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Samir Hadji : « Les gens ne devraient pas autant négliger le Luxembourg »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
8 minutes
Samir Hadji : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Les gens ne devraient pas autant négliger le Luxembourg<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Fils de l’illustre Mustapha et neveu de Youssouf, l’attaquant franco-marocain est avec 20 réalisations le meilleur buteur du championnat du Luxembourg. Au moment où les Bleus s’apprêtent à affronter les Roud Léiwen, le joueur du Fola Esch de vingt-sept ans défend la valeur sportive d’un championnat censé lui offrir une seconde chance qui tarde à arriver.

Toi qui as grandi en Lorraine et qui joues aujourd’hui au Grand-Duché, tu dois forcément attendre avec impatience ce Luxembourg-France. Qu’est-ce qui rend cette affiche si spéciale ?C’est toujours particulier quand le Luxembourg accueille notre pays. Moi qui côtoie quelques internationaux dans mon club, on sent que c’est vraiment un plaisir de se mesurer à de grands joueurs comme ceux de l’équipe de France. Pour eux, c’est un honneur de jouer contre les Bleus. Personnellement, j’ai envie que les copains fassent un beau match, mais je reste français de cœur.

Penses-tu les Luxembourgeois capables de poser des problèmes aux Bleus ?Ça va être difficile, mais ils auront bien quelques opportunités à saisir. Sachant que les Français n’aiment pas trop qu’on leur rentre dedans, ils devront être bien agressifs. Et puis veiller à être bien en place, à ne pas laisser trop d’espaces, car à la moindre erreur, ça fera but. Après, ils ont des mecs qui vont vite sur les côtés, donc ils auront une carte à jouer sur un contre ou un coup de pied arrêté.

Trois de tes coéquipiers du Fola Esch sont dans le groupe luxembourgeois. Comment abordent-ils ce match ?Pour Gerson Rodrigues, c’est un match spécial, puisqu’il vient d’obtenir sa naturalisation et va connaître sa première sélection. C’est un jeune milieu de vingt et un ans, qui va très vite, plutôt puissant, qui est intéressant. Je sais qu’il est stressé, mais ça va être quelque chose de grand pour lui. Mon compère d’attaque Stefano Bensi est excité par ce genre de matchs contre les grandes nations du foot parce qu’il est plus expérimenté. Et enfin, il y a Enes Mahmutović, dix-neuf ans, qui commence à se faire sa place en équipe nationale. C’est un jeune défenseur axial très prometteur.

D’ailleurs, le Luxembourg se présente avec un groupe extrêmement jeune. Avec le Messin Vincent Thill (dix-sept ans) ou le Lyonnais Christopher Martins (vingt ans), peut-on voir en cette génération le signe d’un progrès du foot luxembourgeois ?D’après moi, il y a toujours eu des jeunes de qualité au Luxembourg. Mais le problème, c’est que la formation n’est pas terrible et beaucoup sont obligés de partir très tôt à l’étranger.

Il y a dix ans, la sélection se prenait 5-0 ou 6-0 à chaque match alors que maintenant, même contre les grandes nations, ça finit plus souvent par des défaites 2-1 ou 3-0 maximum.

C’est compliqué pour ceux qui restent parce qu’il n’y a que l’équipe nationale qui peut leur permettre de sortir du Luxembourg. Le championnat luxembourgeois est peu regardé, alors que c’est un championnat de qualité. Les gens ne devraient pas autant négliger le Luxembourg. Depuis que je suis arrivé ici, les choses évoluent chaque année. Je m’attendais à trouver un championnat facile, mais la Division nationale reste intéressante à jouer. Il y a dix ans, la sélection se prenait 5-0 ou 6-0 à chaque match, alors que maintenant, même contre les grandes nations, ça finit plus souvent par des défaites 2-1 ou 3-0 maximum.

Quelle est ton histoire personnelle avec le Luxembourg ? Comment as-tu débarqué là-bas ?J’ai fait ma formation au FC Sarrebruck, puis à Nancy, avant de rejoindre Strasbourg. Après une saison en National, je suis parti à Agadir au Maroc où ça s’est mal passé, à cause de blessures, de salaires non versés à temps. Du coup, j’ai passé six mois sans club et c’est à ce moment que mon agent m’a proposé le Fola Esch. Je pensais venir ici pour une année de transition, mais finalement, je m’y suis plu. Toutes les conditions étaient là pour se relancer et garder le rythme. Et puis, quand tu finis champion comme en 2013 et 2015, tu as le droit de disputer les tours préliminaires de Ligue des champions, ça donne des occasions pour se montrer. À deux reprises, on est tombés contre le Dinamo Zagreb, ce qui n’est pas donné à tous les joueurs. Finalement, le Fola est un club familial où je me plais.

Familial, c’est le mot, puisque ton père Mustapha y a évolué de 2007 à 2010.Lui, c’était dans un autre contexte que moi parce qu’il était en fin de carrière. Il m’avait dit que du bien à propos du club et aujourd’hui, je ne regrette pas d’être venu ici.

