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Samuel Umtiti, the fast and the furious
À 22 ans seulement, Samuel Umtiti, le néo-défenseur barcelonais, a impressionné pour ses débuts en bleu. Une rigueur, une dévotion et une maturité exemplaire lui ont permis de s'offrir une finale rêvée. Il y a un peu moins de trois ans, Umtiti était pourtant pointé du doigt après s'être fait livrer une Maserati à Tola Vologe. Et si cet épisode était la clef de voûte de sa carrière ?
« Pour l’instant, certains jeunes n’ont pas beaucoup démontré qu’ils avaient le niveau. Champion du monde des 20 ans, c’est de la rigolade, ça veut dire quoi ? Je n’ai pas l’impression que tous les jeunes soient obnubilés par la victoire. » L’attaque est frontale et douloureuse. Bernard Lacombe, le conseiller spécial du président Jean-Michel Aulas, ne mâche pas ses mots et dissimule à peine sa cible principale : Samuel Umtiti. Nous sommes en octobre 2013 et le moral n’est pas au beau fixe à l’Olympique lyonnais. Sous les ordres de Rémi Garde, l’équipe enchaîne les contre-performances. Plus que sur le fonds de jeu, l’opprobre est jetée sur l’implication des jeunes joueurs sur qui Rémi Garde a tout misé. L’entraîneur a effectivement passé son été à expliquer à ses dirigeants qu’il ne servait à rien de recruter un défenseur central, puisque Samuel Umtiti pouvait tenir la baraque. Seulement voilà, Samuel ne tient rien du tout. Ses performances ne sont ni mauvaises ni bonnes. Ses qualités sont visibles, évidemment, mais peu sont ceux qui voient déjà en lui un futur grand. Et puis, comme tous les jeunes, Samuel va faire une grave erreur. Mais comme toutes les erreurs, elle lui a permis de progresser.
Maseratiti
Après la cinglante défaite à Ajaccio (2-1), l’OL pointe à une triste neuvième place. L’ambiance est morose et, ce 26 septembre, les supporters sont peu nombreux à se masser devant les grilles du centre d’entraînement. Les quelques présents, cependant, assistent à une scène surréaliste : Samuel Umtiti, alors blessé à la cuisse, se fait livrer une énorme Maserati immatriculée « Sam 23 » . Dans un tel moment, l’écart passe mal, forcément. L’information est immédiatement relayée et les commentaires négatifs pleuvent. Le champion du monde U20 est très rapidement rangé dans la catégorie des jeunes idiots à la tête trop pleine et mal faite. Jeune espoir, Samuel Umtiti devient vite un jeune qui se perd pour beaucoup. Même Rémi Garde, qui avait pourtant appelé à l’humilité quelques jours auparavant, a l’air affecté. D’autant plus qu’après ce maladroit incident, les résultats restent alarmants : Lyon fait match nul face à Lille (0-0) et se fait écraser à Montpellier (5-1). L’intervention d’un homme va finalement faire revenir le calme à Gerland.
Quelques jours après l’incident, supporters et journalistes sont témoins de la colère de Maxime Gonalons. Le capitaine recadre sévèrement son coéquipier en fin de séance, sans se soucier des présents. L’engueulade est longue, mais nécessaire. Tout tourne autour des valeurs chères au capitaine de l’OL : humilité et respect. Des valeurs qui doivent s’appliquer à tous, même aux champions du monde U20. Secoué, Umtiti s’excuse auprès de tous. Aujourd’hui, il revient sur cet épisode sans langue de bois. « J’assume cet épisode. J’étais jeune, je n’avais pas encore vingt ans et c’était une erreur. Je m’en étais excusé. Ce n’était pas un manque d’humilité. À l’époque, des choses ont pu être dites qui n’étaient pas tout à fait exactes. La Maserati a pu donner une image de moi qui ne correspondait pas à la réalité, confortant quelques clichés. Tout le monde m’est tombé dessus et c’était un peu facile, surtout que, blessé, je ne jouais pas. Disons que c’était une façon d’apprendre le métier, de grandir, aussi… » , expliquait-il en mars dernier dans les colonnes de France Football.
Pourquoi tombons-nous, Samuel ?
Passé cet incident malheureux, Samuel Umtiti retrouve les terrains en novembre. Ses performances lui permettent de conserver la confiance pourtant fragilisée de Rémi Garde. En tout, le jeune défenseur de 19 ans dispute 28 rencontres de Ligue 1 et sept de Ligue Europa. Sa progression, bien que discrète, est extrêmement rapide. À tel point que dès la fin de saison, il devient indispensable à la charnière lyonnaise et apprend à compenser l’irrégularité de Milan Biševac. La saison suivante est celle de la confirmation pour Samuel Umtiti qui s’installe définitivement dans l’axe gauche. Ses qualités d’anticipation et de relance ne font plus aucun doute à Lyon. Même si le reste de la France continue à le voir comme un simple joueur, le n°23 poursuit son petit bonhomme de chemin sans trop se faire de soucis. Et sans plus commettre le moindre écart. Finalement, le recadrage de Maxime Gonalons a peut-être été un moment décisif dans la carrière d’Umtiti. Désormais, il crie sur le terrain, harangue ses coéquipiers et organise le jeu.
Pointé du doigt pour sa nervosité dans les grands moments par Didier Deschamps lui-même en début de saison, Samuel Umtiti a finalement prouvé, lors de sa demi-finale face à l’Allemagne, qu’il était tout à fait capable de canaliser la pression. Aujourd’hui, ce serait une réelle consécration pour lui et pour tous les Lyonnais qui le suivent depuis gamin que de le voir soulever ce trophée et prouver au reste de l’Europe qu’il n’a rien du gamin prétentieux et hautain pour lequel il est passé il y a trois ans. Comme c’est le cas pour tout le monde, et même pour Batman, Samuel a fait une erreur. Heureusement pour lui, son majordome, Alfred Gonalons, veillait au grain. « Pourquoi tombons-nous, Samuel ? Pour que nous puissions apprendre à nous relever. »
Par Gabriel Cnudde