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Samir Nasri, le dix de der
Aligné à la surprise générale lors du match aller au poste de meneur de jeu, Samir Nasri s’est raté à Kiev. Un match au cours duquel le Citizen n’a pas existé, confirmant l’impression générale sur la fameuse génération 1987. On attend toujours leur prise de pouvoir.
« Ferme ta bouche. » En trois mots, Samir Nasri a scellé son histoire publique avec l’équipe de France depuis 2012. Lorsqu’il égalise contre l’Angleterre lors de l’Euro en Pologne, le milieu de terrain de Manchester City laisse exploser sa rage envers un journaliste de L’Équipe coupable, à ses yeux, de l’avoir descendu dans la presse. Plus tard durant le tournoi, Nasri s’en ira titiller la mère d’un autre journaliste de l’AFP en zone mixte. Depuis, l’ancien Marseillais a écopé trois matchs de suspension et, surtout, il s’est retrouvé tricard en Bleu pendant plus d’un an. Publiquement, sa cote d’amour est proche du néant. Alors quand il se retrouve titulaire pour le match le plus important des Bleus depuis deux ans, on se dit que le mec est chanceux. Sur le banc, Mathieu Valbuena cherche encore à comprendre, lui qui était de toutes les sorties de Deschamps depuis sa nomination (3 buts et 5 passes décisives).
90 minutes plus tard, Valbuena n’est plus le seul à chercher des réponses. Comment Nasri a-t-il pu revenir si tôt sur le devant de la scène ? Pis, on a présenté Samir comme le coupable idéal après la défaite de Kiev. Comme un aimant à critiques. Parce que oui, à Kiev, Nasri a été en dessous de tout. Dans ses choix, l’engagement, l’orientation, son pouvoir d’accélération, son positionnement trop bas sur le pré, le milieu ne terrain n’y était pas. Et puis il y a cette action de l’heure de jeu où il rate son duel avec Piatov. Le raté de trop. Un raté qui arrange pas mal de monde… Mais c’est presque oublier que le joueur ne joue plus numéro 10 en club depuis trois ans et que les dix autres Bleus n’ont jamais été au niveau, non plus. Quoi qu’il arrive, Nasri sera toujours jugé différemment en équipe de France. La faute à son supposé talent. Présenté très tôt – trop sans doute – comme un petit génie du ballon, le Marseillais est balancé, avec ses copains de la génération 1987 (Benzema, Ben Arfa et Ménez), comme l’avenir radieux de cette équipe de France. En 2012, aucun n’est titulaire en équipe de France. Symptomatique.
Aucune référence en Bleu
Il faut dire que le quatuor n’a aucun match référence en équipe de France. Aucun. Des bouts de matchs, quelques buts ici et là, mais pas de prise de pouvoir. Ou alors très sporadiquement. À 26 ans, cette génération a construit son aventure en bleu sur le talent. Sauf qu’à un moment, le talent supposé ne suffit plus. Surtout quand le soutien populaire ne suit pas. Dans les tribunes françaises, les quatre n’ont jamais fait l’unanimité. Arrogants, petits merdeux, égoïstes, crâneurs, comme ses trois compères, Samir Nasri a dû composer avec ces mots. Ils n’ont pas la carrure de cadre. Ni même de meneurs au sens noble du terme. À près de 40 sélections, Nasri traverse son aventure en équipe de France comme un sacerdoce. C’est trop lourd pour lui et comme sur le terrain, il cherche des solutions.
En août pourtant, il procédait à un exercice nouveau pour lui, des excuses publiques : « Je tiens encore une fois à m’excuser, je n’ai pas eu un comportement exemplaire, je n’ai pas géré les choses comme il le fallait. Je tiens à m’excuser, j’espère que vous comprendrez mon souhait de ne pas parler du passé, je suis focalisé sur le présent et cette deuxième chance en sélection. » Une deuxième chance qui a sacrément pris du plomb dans l’aile, vendredi à Kiev. Sacrifié sur l’autel du numéro 10. Seul. Même Franck Ribéry qui, en sous-main, avait demandé la titularisation de son ancien collègue marseillais, n’a pas réussi à le faire briller. En football, et surtout en équipe de France, tout va très vite. Et on ne pardonne pas. Ou très rarement. Pour le moment, Nasri est le joueur le plus visible après la défaite de Kiev. Il en est le symbole. Le pari raté de Didier Deschamps. Une sorte de bouc émissaire.
Une troisième chance ?
Heureusement pour lui, et toute la génération 1987, Knysna s’est fait sans eux. Parce qu’en ce moment, au lieu de soutenir les Bleus, on parle beaucoup du passé. Beaucoup trop même. Pour une équipe qui cherche à se construire un avenir, on leur parle uniquement du passé. Alors demain soir, Nasri sera sans doute sur le banc. Pas loin de son pote Karim Benzema. Finalement, qu’ils brillent ou pas en bleu, on s’en fout un peu. Ce qui compte, c’est que l’ensemble se qualifie pour le Brésil. Ainsi, il sera peut-être temps de passer à autre chose. Nasri, lui, aura une nouvelle chance de montrer son talent en équipe de France. Parce que les mecs talentueux ont toujours une seconde chance. Et même une troisième.
Par Mathieu Faure