C’est déjà difficile d’être le fils d’un footballeur de renom, mais toi tu n’as pas hésité à aller dans des clubs où ton père est passé, comme l’ASNL, Sarrebruck et donc le Fola. Coïncidences ou coups de piston ?Ce n’est même pas quelque chose qui est voulu ou recherché. Je suis né en Moselle, donc forcément, j’ai fréquenté les clubs qui se trouvaient autour de chez moi et qui s’intéressaient à moi. Que mon père y soit passé, ça a pu aider, c’est clair, parce que c’est lui qui a suggéré à Sarrebruck de venir me superviser. Mais difficile de dire que j’ai essayé de suivre ses traces. Mon père a fait une belle carrière que tout le monde envie. Il avait un talent qu’il a su exploiter en travaillant dur.

Entre ton oncle à Nancy, ton petit frère Zachary qui a fait toute sa formation à Metz et toi à Esch, ça doit être pratique pour les réunions de la famille Hadji !Oui, c’est sûr ! On s’appelle très souvent avec Youssouf. Moi, j’habite à la frontière luxembourgeoise, lui à Nancy et tout le reste de la famille est à Creutzwald, dans l’est de la Moselle. On est tous à une heure les uns des autres. Il ne manque que Zachary qui est prêté cette année au CF Gavà en Segunda B, en Catalogne, et qui donc est un peu plus loin.

À quoi ressemble le quotidien d’un footballeur de première division dans un pays comme le Luxembourg ?C’est assez spécial. En fait, la moitié de l’équipe a un boulot à côté, alors que l’autre moitié a un contrat de travail qui leur permet de se concentrer uniquement sur le foot, sans avoir pour autant le statut de professionnel. Des entraînements physiques et techniques sont prévus le matin spécifiquement pour ceux qui ne travaillent pas, puis on se retrouve tous les soirs à 18 heures pour une séance collective. Moi, je ne me consacre qu’au football, pas parce que je n’ai pas envie de travailler, mais parce que j’estime avoir encore la possibilité de devenir professionnel. Si à trente ans passés, j’en suis encore là, je commencerai à chercher quelque chose pour préparer l’après-carrière.

Tu comptes presque 120 matchs en D1 luxembourgeoise, 65 buts inscrits, tu es double champion du Luxembourg… Est-ce que tu ne commences pas à te sentir un peu trop à l’étroit ?C’est vrai qu’au bout de quatre ans et demi, j’ai l’impression de tout connaître par cœur.

Ici, les conditions financières sont plus que correctes, donc si c’est pour aller en National en France, ça ne me dit pas. Après à cause du déficit d’image du Luxembourg, c’est compliqué d’attirer l’attention de clubs étrangers.

Donc oui, il y a l’envie de découvrir d’autres choses. J’ai déjà eu des propositions pour aller dans d’autres championnats, mais elles n’étaient pas intéressantes. Si je pars du Luxembourg, c’est pour un projet sportif consistant. Ici, les conditions financières sont plus que correctes, donc si c’est pour aller en National en France, ça ne me dit pas. Après, à cause du déficit d’image du Luxembourg, c’est compliqué d’attirer l’attention de clubs étrangers. Un jour, un club belge est venu me voir et m’a dit : « Oui, tu es un bon joueur, mais est-ce que tu le seras toujours en Belgique ? »

Tu as l’occasion ici de rétablir la vérité : à quel niveau évolueraient les meilleurs clubs luxembourgeois s’ils étaient intégrés aux championnats français ?Entre une bonne équipe de National et un milieu de tableau en Ligue 2. En amical face au FC Metz, on arrive à faire des matchs nuls. Comme quoi, il y a quand même de la qualité.

Pourquoi ça n’a pas marché lors de ton essai au Club Deportivo Lugo (D2 espagnole) en 2015 ?Gérard Lopez, qui était alors le président du Fola Esch et qui est aujourd’hui à Lille, voulait reprendre ce club et leur a proposé un attaquant. J’y suis allé pendant deux-trois jours où ça s’est super bien passé, jusqu’à ce que je me blesse. Ils m’ont demandé de revenir plus tard, sauf qu’entre-temps, Lopez n’a pas racheté le club et ils ont fini par m’oublier.

Gérard Lopez, qui avait fait venir ton père au Fola à l’époque, aurait quand même pu te mettre dans ses valises quand il est arrivé au LOSC…Pour moi, ça pourrait être un objectif, mais bon là, c’est un niveau qui est bien supérieur à celui dans lequel j’évolue. Il faudrait d’abord que les dirigeants du club viennent nous voir. Luis Campos est passé lors du derby contre la Jeunesse d’Esch il y a quelques semaines. S’ils cherchent des joueurs libres, avec du potentiel, jeunes ou confirmés, il y a tout ce qu’il leur faut au Luxembourg.

Ça ne te frustre pas de voir tes coéquipiers défendre les couleurs de leur pays, alors que toi, tu n’as que deux sélections en équipe olympique du Maroc ? Rejoindre les Lions de l’Atlas serait-ce pour toi un objectif, d’autant plus que ton père en est l’adjoint ?

Intégrer la sélection nationale A du Maroc, ça me fait rêver ! J’en ai parlé à mon père, il pense que j’en ai les qualités.

Intégrer la sélection nationale A du Maroc, ça me fait rêver ! J’en ai parlé à mon père, il pense que j’en ai les qualités. Mais à ce niveau-là, il faut évoluer dans le monde professionnel. Et tant que je suis au Luxembourg, je ne l’aurai pas. Ça fait partie des raisons pour lesquelles j’aimerais partir, parce que ça reste une fierté de pouvoir représenter son pays.

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