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Samuel Boum-titi
Après un premier match compliqué contre l'Australie, Samuel Umtiti est monté en puissance pour finir par exploser en demi-finales. Et il vaut mieux ça plutôt que de partir très fort avant de s'éteindre quand le niveau de la compétition s'élève.
Il a fallu une longue passe en profondeur de Paul Pogba, une course d’Antoine Griezmann, un tacle appuyé de Josh Risdon, un appel à la VAR d’Andrés Cunha, puis un non-plongeon de Mathew Ryan, mais l’équipe de France y est arrivée. Après quasiment une heure à jouer laborieusement contre l’Australie, les Bleus ont enfin ouvert le score grâce au penalty transformé de Griezmann. Ce n’est ni flamboyant ni impressionnant, mais un but est un but. Après avoir ouvert le score, les joueurs de Deschamps s’étaient regroupés en cercle pour montrer à quel point ils restaient concentrés, et en se promettant de faire très attention jusqu’à la fin du match. Un moment pendant lequel Samuel Umtiti pensait sans doute à autre chose. Dans la minute qui suit, sur un centre australien, il décolle les deux mains en l’air et touche le ballon des phalanges. Penalty, et égalisation de l’Australie. Voilà comment le défenseur des Bleus a dit bonjour à la Coupe du monde. Pire encore, en plus de sa main improbable dans sa surface, l’ancien Lyonnais avait livré une prestation plutôt inquiétante. Et après la rencontre, il s’était même permis de dédramatiser : « Ce sont des choses qui arrivent. » Flegmatique, presque détaché. Il avait également relayé sur ses réseaux des détournements de son geste le montrant en basketteur prêt à dunker ou en volleyeur prêt à smasher. Suffisant pour qu’une partie de l’opinion publique sonne l’alarme, et se demande ouvertement si ce garçon avait ce qu’il fallait pour réaliser une grande Coupe du monde.
Je ne suis pas un héros
24 jours plus tard, à Saint-Pétersbourg. Samuel Umtiti se dandine n’importe comment, et marche en remuant les fesses et en agitant les bras comme s’il tentait une mauvaise imitation de Yohann Diniz. De toute façon, il n’aura pas le temps d’aller bien loin puisque ses coéquipiers le rattrapent rapidement pour lui sauter dessus. Normal, il vient de marquer contre la Belgique en demi-finale de Coupe du monde. Le lendemain, en conférence de presse, Umtiti lâche l’info : « C’était quelque chose de travaillé. C’était avec Paul et Antoine, ils aiment me voir faire ça, mais je ne vais pas en dire plus. » Paul Pogba complètera : « Je ne sais pas ce qui lui prend. Il aime bien marcher comme ça, il est bizarre des fois. C’est du Sam, il est foufou, il est marrant. Je ne pensais pas qu’il allait faire ça, c’est sa folie. »
En moins d’un mois, Umtiti est passé du statut de quasi-paria à celui de buteur décisif qui envoie son équipe en finale d’un Mondial, et avec qui on plaisante de sa célébration en toute décontraction. Les choses vont vite. En plus de ça, vingt ans après Lilian Thuram, il a exhumé cette sympathique coutume française qui veut qu’un défenseur marque le but de la victoire en demi-finale de Coupe du monde. Sobrement, celui qui s’était tenu à l’écart des critiques après son match raté contre l’Australie a également balayé les éloges après son exploit face aux Belges : « Le héros, c’est le groupe, le collectif.(…)C’est moi qui marque, mais c’est l’équipe qu’il faut retenir. »
Bromance
Avant de marquer ce qui est, pour l’instant, le but de sa vie, Samuel Umtiti avait déjà rassuré quant à son niveau et à son implication. Surtout à partir des matchs à élimination directe, durant lesquels il a été convaincant. Et à travers la montée en puissance de Big Sam, c’est celle de la charnière dans son ensemble qu’il faut souligner. Depuis quelques matchs, Raphaël Varane est devenu un monstre de sérénité. Arrivés en Russie avec très peu de repères communs, les deux loustics profitent de la multiplication des matchs pour nouer une belle bromance sur la pelouse : « Je pense qu’on a vachement progressé, estime Umtiti. Même s’il y a pas mal de jeunesse dans cette défense, il y a de la maturité.(…)Avec Raphaël, on n’a pas joué énormément de matchs ensemble, mais on s’entend de mieux en mieux. On savait que c’est en enchaînant les matchs que ça allait bien se passer. »
En prenant en compte l’ensemble de la ligne de défense et en jetant un œil du côté des statistiques offensives, une autre réalité apparaît : depuis les huitièmes de finale, trois défenseurs titulaires sur quatre – tous sauf Hernandez, en fait – ont marqué un but. Et à chaque fois à un moment où l’équipe de France en avait un besoin presque vital. De quoi relativiser le fait d’avoir un numéro 9 dont le compteur de buts en est au même niveau que celui d’Alphonse Areola.
Par Alexandre Doskov, à Moscou