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Sampaoli, un départ indigne
Habitué à casser les codes d'un point de vue tactique, le bouillant coach argentin qu'on pensait enfin stabilisé à Marseille vient de claquer la porte de l'OM après deux jours de préparation estivale. Mécontent de l'avancée trop lente du mercato à son goût, Jorge Sampaoli plante le club et laisse, comme souvent, un beau bordel derrière lui.
« Bienvenue sur Mars. » C’est par ces mots que, depuis deux jours, l’Olympique de Marseille reprenait sa saison. Un slogan répété pour annoncer les signatures de Samuel Gigot et Isaak Touré, mais aussi les nouveaux maillots. En ce premier matin de juillet, c’était d’ailleurs l’objet du teasing du jour : après le succès du maillot domicile, l’OM et son sponsor principal faisaient languir le peuple ciel et blanc concernant la tunique extérieure. Mais si la planète Mars a fait parler d’elle, c’est à cause d’une météorite venue la frapper. Ou plutôt une comète nommée Jorge Sampaoli qui, à l’heure d’entamer sa deuxième saison complète à la Commanderie, a claqué la porte du club olympien au tout début de la reprise estivale. La preuve, une fois de plus, que lorsque l’on parle de football, la planète Mars gravite bien dans une autre galaxie.
Sampaoli l’impatient
Pour les Marseillais, le retour sur terre est violent. Ils avaient pourtant été avertis avant même la fin du dernier exercice. « Je ne sais pas si je serai là ou pas la saison prochaine, je n’y pense pas pour l’instant. La vraie question est de savoir pourquoi on veut être en Ligue des champions la saison prochaine », prévenait Jorge Sampaoli en mai, à deux journées de la fin du championnat. Un avertissement pas pris en compte selon lui par ses dirigeants. Comme son illustre compatriote Marcelo Bielsa, à qui il a beaucoup (trop) été comparé à son arrivée, Jorge Sampaoli plante l’OM en plein été en avançant une excuse : le mercato ne va pas assez vite à son goût. El Loco avait lui fait « pire » , en abandonnant le club au soir de la première journée. Et on pourra rendre à Sampaoli son geste de classe, à savoir ne pas réclamer d’indemnités de départ. Ce qui ne fera qu’à peine mieux passer la pilule.
« Nous sommes satisfaits du chemin parcouru et des émotions vécues ensemble, mais à la suite d’une longue réflexion, les deux parties, qui agissent dans l’intérêt du projet de l’Olympique de Marseille, ont convenu de mettre un terme à cette étape », a annoncé le club en milieu d’après-midi, actant le départ d’un coach qui aura qualifié deux fois l’OM en Coupe d’Europe en moins d’un an et demi, dont un strapontin direct pour la C1. D’un point de vue sportif, l’histoire d’amour entre l’OM et l’Argentin était donc passionnelle. « Dès mon arrivée à Marseille, je m’y suis senti comme chez moi, comme si j’y avais vécu toute ma vie. L’OM est une passion. Chaque fois que je suis entré dans l’Orange Vélodrome, mon cœur battait à tout rompre », concède d’ailleurs El Pelado dans un post Instagram, sans oublier de remercier le président, les joueurs, les salariés et les supporters. Voilà pour la forme. Quant au fond, c’est donc un désaccord sur fond de mercato. Une vieille tradition à l’OM.
Longoria, le démuni
« Mon rythme et mes objectifs ne sont pas les mêmes que ceux des dirigeants. Il n’y a rien de mal à prétendre à des choses différentes. L’important, c’est de rechercher l’excellence et de vouloir ce qu’il y a de mieux pour l’OM », s’est justifié Sampaoli. Une déclaration qui interroge sur les réels moyens à disposition de Longoria cet été et qui appelait une réponse du président Pablo Longoria qui, chose rare, a tenu une conférence de presse en fin d’après-midi, le vendredi, sans tomber sur celui qu’il considère encore comme un ami : « Il y a eu des frictions professionnelles, pas personnelles. J’ai lu son communiqué, il y avait beaucoup d’émotions. C’est une question de timing dans le projet.(…)Tout le monde a les mêmes ambitions. C’est le temps pour les réussir qui est différent. Le mercato, c’est comme les cadeaux de Noël. Tout le monde attend son cadeau. Je ne crois pas que ça soit un manque d’ambition. C’est une question de temps. » Et le président de l’OM de « remercier Jorge pour les moments vécus ensemble. Il est arrivé dans une période compliquée. On doit le remercier, il s’est comporté de façon honnête et professionnelle jusqu’à la fin », tout en reconnaissant que « l’OM est instable par nature. » Ce que le club phocéen vient de rappeler avec grandeur.
Comment imaginer un tel scénario il y a de cela quelques heures de cela ? Qualifiés directement pour la Ligue des champions à l’issue d’une saison convaincante, parfois enthousiasmante, et même enivrante avec une épopée européenne, les Marseillais avaient tout pour aborder sereinement le prochain exercice. Un nouveau directeur sportif, une campagne d’abonnements record… Tout allait bien. Même d’un point de vue financier, comme l’a rappelé Don Pablo vendredi : « On a passé la DNCG. On a plus de moyens que la saison dernière avec la participation en Ligue des champions. Avec la C1, les recettes ont augmenté. » Libéré de l’encadrement de sa masse salariale, l’OM avait les coudées franches pour pallier les deux premiers coups durs (le départ libre de Kamara, le retour de prêt de Saliba). Mais cette sérénité relative a volé en éclats avec l’abandon du vaisseau par le capitaine Sampaoli, qui ne sortira pas grandi de ce départ précipité, par la petite porte. D’autant que sa justification peut sembler légère : peut-on se plaindre d’un mercato ralenti dès le 1er juillet ? Clivant par ses choix, mais légitimé par ses résultats, Jorge Sampaoli laissera un goût mitigé derrière lui. Celle d’un homme capable de s’exciter pour un rien sur son banc de touche, mais qui fuit le combat avant même qu’il ne démarre. Et si le timing de son départ n’a rien de noble, il a le mérite de laisser à son successeur un terrain de jeu plus que correct. Successeur qui devrait arriver d’ici une semaine, d’après Pablo Longoria. Un délai logique, le temps de faire le voyage jusque la planète Mars.
Par Adrien Hémard-Dohain