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Samuel Umtiti : Même pas peur
Avec la suspension d’Adil Rami, Didier Deschamps aurait décidé de faire confiance à Samuel Umtiti pour épauler Laurent Koscielny en défense centrale, lors de France-Islande. Une première pour le nouveau défenseur du Barça, mais pas de quoi le déstabiliser. Loin de là.
Le mois de mai de Samuel Umtiti s’apparente à un immense ascenseur émotionnel. Appelé avec les réservistes par Didier Deschamps, le nouveau défenseur du FC Barcelone ne devait pas voir la couleur de l’Euro. Il était là, comme les sept autres, pour pallier une éventuelle blessure. Au cas où. Mais lorsque la cuisse gauche de Raphaël Varane fait des siennes et prive définitivement le Madrilène de championnat d’Europe, le désormais ex-Lyonnais a de quoi espérer, il est le seul défenseur central parmi les réservistes. Pourtant, à la surprise générale, DD préfère appeler Adil Rami, un droitier, pour défendre aux côtés de Koscielny. Coup dur pour le joueur formé à l’OL. Mais Sam ne bronche pas et continue de bosser, il veut montrer qu’il la méritait, cette place.
Un bon choix, puisque le destin va une nouvelle fois se montrer généreux avec lui : après Raphaël Varane, c’est au tour de Jérémy Mathieu de déclarer forfait. Cette fois, c’est la bonne, la Desch’ le met dans ses valises. Au cas où, encore une fois. Et encore une fois, le destin lui donne un petit coup de pouce avec la suspension d’Adil Rami pour le quart de finale. Et alors qu’il était arrivé en tant que quatrième défenseur, voilà qu’il se retrouve aujourd’hui en pole position pour une place de titulaire face à l’Islande. Une titularisation qui serait une grande première pour lui, toujours vierge de toute sélection avec les Bleus. Mais si faire ses grands débuts sous le maillot tricolore en quarts de finale d’un Euro en effraierait plus d’un, Samuel, lui, ne devrait pas trembler dimanche. Parce qu’à 22 ans, le gamin de Lyon n’a rien à envier en matière de sérénité, de maturité et de talent. Parce qu’il est prêt, tout simplement.
Toujours capitaine
L’histoire d’amour entre Samuel Umtiti et le football prend forme au FC Ménival, à Lyon, à la fin des années 1990. Il a tout juste cinq ans lorsqu’il y signe sa première licence, mais déjà, tout le monde se rend compte que le Gone est une véritable pépite.
Mauricio Monila, premier entraîneur du défenseur central, se souvient parfaitement de ce môme à part : « J’ai vu énormément de gamins depuis que je suis entraîneur, mais des gamins avec un tel potentiel, ça n’existe pratiquement pas. » Fort, Samuel l’est. Mais surtout, le petit Umtiti montre déjà une personnalité bien affirmée. De celles qui font les champions. « Il détestait perdre, que ce soit en match ou à l’entraînement, se remémore Maurico. Ça ne concernait même pas que les matchs d’ailleurs, par exemple si on faisait un exercice de frappe et qu’il en ratait une, il devenait fou. Ça lui était insupportable de rater quelque chose. Et puis c’était déjà un meneur d’hommes, à tout juste cinq ans. »
Un gamin pas comme les autres dont le coach du FC Ménival profite à fond : « Quand il était sur la pelouse, j’étais sûr qu’on allait gagner le match. Et puis quand c’était vraiment compliqué la consigne était simple : Sam, tu prends le ballon, tu traverses le terrain et tu vas marquer. » La suite est logique, l’OL le repère, lui fait faire un essai et décide de le garder. Samuel a seulement huit ans. À Lyon aussi, le gamin impressionne, à tel point qu’il est régulièrement surclassé dans les équipes de jeunes. La raison ? Cette mentalité de guerrier, encore, comme l’explique Gérard Bonneau, responsable du recrutement du centre de formation de l’OL : « C’était un garçon très sérieux, et il a toujours montré une maturité supérieure à celle des garçons de son âge, ce qui fait qu’il était toujours capitaine des équipes dans lesquelles il jouait. » Un patron, déjà. Et comme une suite logique, derrière, l’ascension sera fulgurante.
Gérer les émotions
Ses prestations ne passent évidemment pas inaperçues au club, et Claude Puel décide de l’intégrer au groupe à l’été 2011, à tout juste dix-huit piges. Et Samuel, comme à son habitude, ne décevra pas. Son premier match en professionnel arrive quelques mois plus tard, le 8 janvier 2012 en Coupe de France, puis sa première titularisation en Ligue 1, quatre jours plus tard, face à Montpellier. Le patron de l’OL comprend qu’il ne sert à rien de recruter un défenseur, son futur taulier est là, devant lui. En fin de saison, le club lui fait signer son premier contrat pro, et Samuel gagnera très vite une place de titulaire. Une chose très rare pour un défenseur, comme le souligne Bonneau : « Dans le foot, c’est surtout en attaque et au milieu qu’on laisse la chance aux jeunes, mais c’est très rare qu’un défenseur de 19 ans soit titulaire en première division. Il a commencé très tôt avec l’équipe première, car il montrait une grosse maturité. Ça donne une bonne indication de sa valeur. »
Car, malgré son jeune âge, Samuel joue comme un ancien. Au point de rapidement devenir un taulier : « Il vient de quitter l’OL, mais à 22 ans, c’était déjà un patron à l’OL, il était le second capitaine après Max (Gonalons). Dans le vestiaire, il en impose » , pose Gérard Bonneau. Serein, sûr de sa force, le jeune homme fascine tout le monde.
Et attire le regard des plus grands clubs, forcément. Après avoir refusé de céder aux sirènes pendant quelques saisons, Umtiti s’est finalement engagé récemment avec Barcelone. À 22 ans, donc. Mais s’il encore très jeune, Samuel n’a peur de rien. Surtout pas de se faire une place dans l’effectif de l’un des meilleurs clubs européens. Et encore moins de jouer titulaire, dimanche. C’est en tout cas l’avis de Gérard Bonneau : « Cette première sélection il la mérite, déjà, je n’ai vraiment aucune inquiétude pour lui. Ce n’est vraiment pas le genre à se laisser ronger par la pression, il gère très bien ses émotions. » Pour ceux qui pourraient douter de sa capacité à gérer une première dans un tel contexte, le responsable recrutement de l’OL se veut donc rassurant. Et plus encore : « Non seulement il ne va pas laisser passer sa chance, mais en plus il peut très bien gagner sa place sur un match comme ça. » Les Islandais sont prévenus. Rami aussi.
Par Gaspard Manet
Tous propos recueillis par GM