début d’exercice canon, se retrouve rapidement sur le flan, ses ligaments croisés étant dans le sac. Le problème se mue alors en mal de tête lorsque l’une des initiales de la MSN pointe à l’infirmerie… D’autant plus que l’interdiction de recrutement du Barça, effective jusqu’en janvier, oblige Aleix Vidal et Arda Turan à rester en tribunes. « Jusqu’à l’année prochaine, nous savons ce que nous avons » , regrette ainsi, selon El Pais, Josep Bartomeu. Un président dont la politique sportive explique en grande partie la situation intenable de Sandro et Munir.
Quand la Masia se découvre un rôle mercantile
Plus que par leurs ternes performances, la pression qui repose sur les épaules des deux canteranos a pour origine le changement d’ère qui frappe le centre de formation comme l’équipe fanion azulgrana. Luis Enrique n’ayant le génie tactique de son ami Guardiola, il concentre son travail sur l’équilibre à trouver dans un collectif peuplé de stars. Avec des génies du but et des têtes d’affiche marketing telles que Suárez ou Neymar, difficile de ne pas leur laisser le protagonisme sur le pré comme dans les boutiques. Par ricochet, les ailiers et les milieux de terrain formés dans la cantera barcelonaise, prototypés pour le tiki-taka, laissent place à « des joueurs rapides, habiles et imaginatifs, plus proches de la surface » , dixit Eusébio, ancien coach du Barça B. Ce changement de style, aussi bien à la Masia qu’au Camp Nou, presse ainsi Sandro et Munir à être mis sur le devant de la scène. Quant aux autres, Adama, Deulofeu, Denis Suárez, Tello ou encore Cuenca, leur utilité réside dans leur prix de vente. Un rôle de plus en plus mercantile qui permet à la direction de Rosell, puis de Bartomeu, de s’acheter à prix d’or les comparses de Messi. Dur dur, le baby blues blaugrana.
Par Robin Delorme, à Madrid