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San Pepe Reina
Le gardien du Napoli, vrai leader du vestiaire, est aussi l'élément avec plus d'expérience internationale parmi les hommes de Maurizio Sarri. Né à Madrid, formé à Barcelone, Pepe Reina a été adopté par une ville à laquelle il s'identifie énormément et où il se sent comme à la maison, malgré les critiques de certains supporters.
Il y a des arrêts qui valent au moins autant qu’un but. Ou même plus. C’est bien le cas de l’intervention de Pepe Reina face à la Roma ce samedi : un arrêt de dingue à la 93e minute, suivi d’un réflexe du pied pour mettre le ballon en corner. Avec ce miracle, comme on dit à Naples, Reina a offert à son équipe une victoire cruciale pour continuer à lutter pour la deuxième place en championnat – directement qualificative pour la Ligue des champions – et a surtout fait taire les détracteurs qui ont critiqué son rendement irrégulier depuis le début de la saison.
L’arrêt de la saison de Reina qui nous sauve la victoire dans ce Derby Del Sole. Grande @PReina25 pic.twitter.com/eMMnujZhcb
— SSC Napoli France (@NapoliCFrance) 4 mars 2017
La victoire face à la Roma (1-2) est aussi le meilleur présage pour le match de retour des huitièmes de C1 contre le Real Madrid. Le Napoli a démontré qu’il était capable d’un exploit en gagnant dans un stade où les Giallorossi avaient pris 39 points sur 39 possibles jusqu’à samedi. Et si à Naples ils peuvent rêver de vivre une « remontada » contre l’équipe de Zinédine Zidane, c’est surtout grâce au show Reina à l’Olimpico.
Merci Monsieur Cruyff
Né à Madrid il y a trente-quatre ans, José Manuel, Pepe pour les copains, a hérité sa passion de gardien de son père, Miguel, qui avait gardé les cages du Barça et de l’Atlético de Madrid pendant les années 60 et 70. D’ailleurs, l’avenir du petit Pepe prend forme à un moment précis : celui où un certain Johan Cruyff marque cet incroyable but acrobatique à papa Reina lors d’un Barça – Atlético, le 22 décembre 1973.
De ce jour et de ce chef-d’œuvre naît une belle relation entre le gardien espagnol et l’attaquant hollandais, qui ouvrira plus tard les portes de la Masia au petit Pepe lors de l’été 1995.
Dès son entrée à la Masia, Pepe commence à se faire apprécier des entraîneurs des jeunes du Barça, et notamment Juan Manuel Asensi, qui, pendant la saison 1998-99, le fait alterner dans les cages avec son pote Víctor Valdés, « parce qu’ils étaient bons tous les deux et j’ai vu qu’avec un esprit de compétition sain, ils allaient progresser tous les deux. Et finalement, j’ai eu raison » . Mikel Arteta, ancien d’Everton, Arsenal et actuel adjoint de Pep Guardiola à Manchester City, se souvient de lui comme d’un « mec toujours avec la banane. Pepe était l’animateur soit dans le vestiaire soit dans les couloirs gris de la Masìa, et si j’ai passé des jolis moments à Barcelone, ça a été grâce à lui » . Ce statut de leader naturel de vestiaire va d’ailleurs suivre le portier pendant toute sa carrière.
Naples, Andalousie
Après un apprentissage de trois ans à Villarreal, où il se forge en tant que gardien fiable et solide, Pepe est appelé par Rafa Benítez pour rejoindre son projet de « Spanish Liverpool » . Avec les Reds, Reina gagne une FA Cup, un Community Shield et une League Cup, mais il arrive surtout à se faire aimer par le Kop, et établit un lien très fort avec Benítez, qui l’emmène dans ses bagages pour son aventure à Naples, qui débute à l’été 2013. C’est le moment de créer le « Spanish Napoli » , avec Callejón et Albiol comme autres chouchous de Rafa. Entre le gardien et la ville, c’est un coup de foudre : Pepe, dont le père est andalou, se sent très proche de la façon de vivre des Napolitains, bordéliques et joyeux dans tous les facettes de la vie quotidienne. Reina apprend ensuite le dialecte napolitain et ses incursions nocturnes dans les restos les plus typiques de la ville, ses arrêts et sa manière passionnelle de vivre chaque match lui confèrent un statut d’idole absolue.
Un vrai capitaine
L’année en exil au Bayern Munich ne change rien. Pepe se rend à Naples tous les mois et renforce son lien avec la ville, pour y retourner définitivement au cours de l’été 2015. Sa présence est à la base du football de l’équipe aujourd’hui entraînée par Maurizio Sarri, qui conçoit son jeu à partir des pieds du gardien, quelqu’un capable de faire des passes comme un véritable meneur de jeu. Pendant la saison 2015-16, il prend le rôle du joueur le plus charismatique de l’équipe, devant Gonzalo Higuaín et Marek Hamšík, et contribue de façon décisive à l’obtention de la deuxième place en Serie A.
Le début de la saison 2016-17 est toutefois une autre histoire. Performances en demi-teinte et erreurs cruciales sur certains buts sont à l’origine des critiques les plus sévères. Mais Pepe les ignore et continue sa route, toujours avec son sourire et son enthousiasme, en plus de prendre la parole pour défendre toute l’équipe après la défaite de Madrid, non sans éviter de critiquer indirectement les paroles du président Aurelio De Laurentiis, qui avait accusé les joueurs de manque de « cazzimma » (couilles en napolitain). L’arrêt magnifique et impensable face à la Roma n’est que la énième confirmation de son statut de « saint » à Naples, une ville où le foot est une religion polythéiste avec Maradona comme chef du Panthéon. Mais Reina est désormais lui-même une idole, un vrai capitaine de navire, et c’est vers lui que les Napolitains dirigeront leurs prières ce soir.
Par Antonio Moschella