- Équipe de France
- Billet d'humeur
Samir et Valérie sont dans un bateau
L'un a insulté des journalistes, l'autre a déclaré sa flamme en 140 signes. L'un a relancé une vieille polémique, l'autre a provoqué une affaire d'Etat. Du coup, l'autre permet aussi de mettre le premier en perspective.
Lundi, lors de France-Angleterre, Samir Nasri, juste après avoir égalisé, a adressé aux journalistes de L’Équipe, non sans discrétion, un « Ferme ta gueule ! » de premier ordre, la rage au ventre, le doigt sur la bouche. Ce qui lui a valu un début de polémique, avec évidemment Knysna en fond sonore. Mardi, en pleine bataille législative, Valérie Trierweiler s’est fendue d’un tweet à l’allure faussement anodine qui a provoqué une affaire d’état : « Courage à Olivier Falorni qui n’a pas démérité, qui se bat aux côtés des Rochelais depuis tant d’années dans un engagement désintéressé. » Que les deux évènements polémiques de cette semaine de premier tour -législatif et européen- s’enchaînent l’un après l’autre a quelque chose de très ironique. L’un mettant finalement l’autre en perspective. De la punchline de Samir à la prose de Valérie, il n’y a qu’un pas. Les registres sont les mêmes, une surréaction émotive malvenue dans un contexte institutionnalisé qui ne s’accommode guère de ce genre d’écarts. L’équipe de France d’un côté, l’Élysée de l’autre. Les deux ont donc bien agi sous le même prisme. Et dans le même cadre : le retour à la normale après le foutoir pour les Bleus, l’extravagance pour l’Élysée.
Réaction enfantine
Allez, il en prend un coup, l’argumentaire basique, moralisateur, lourdingue, polémiste, aux accents « finkielkrautiens » , sur la prétendue racaille banlieusarde qui gangrène l’une des institutions les plus promptes à vendre de l’imagerie collective : l’équipe de France. Même Daniel Riolo, capable de mieux, s’est permis un tweet sans inspiration : « La mentalité racaille domine dans ce pays… C comme ça et nulle part ailleurs ! » Si Samir a agi comme une racaille, peut-on en dire autant de Valérie ? Elle aussi, après tout, elle a agi pour son compte, tirant la couverture à elle, bouffant la gonfle à l’orée du second tour, marquant son but toute seule, quitte à faire perdre des sièges à sa nouvelle famille politique, quitte à faire un vilain coup à sa coéquipière Ségolène, démarquée sur l’aile gauche, qui avait grand besoin de son soutien pour remporter sa circonscription et prendre la présidence de l’Assemblée Nationale.
Oubliant sa responsabilité nouvelle, oubliant son image de femme d’État. Pour parler plus simplement, elle a massacré l’ex de son copain aux yeux du monde entier, dans une histoire de coucheries au sommet qui offre aux extrêmes un boulevard pour se mettre bien en période de crise. Les mots diffèrent donc, l’idée est la même, une réaction émotive instantanée, imprévue et pas réfléchie. Une réaction enfantine de cours de récré pour l’un, un crime d’amour, passionnel pour l’autre. La droite, à l’affût de tout cadeau électoral, en pleine décrépitude, préparerait même une proposition de loi sur le rôle de la Première dame. À y regarder de près, il apparaît un peu léger, le polémiste qui extrapole beaucoup de choses sur le cas Nasri. Valérie, elle, vient de casser en 140 signes un début « normal » de mandat préparé minutieusement depuis des lustres.
L’Équipe, père de la morale
À une autre époque, Dugarry avait failli adresser un doigt d’honneur à la tribune de presse du Vélodrome. Il avait simplement tiré la langue. Oublions Knysna, la comparaison est redondante. Cette histoire rappelle aussi, quelque part, l’édito déplorable en Une de L’Équipe après le coup de boule de ZZ en 2006. Son auteur, scandalisé, avait rappelé à Zidane son rôle d’exemple pour la jeunesse de la France. Zidane, lui, dans son génie muet, avait juste ramené le foot à son essence première. Un jeu, avec un gagnant, un perdant. Car si le foot 3.0, fait de caméras partout, de réseaux sociaux 24/24, d’hyper communication, brouille les codes et la temporalité d’un match qui se joue, du coup, avant et après un peu partout, il convient de rappeler que le foot demeure un truc assez simple : un terrain, 11 mecs sous tension contre 11 types qui ont aussi envie de gagner. Difficile d’extrapoler sur autre chose.
L’argent a beau faire tourner les têtes, il ne dictera jamais le cadre émotionnel dans lequel évolue les joueurs après un but, qui est le même sur tous les terrains du monde. Et c’est tant mieux. Et élucubrer, de fait, sur l’insulte de Nasri, apparaît encore moins opportun, ce pré-requis rappelé. Qui plus est mis en évidence avec l’affaire Trierweiler, qui le fait passer pour un évènement de troisième zone. Pour pousser le mimétisme, on observe d’ailleurs que l’ex-prof d’allemand Jean-Marc Ayrault et son pendant Laurent Blanc – qui n’aurait pas dépareillé non plus dans le rôle, avec son ton professoral – ont finalement endormi l’affaire à leur manière, responsabilisant chacun, pour se recentrer sur des enjeux peut-être plus importants. Pour Samir, une tape sur la main et on oublie. Pour Valérie, si ce n’est pas déjà fait, un sacré recadrage en règle.
Antoine Mestres